sexta-feira, 22 de janeiro de 2021

parte 6

 

 

 

 

 

 

400 EFFETS DE l' HABITATION DU SAINT-ESPRIT

 

peine avaient-ils achevé, que les douleurs la pri-

rent. Comme elle poussait des gémissements, un

des geôliers lui dit : « Si tu ne peux en ce mo-

ment supporter la souffrance, que sera-ce quand

tu seras déchirée par les bêtes ? Il eût donc bien

mieux valu sacrifier aux dieux. » A quoi cette

généreuse femme fit cette belle réponse : « Au-

jourd'hui, c'est moi qui souffre; mais alors il y

en aura un autre en moi qui souffrira pour moi,

parce que moi aussi je souffrirai pour lui. »

 

 

 

IV

 

 

 

Distincts des vertus par leur mode d'agir, les

dons le sont encore par la règle qui sert de mesure

à leurs actes.

 

La règle des vertus acquises, c'est l'humaine

raison perfectionnée par la prudence naturelle ;

celle des vertus infuses, la raison éclairée par la

foi et dirigée par la prudence surnaturelle ; voilà

pourquoi la vertu est définie : une habitude qui

nous incline à vivre avec droiture suivant la règle

de la raison : qua recte vivitur secundum régulant

raiionis^. Quant aux dons du Saint-Esprit, ces

perfections plus hautes, alliores perfecliones^, que

Dieu nous donne en vue de sa motion, in ordine

ad motionem ipsius', leurs actes n'ont d'autre

 

 

 

1. S. Th., I' Uae, q. lxtiii, a. i» ad 3.

 

2. Ibid., in corp. art.

 

3. Ibid.. ad 3.

 

 

 

LES DONS DU SAINT-ESPRIT 4oi

 

règle que l'inspiration divine et la sagesse de

Celui qui est l'Esprit de vérité i.

 

Aussi n'est-il pas rare « que l'inspiration divine

pousse l'homme à des œuvres qui dépassent les

limites ordinaires de la raison, même éclairée

par la foi. Ces œuvres sont bonnes d'une bonté

supérieure ; elles ne sont pas téméraires parce

qu'elles ont Dieu lui-même pour conseiller et

pour soutien; elles sont justifiées par cette raison

supérieure que Dieu, quand il agit ainsi, n'est

pas obligé de se tenir dans les limites que l'im-

perfection naturelle de l'homme oblige celui-ci

à respecter. Par toutes ces raisons elles satisfont

plus qu'il n'est absolument nécessaire aux don-

nées de la prudence. Néanmoins la prudence

ordinaire, même chrétienne, n'autoriserait pas à

les entreprendre ni à les conseiller. C'est dans

ces œuvres surtout que les dons du Saint-Esprit

sont mis enjeu». »

 

Ainsi quand sainte Dorothée, conduite au sup-

plice et interpellée par un avocat du nom de

Théophile qui, l'ayant entendue parler du para-

dis de son époux, lui dit par raillerie : o Allons,

épouse du Christ, envoie-moi du paradis de ton

époux des fleurs ou des roses » , répondit à l'ins-

tant : « Certainement je le ferai », d'où lui

 

 

 

I. « Cum dona sint ad operandum supra humanum mo-

dum, oportet quod donorum operationes mensurentur ex

altéra régula humanae virtutis, quae est ipsa Divinitas ab

homine participata suo modo, ut jam non humanitus, sed

quasi Deus factus participatione, operetur. » (S. Th., 111

Sent., dist. xxxiv, q. i, a. 3.)

 

a. L'Ami da Clergé, an. 1893, p. 891.

 

 

 

lAB. SAINT-BSPRIT.

 

 

 

402 EFFETS ©E L'haBITATION IW SAJNl-ESPllIT

 

venait une pareille assurance? Aurait-elle pEiPlé

de la sorte, en se conformant aux lois de la ,pru-

denoe chrétienne? Ne s'exposait-elle pajs ou à

tenter Dieu en comptant sur u© Miiracle qu'il

n'était pas tenu d'opérer, ou à jeter le discrédit

sur la religion cla<rétienne, si la prcMnesse qu'elle

venait de faire ne se réalisait pas? Et pour.taiut

la jeune vierge répond sans hésitation : « Certai-

nement je le ferai : Plane hoc faoiam. » Et l'évé-

nement lui donne promptement oraison. C'est

que l'Esprit-Saint lui avait suggéré sa réponse,

^t, sans hésiter, sans réfléekir davantage, elle

avait obéi docilement à l'inspiratkm divine, selon

ceftte parole du prophète : (( Le SeÂgneur m'a

ouvert l'oreille pour me faire entendre sa voix ;

quoi qu'il !!^e dise, je ne résiste point; quelque

-difficulté qui se présente^ je ne retourne pas en

arrière i. »

 

De même, quand le bienheurenax Henri Suso,

de l'Ordre de Saint-Dominique, gravait profon-

dément sur sa poitriine le nom de Jésfus ^t se

livrait à des macérations qui révoltent notre déli-

catesse; quand sainte ApoUonie, menacée paj

les païens d'être brûlée vive si eile ne renonçait

à Jésus-Christ, prévenait ses bofurreaux et se

}€^tait elle-même dans les flaratmes ; quand les

stylites et tant d'autres saints embrassaient un

genre de vie qui semblait un perpétuel défi jeté à

la nature, se oonduisaient^ls sekm les régies de

 

 

 

I . « Dominas Deus aperuit mihi auarem, ego autem non

•contradico : retrorsum non abii. » (Ts., l, 5.)

 

 

 

EEs. DOKs DU SitiWTHESPmarr 4o3

 

fe pmdeTiee' ckréfcnnie? Evideirmient non. Et

pourtamlj les' nMra(5l»es opérés en Gonfirmation dé

leur sainteté sonit là poiïr nsous; prouver ^'ils

avaient, en agissant die- la sortevobéi à une impul-

sion divine. Tous ces héroïsnnes die foi, de dou;-

ceur, de force, de patience, de chairité, domt

l'hagiographie chrétienne' contieiat l'émouvant

réerb ; les œuvres extraoaîdinaires enifereprises poxiT

la gloire de Diieu ou le salut, du piochain ; les

manifestations les plus, hautes et les plms exeelt-

len^es de k vi^e spirituelle, n-e sont autre chiose

que les effëfe des dons dju Safet-Espirit. Paartant

d'un principe supérieur aux vertlus, quoi dj'éton"-

nant qu'ils en dépassent lîa mesure ?

 

Voilà pourquoi certains théologiens disent que

les dons sont des perfections qui disposent

l'hoMiime à des a^ctes plus relevés, plus excellients,

que ne le sont général^ement les actes des vertus :

Ei hoc est quod quidam diemni quod doua perfi-

eiuùnt hominem ad aitiores mcias qaam sint actus

mrtutum^. Et, loin d'improtjver cette opinion,

sain* Thoîna^is déclare, dans; un autre; passage,

que c'est celle qui paraît la plus conforme à la

vérité : Et hœc opinic inier omnves ver a videtur^.

 

Est-ce à èire que tes donsr aisent un objet dis-

tiiict de celui des vertus, et qu'ils n^enlrent en

e>tercice que lorsqu'il s'agit d'œuvres héroïques

ou ext^^ao^dîn^ires? S'il en était ainsi, ils ne

con-Adendraient pour ainisi dire qu'aux grands?

saints, aux apôtres, aux martyrs, auit âmes géni-

 

 

 

I. S. Th., I' Ilae, q. lxviii, a. i.

 

a. S. Th., III Sent., ô.\?,i. îxxiv, q. i,. a. r*

 

 

 

Ixolx EFFETS DE l'haBITATION DU SAJNT-ESPRIT

 

reuses prêtes à tous les sacrifices pour avancer

dans le chemin de la perfection, tandis qu'ils

seraient à peu près inutiles à l'immense multi-

tude des chrétiens qui vivent dans la justice

sans faire une action éclatante. Combien, en

effet, se sauvent par la simple pratique des com-

mandements et par les œuvres ordinaires de la

vie chrétienne ! A quoi bon dès lors des habitas

n'ayant à s'exercer que rarement, dans des cas

exceptionnels, et qui demeureraient le plus sou-

vent à l'état de forces dormantes et oisives?

Or, c'est l'enseignement unanime des Docteurs

et des maîtres de la vie spirituelle que les dons

du Saint-Esprit sont le lot commun de tous les

justes, sans en excepter les plus humbles ; et

saint Thomas les déclare nécessaires au salut ^

Comment, dès lors, ne pas reconnaître que si

les actes héroïques et les œuvres éminentes de

la sainteté parfaite constituent le domaine prin-

cipal des dons, ils ne sauraient cependant être

considérés comme leur objet adéquat et comme la

limite extrême de leur sphère d'influence? Aussi,

tout en concédant que « les dons surpassent la

perfection commune des vertus, le saint Doc-

teur fait observer que ce n'est point quant au

genre des oeuvres, à la façon dont les conseils

l'emportent sur les préceptes, mais quant au

mode d'opérer, en ce qu'ils disposent l'homme à

recevoir la motion d'un agent supérieur : Dona

excédant commanem perfectionem virtatam, non

qaantam ad gênas operum, eo modo quo consilia

 

 

 

I. S. Th., I' II", q. Lxviii. a. a.

 

 

 

LES DONS DU SAINT-ESPRIT 4o5

 

praecedunt prsecepta, sed quantum ad modum ope-

randi, secundum quod movetur homo ah altiori prin-

cipio*. »

 

On ne pourrait donc, sans s'écarter de la pen-

sée du prince de la théologie, assigner aux vertus

et aux dons des domaines complètement séparés,

réserver à ceux-ci un genre d'oeuvres spéciales

qui surpasseraient en perfection l'objet matériel

de celles-là.. 11 n'est, au contraire, aucune ma-

tière des vertus sur laquelle l'un ou l'autre don

ne puisse être appelé à exercer à un moment

donné son mode suréminent d'opération ', de

même qu'il n'est pas de forces ou facultés humaines

susceptibles d'être le principe d'actes humains,

qui ne soient aptes à être actionnées par l'Esprit-

Saint et perfectionnées par ses dons 3. Bref, le

champ d'opération des dons s'étend aussi loin

que celui des vertus ; mais si les uns et les

autres ont une même matière, ils se différencient

néanmoins, comme nous l'avons dit, et par leur

mode d'agir et par la règle qui sert de mesure

à leurs actes ; c'est j>ourquoi leur objet formel

n'est pas le même.

 

 

 

1. S. Th., l' II", q. Lxvin, a. 2, ad i.

 

a. « Cum donum elevet ad operationem quae est supra

humanum modum, oportet quod circa materias omnium

virtutum sit aliquod donum quod habeat aliquem mo

dum excellentem in materia illa. » (S. Th., III Sent., dist.

XXXIV, q. I, a. a.)

 

3. « In omnibus viribus hominis, quae possunt esse

principia humanorum actuum, sicut sunt virtutes, ita

etiam sunt dona, scilicet in ratione pt in vi appetitiva. »

(S. Th., I" Ilae, q. Lxvin, a. 4.)

 

 

 

4o6 EFFETS DE l'haBITATION DU SAINT-ESPRIT

 

 

 

Les considérations qui précèdent sur la nature

et fei distinction des dons et des vertus ont déjà

fait clairement pressentir leur rôle respectif dans

réconomie surnaturelle. La question toutefois

n'avait pas été jusqu'ici abordée directement ; le

moment est venu de le faire et de rechercher

quel est ce rôle. Au jugement de Tangélique

Docteur, il consisterait pour l'es vertus à iTiettre

nos puissances appétitîves en état d^obéir promp-

tement à la raison, et pour les dons à disposer

le juste à suivre docilement les inspirations de

TEsprit-Saint : Virlafes morales habitas quidam

sani, quitus vires appetilivae disponuntur ad prompte

ohediendum rationî. . . Dona Spirilus Sancti sunl qui-

dam habitus quibus homo perficitur ad prompte

obediendiim Splrllui Sancio^.

 

Réduite à ces termes et envisagée seulement

dans ses grandes lignes, la doctrine relative aux

fonctions particulières des vertus et des dons

rallie facilement tous les suffrages ; mais sitôt

qu'il s'agit de préciser davantage, l'accord s'éva-

nouit et les opinions appraraissent.

 

Ainsi certains théologiens prétendent que les

vertus disposent uniquement à obéir à la raison,

« à a^ir en conformité avec elle, et non à suivre

 

 

 

I. S. Th., !• Ilae, q. lxviii, a. 3

 

 

 

iLBS B0fiS DU SAINT-EEPBIT I^OJ

 

i'inspiratioja divine i » ; le rôle >des 4Gns serait de

perfectionner rhomme « en .tocBt ce qoa'.il doit

ffaire sous l'impulsion, sons rdnspii\ation de

l'Esprit-Saint ' ». Et ^comniîe il n'iest aucune

raction de la crëasture (m la naotion .divine ne soit

associée à l'aotivité humaine, ils eu €on€luen<t

que vertus et dons ^întrent en exercice chez les

justes dans tous et chacun des actes de leur vie

surnaturelle. Voici conament ils raisonnent .:

M Les vertus di6»j>osejQ't l'iiomme à suivre l'im-

pulsion de la droite raison ; les dons le dispo-

iseBbt à suivre celle de Dieu ou de i'Esprit-Saint.

Or cette double impulsion est néoessaire dans les

aotes orrdio>aires >des vertus, depms les plus éle-

vés jusqu'aux plus infimes 3. » Il faut doûc

reconnaitre en tout acie surnaturel même faoile

l'exercice des vertus et des dons.

 

Saint Thomas entend les choses différem.ment.

A' son avis, >tout (en .ayant pour oiïîae de pirépa-

rer l'âme à suivre sans résistance le mouvement

«t la direcitioia de la raison, les vertus la dispo-

sent encore, par voie de conséquence, à suivre

l'impulsion divine, au moins cette impulsion

Ki^rdinaire et commune que Dieu ne refuse à

aucune créature désireuse d'utiliser et de mettre

.en oeuvre les principes d'activité résidant en elle.

Car, suivant la remarque du saint Docteur, par

le fait même qiue Thomme est bien disposé au

regard de sa propre raison, il l'est également par

 

 

 

1. L'Ami du Clergé, n. dia ag décembre «ïSgS, p.. ii64.

 

2. Ibid., p. 1 166.

 

3. L'Ami du CHergé, n. du i*' septemTare 1898 , p. 774.

 

 

 

4o8 EFFETS DE l'haBITATION DU SAINT-ESPRIT

 

rapport à Dieu : Quia per hoc quod komo bene se

habei circa rationem propriam, disponitur ad hoc

qaod se bene habeat in ordine ad Deum ' . Quant

aux dons, leur fonction propre, leur rôle parti-

culier est de préparer celui qui les possède à

recevoir d'une façon connaturelle non pas toute

espèce de motion divine, mais seulement cer-

taines impulsions spéciales désignées sous le

nom d'inspirations, d'instincts de l'Esprit-Saint,

et de faire accomplir à l'homme des actes qui

sortent de l'ordinaire, sinon par leur objet ma-

tériel, au moins par leur mode de production et

par la norme qui leur sert de mesure : Dona sunt

qusedam perfectiones hominis, quibus homo dispo-

nitur ad hoc quod bene sequatur instinctum Spiritus

Sancii^. — Cum dona sinl ad operandum supra

HUMANUM MODUM, oportct quod donorum operationes

mensurentur ex altéra régula quam sit régula

humanas virtutis, quae est ipsa Divinitas participata

suo modo^.

 

Pour mettre cette vérité dans tout son jour, il

ne sera pas hors de propos de rappeler qu'on

peut distinguer une triple motion divine : la pre-

mière, proportionnée à la nature, et donnée en

vue d'opérations naturelles ; c'est la motion par

laquelle Dieu opère en tout agent naturel ou

libre, qua Deus operatur in omni opérante, en qua-

lité de cause première, et dont saint Thomas

 

 

 

I. S. Th., !• II", q. XXXIV, a. 8, ad a.

 

a. S. Th., I' II", q. lxviii, a. 3.

 

3. S. Th., III Sent., dist. xxxiv, q. i, a. 3.

 

 

 

LES DONS DU SAINT-ESPRIT ^0^

 

prouve la nécessité dans la Somme théologique

(I p., q. io5, a. 5).

 

La seconde, d'ordre surnaturel et proportionnée

à la grâce, nous est octroyée par Dieu pour nous

faire accomplir des œuvres salutaires; car, si

parfaite que soit ou que l'on suppose une créa-

ture, quand même elle posséderait à un degré

éminent la grâce sanctifiante et les vertus infuses,

elle est incapable de passer de la puissance à

l'acte, sinon par la vertu de la motion divine,

motion qui ne se distingue pas ici de la grâce

actuelle : Nulla res creata potest in quemcumque

actum prodire, nisi virfate motionis divinae^.

 

La troisième enfin est une motion toute spéciale

sous rinfluence de laquelle l'homme est plutôt

passif qu'actif, magis agitur quam agaty suivant

cette parole de l'Apôtre : « Tous ceux qui sont

mus et actionnés par l'Esprit-Saint, ceux-là sont

les enfants de Dieu : Quicumque Spirita Dei agun-

tur, a sunt filii Dei^. » Sur quoi saint Thomas fait

observer que, « être mû ou actionné, c'est être

mis en mouvement par une sorte d'instinct supé-

rieur : nia enim agi dicuniur, quse quodam saperiori

instinctu moveniar. Aussi dit-on des animaux non

pas qu'ils agissent, comme s'ils se portaient à

Faction de leur propre mouvement, mais qu'ils

y sont poussés par l'instinct de la nature : Unde

de brûlis dicimus quod non agunt, sed aguntur, quia

a natura moveniur, et non ex proprio motu, ad suas

actiones agendas. Or, quelque chose d'analogue se

 

 

 

I. S. Th., !• n*% q. cix, a. 9.

9. Rom., Yiii, i4.

 

 

 

4lO EFFETS DE l'hABITATION DU SAINT-ESPRIT

 

passe dans rhomme spirituel qui est irrcKné à'

certains actes non par le mouvement de so-n libre

arbitre principalemeni, mais par rEsprit-Saint :

Simiîiter autem homo spirituails non quasi ex mota

propriœ volantatis principaliter, sed ex instinctu

Spiriius Sanctï incUnaiur ad aliquid^. »

 

Et de peur qn^^on abusai: de la comparaison

qu'il' vient d'apporter, l'angéTique Docteur s'em-

presse d^ ajouter que cette impul'sion de TEsprit-

Saint n'exclut nullement dans fes justes la spon-

tanéité, voire même la liberté de leurs a«tesv

mais elle est Tindice que Te mouvement même de-

leur volonté et de leur libre arbitre est carrsépar

le Saint-Esprit, suivant cette parole de TApôtre :

Cest Dieu qui opère en nous le vouloir et le parfaire.

— Non^ iamen per hoc exchiditnv quin viri spirili^eh

les per volantaiem et liberum arhïirium operentar,

quia ipsum niotum voluntrttis et Uberi arbitrii Spiri-

ius Sanctus in eis causât, seaundum illuê PhMip,

II, i3 r Deus est qui operaiur in nobis veïïe et per^

ftcere^.

 

Le premier genre de motion divine acl^onne

nos forces naturelles, soil setrles, soit perfection-

nées par l'es vertus acquises', et devient avec elles

le principe d'actes moralement bons. Le second

met en exercice fes vertus iTafuaes, et nows fait

accompKr des actes sumatharePs, ceux dui m'oins

où se conserse notre mode naturel d'agir. Quant

au troisième, il est propre aux dons, et c'est tou-

jours une impulsion spéciale ayant pour term^^

 

 

 

S. Th., in Rom. viii, i4, lèct. 3.

Ibid

 

 

 

LES DO^^S DU SAJNT-ESPHIT 4ll

 

4des œuvres suréminentes par quelque ,endroit,

cam donum elevet ad operaiionem quœ est supra

hunuinum modum V, des œuvres où l'âme humaine

opère comme instrument de l'Esprit-Saint, ^et se

trouve dès lors plutôt passive qu'active : In donis

Spirilus Sancti mens humananonse habetutmovens,

sedmagis ut mota^.

 

Dans les deux premiers cas, la motion divine

se dissimule en quelque sorte derrière nos facul-

tés, dont elle provoque l'exercice, tout en respec-

tant leur jeu normal. Suivant l'h-eureose expres-

sion du pape Pie VI dans la huMe Aixciorem fidei^

elle nous fait fair« les actes auxquels nous nous

sommes librement déterminas : facit ut facia-

mus^. G'es.t la motion ordinaire et commune sous

l'influence de laquelle s'accompli&sent les actes

émanés des vertus.

 

Très différente est la motion propre aux dons,.

Celle-ci, en effet, prévient nos délibérations,

devance nos jugements^ et nous porte d'une façon

pour ainsi dire instinctive à des œuvres aux-

quelles nous n'avions pas songé et que l'on peut

vraiment appeler surbupiaines^ soit parce qu'elles

dépassent nos forces, soit parce qu'elles se pro-

duisent en dehors du mode et des procédés ordi-

naires de la nature et de la grâce. C'est l'impul-

?ion venant de Dieu comme agent supérieur, .sic a^

a quadam superiori potentia^t et qui, pour être

 

 

 

1. S. Th., III Sent., dist. xxxiv, q. i, a. a.

 

2. S. Th., IV II-, q. LU, a. 2, ad i.

 

3. Bulle Auctorem fidei, prop. ai.

 

4. S. Th., I' II", q. Lxviii, a. 4.

 

 

 

4l2 EFFETS DE l' HABITATION DU SAINT-ESPRIT

 

bien reçue, exige des dispositions toutes spé-

ciales.

 

On comprend en effet que, pour préparer l'âme

à suivre promptement ces impulsions extraordi-

naires par lesquelles TEsprit-Saint pousse les

âmes à des actes qui relèvent de lui principale-

ment et qui se produisent en dehors des règles

communes, des perfections particulières, supé-

rieures aux vertus, aliiores perfectiones '^ , les dons,

en un mot, soient ici nécessaires. Ne faut-il pas

que le mobile se trouve dans un rapport harmo-

nieux avec son moteur? Manifestum est quod ad

altlorem motorem oportet majori perfectione mobile

esse dispositum^. Mais quand il s'agit d'œuvres

ordinaires et communes, auxquelles l'homme se

porte de lui-même, de son propre mouvement,

comment ne pas admettre avec saint Thomas que

la même habitude qui incline la volonté à suivre

l'impulsion de la droite raison la dispose pareil-

lement à recevoir la motion divine : par exemple,

que la même vertu de force ou de tempérance

qui assouplit notre volonté au joug et à l'empire

de la raison la rend en même temps docile à la

motion divine, Tinclinant à en faire les actes

dans les circonstances ordinaires de la vie?

 

N'est-ce pas de l'essence même de ïhabitus

opératif de disposer à l'acte la puissance qu'il

perfectionne, en sorte qu'il dépend de la volonté

d'en user à son gré, suivant cette parole de saint

Thomas : Habitas est quo guis atitur cum volae-

 

 

 

1. S. Th., 1» II", q. Lxviii, a. I.

a. [bid., a. 8.

 

 

 

LES DONS DU SAINT-ESPRIT 4l3

 

rit*? Aussi, quiconque possède une habitude

bonne, non seulement le juste en qui se rencon-

trent, avec les vertus infuses, les dons du Saint-

Esprit, mais le pécheur lui-même, celui du moins

qui a conservé la foi et l'espérance, peut en faire

les actes quand il le juge à propos, et d'une

façon connaturelle, même en l'absence des dons.

 

S'il en était autrement, si c'était pour préparer

Famé juste à recevoir fidèlement la motion divine

en tout ce qui est du domaine surnaturel que les

dons sont ordonnés, on ne voit pas pourquoi il

n'y aurait pas également, dans l'ordre purement

naturel, des perfections analogues aux dons du

Saint-Esprit et destinées à nous rendre dociles à

la motion divine, de même qu'il y a des vertus

acquises qui disposent les facultés appétitives à

obéir à la raison ; car enfin, dans l'ordre de la

nature comme dans celui de la grâce, nous obéis-

sons à un double moteur : la raison et Dieu. Or,

nul n'a jamais parlé, que nous sachions, de ces

sortes de perfections.

 

Concluons donc que Dieu nous meut et par les

vertus et par les dons, mais diversement : d'une

manière conforme à notre nature par les vertus,

d'une façon supérieure par les dons : Virtates

perficiunt ad actus modo humano, sed dona ultra

humanum modum*. Tant qu'il s'agit d'opérer le

bien d'une manière humaine, conformément aux

procédés et aux règles ordinaires de la nature et

de la grâce, l'action des dons n'est point requise.

 

 

 

1. S. Th., I' II-, q. L, a. 5.

 

a. S. Th., III Sent., dist. xxxiv, q. i. a. i.

 

 

 

4 14 EFFETS DE L HABITATION BU iSAlNff-ESPRIT

 

les vertus .suffisent : les yeilus acquises, s'il est

que&tion d'une œuvre rmoralement bonne de

l'ordre jntaturel ; les vertus chrétienneB ou infuses.,

s'il s'agit d'ujî acte salutaire. Ce n'est que dans

les (cas où riianime -doit se conduire d'une ffaooin

su^périeure .au mode ordinaire, pratiquer la vertu

à un degré héroïque ou dans des tconjoncLures

papticulièrement difficiles ; ou encore lorsqu'il

s'agit de correspondre comn^e u-q ijasftrument

libre mais docile à quelqu'une de oes imf>^ulsions

daisolites qui procèdent de Dieu en tanit.q.u' agent

supérieur, secundam quod movetur homo ab uUiori

principio'^, que les dons deviennedat néoessaii^es et

entrent en exercice.

 

Une comparaison achèvera d'éclaircir notre

pensée. Qu'un Lacojdaire ou ^u^n Montalembert,

se faisant maitres d'école^ s'abaissent jusqu'à

apprendre VA, 6, c à des enfants, faudra-t-il q^ue

ceux-ci ajient reçu une préparation spéciale pour

être en état de suivi'e leurs leçons? N^ullement.

Dès là que ces illustres maîtires., f&i fort au-dessus

d'un pédagogue ordinaire, fie bornent à enseigner

les rudiments de la laja^gue, tout le mtonde peut

les comprendre. Il en irait .autrement si, au lieu

de distribuer à leuir jeune .auditoire un enseigine-

•ment élémentaire., ces gjrands orateurs préten-

<iaient l'initier à tous les eeerets de l'éloqueflvoe 2.

 

 

 

1. S. Th., 1*11", q. Lxviii, a. a, ad i.

 

2. Voir sur cette question un article paru dans la Revue

thomiste, n° de novembre 1899, sous ce titre : Les dons du

Saint-Esprit, leur nature, leur rôle, leur -actiûn cUms da vie

chrétienne.

 

 

 

LES BONS' DU SAEHTJ-SSPRBr' 4l5»

 

 

 

VI

 

 

 

Si tel est le rôle des dons, si leur but propre e*.

spécial est de nous préparer à suiATe docilement

les inspirations divines, les impulsions spéciales

et extraordiTiaires d'eFEsprit-Saint dans tes choses

oii la motion de la raison est in suffi sainte, com-

ment prétendre qu'ils sont nécessaires au salut ?^

CoQiment démontrer que Ites fidèles, dont la> vie

se meut dans l'orbitte' d'une vertu commune, owt

vraiment? besoin des dons pour atteindire leur te

dernière? Il semble que, avec les vertiïs théo]vi>-

gales qui les disposent bien paor rapport aux

choses divines, avec les> vertus morales infuses

qui prod'uisent un efifët semblable am regard des^

choses humaine», ils possèdent tout ce* qm est

requis pour parvenir au salut. Ils connaissent lie-

terme vers lequel ils doivent orienter leur vie,

ils ont des forces surnaturelles pouT y tendare,

que faut-il dfe plus ? La» motion speci^lfe' et la di-

rection de celui àa^mï parliait le Psatmiste quand

iî disait : « Votre Esprit qui est bon, ô Seigneurr,

me conduira dans la terre de la véritable recti-

tude 1 )) . Nul, en effet, ne peut parveiîDir à Théri-

tage de la patrie céleste &'il' n'est dî<rigé et conxi^uiït:

par r Esprit-Saint : Qmœ saMicet irv kœredîtaiem Wmsr-

 

 

 

I . « Spiritus tuus bonus deducet me in terram reetam. )>

 

(Ps. CXLTl, lO.)

 

 

 

4l6 EFFETS DE l'hABITATION DU SAINT-ESPRIT

 

terrœ heatorum nullus potesi pervenire nisi moveaiur

et deducalur a Spiritu Sancto ' .

 

Si l'homme n'avait d'autre fin que celle qui

répond aux exigences de sa nature, il pourrait,

avec ses énergies natives et le secours ordinaire

que la Providence ne refuse jamais aux causes

secondes pour l'exercice de leur activité, s'ache-

miner de lui-même vers le terme de ses destinées.

Que si cependant Dieu daignait venir encore à

son aide par une motion et une impulsion spé-

ciale, per specialem insiincium 2, ce serait l'effet

d'une bonté vraiment surabondante qui va volon-

tiers au delà du nécessaire, et non le signe d'un

besoin auquel il est indispensable de pourvoir : Si

tamen etiam in hoc homo adjuvetur a Deo per spe-

cialem insiincium, hoc eril superabundantis bonila-

tis^. Mais parce qu'il a plu à Dieu de nous appeler

à une fin qui surpasse absolument les forces et

les exigences de la nature, et que la raison même

perfectionnée par la foi et les autres vertus théo-

logales est incapable de nous conduire à ce bien-

heureux terme, il nous faut la direction d'un

guide plus écJairé, l'assistance d'un moteur plus

puissant, et comme conséquence les dons divins

qui ont précisément pour but de nous rendre

souples et dociles aux inspirations d'en haut : Sed

in ordine ad finem ullimum supernaturalem... non

sufficil ipsa motio raiionis, nisi adsit inslinctus et

moiio Spiritus Sancti... El ideo ad illum finem con-

 

 

 

I. S. Th.. I* n-, q. XLViii, a. a.

«. Ibid.

3. Ibid.

 

 

 

LES DONS DU SAINT-ESPRIT /jiy

 

sequendum necessarium est homini habere donum

Spiritas Sancti^.

 

D'où provient cette impuissance de la raison?

De la possession défectueuse des vertus théolo-

gales qui caractérise l'état de voie, et de l'insuffi-

sance des vertus morales pour résister en toute

occurrence aux attaques parfois si soudaines et si

vives du démon, du monde et de la chair.

 

Quiconque, en effet, remarque saint Thomas,

possède parfaitement une nature, une forme, une

vertu, bref, un principe quelconque d'opération,

peut, avec la motion ordinaire de Dieu qui opère

intérieurement en tout agent naturel ou libre,

agir par lui-même dans cette sphère ; mais celui

qui ne possède qu'imparfaitement une source

d'activité ne se suffit pas pour agir, il a besoin

d'un secours étranger, d'une direction, d'une

motion spéciale \ Ainsi un étudiant en médecine,

un interne des hôpitaux qui n'est pas encore

pleinement instruit, ne se hasarde point, s'il est

prudent, à entreprendre seul et sans l'assistance

de son maître une opération délicate et pouvant

entraîner de graves conséquences, tandis qu'un

médecin ou un chirurgien en titre, dès là qu'il

possède pleinement son art, peut opérer par lui-

 

 

 

1. S. Th., I" II", q. Lxvm, a. a. ,

 

2. « Manifestum est quod unumquodque quod perfecte

habet naturam, vel formam aliquam, aut virtutem, potest

per se secundum illam operari, non tamen exclusa opera-

tione Dei, qui in omni natura et voluntate interius opera-

lur ; sed id quod imperfecte habet naturam aUquam, vel

formam, aut virtutem, non potest per se operari, nisi ab

talero moveatur. » (S. Th., I» II**, q. lxvui, a. 2.)

 

HAB. SAIMT-StPIllT. — 93

 

 

 

4l8 EFFETS DE L'HABÎtAtlON DÛ SAINT-ESPRIT

 

même, sans avoir besoiù de direction ou d'assis-

tance i. Un capitaine de vaisseau, voyageant dans

des parages inconnus, ne s'aventure point à vou-

loir pénétrer de lui-même dans un port d'accès

difficile et dangereux, mais il fait monter à son

bord un pilote expérimenté et connaissant bien

les passes qui donnent etitrée dans la rade.

 

Or, telle est précisément la condition actuelle

de l'homme par rapport à sa fin ultime surnatu-

relle. Ne possédant qu'à l'état imparfait les prin-

cipes des opéraUjns surnaturelles, c'est-à-dire les

vertus chrétiennes, et notamment les trois vertus

théologales — car ce n'est qu'imparfaitement que

nous connaissons et que nous aimons Dieu — il

est hors d'état de pouvoir parvenir au port du

salut sans un secours spécial, sans une impulsion

et une assistance particulières de l'Esprit-Saint. In

ordine adfinem ulUmtimsupernataralem..., non saf-

ficii ipsà motio ralionis, nisi demper adsit inslinclus

et motio Spiritus Sancti. . ; quia scilicet in hœreditatem

illias terrœ beatôrutn nûllas potest pervenire nisi

moveatur et deducatur a Spirita Sancto. Et parce

que cette impulsion divine spéciale est néces-

saire, nécessaires conséquemment sont les dons

qui disposent à la recevoir. Et ideo ad illum jlnem

conseqaendum necessarium est homini liabere donum

Spiritus Sancti^,

 

 

 

1. « Medicus qui perfecte riovît artem medicinôe, pôlest

per se operari ; sed discipulus ejus, qui nondam est plene

instruclus, non potest per se operari, nisi ab eo instruatur. »

(Ibid.)

 

a. S. Th., I' ÏI", q. Lxvni, a. a.

 

 

 

LES DONS DU, SAÏNT-ESPIUT ^IQ

 

Ce n'est pas que, même dans l'ordre de la

grâce, l'homme soit incapable d'agir par lui-

même et de son propre mouvement, en toute

rencontre. En tant qu'informée, quoique d'une

façon défeçtueu^^, par les vertus théologales, sa

raison peut bien, il est vrai, lui permettre d'ac-

complir, avec le secours ordinaire de la grâce,

plus d'un acte salutaire ; elle peut commencer à

l'acheminer vers les rivages éternels; mais parce

q,u'il n'est en son pouvoir ni de connaître tout

ce qu'il importerait de savoir, ni d'accomplir

tout ce qu'il serait utile ou nécessaire de faire ^ ;

parce qu'elle ne possède, dans les vertus acquises

ou infuses, qu'un remède insufii^ant contre l'igno-

rance, l'hébétude, la dureté de cœur et les autres

misères de notre nature, elle n'est pas en mesure

de surmonter efficacement tous les obstacles, de

vaincre toutes les difficultés qui peuvent sç ren-

contrer, et de nous conduire définitivement au

ciel sans une assistance spéciale, et partant sans

les dons du Saint-Esprit.

 

Que de fois, en effet, dans le cours de son exis-

tence, un chrétien se trouve en face de certaines

éventualités graves, de résolutions importantes à

prendre, d'un choix de vie à faire, de la conduite

à tenir en telle ou telle occurrence, sans qu'il

puisse savoir au juste ce qui est expédient pour

son éternité ! Il est donc nécessaire que celui qui

 

 

 

I. « Rationi humanse non sunt omnia cognita neque

omnia possibilia, sive accipiatur ut perfecta perfectione

naturaU, sive accipiatur ut perfecta theologici^ yirtutibus, »

(U)ia.. ^d 3.)

 

 

 

420 EFFETS DE l'haBITATION DU SAINT-ESPRIT

 

sait tout et qui peut tout se charge lui-même de

nous diriger et de nous protéger i.

 

En outre, le salut exige parfois des œuvres dif-

ficiles. C'est un fonctionnaire qui ne peut rem-

plir ses devoirs religieux sans être mal vu de ses

chefs et s'exposer à encourir leur disgrâce. S'il

était seul, il affronterait plus courageusement le

danger ; mais il est chargé de famille, et sa

fonction est son unique ressource. Ce sont des

époux qui, pour ne pas se laisser aller à la dérive

et entraîner par le courant qui en emporte tant

d'autres, ont besoin d'une énergie peu commune

pour être fidèles jusqu'au bout aux graves devoirs

qu'impose le mariage. Même en supposant que

ces chrétiens possèdent avec la grâce, l'un la vertu

de force, les autres la chasteté conjugale, souvent

leur vertu est faible et leur force chancelante.

Où trouver le secours spécial, le surcroît d'éner-

gie nécessaire dans des conjonctures si critiques,

sinon dans une prière incessante et les dons du

Saint-Esprit? En effet, le don de force est là pour

perfectionner la vertu qui porte son nom ; et

celui de crainte viendra fort à propos au secours

de la chasteté conjugale pour lui faciliter son

triomphe en inspirant aux époux une sainte

horreur pour le péché. Voilà pourquoi saint Tho-

 

 

 

I. « Propter varios rerum eventus. et quia nos ipsos non

perfecte cognoscimus, non possumus ad plénum scire quid

nobis expédiât, secundum illud Sap. ix, i4 : Cogitationes

mortalium timidœ, et incertœ providentiœ nostrœ. Et ideo

necesse est nobis ut a Deo dirigamur et protegamur, qui

omnia novit et omnia potest. » (S. Th., I' U", q. cix, a. 9 )

 

 

 

LES DONS DU SAINT-ESPRIT 421

 

mas nous dit, à la suite de saint Grégoire le

Grand, que les dons sont conférés pour venir en

aide aux vertus, in adjutorium virtutum^.

 

Quoique inférieurs en excellence aux vertus

théologales qui nous unissent directement à

Dieu, les dons leur prêtent néanmoins un utile

concours : ils avivent notre foi, animent notre

espérance, enflamment notre charité, nous don-

nent le goût de Dieu et des choses divines Ils

sont surtout les auxiliaires précieux des vertus

morales, dont ils perfectionnent l'action, sup-

pléant même au besoin à leur impuissance : Dona

dantur in adjutorium virtuium contra defectus ; et

sic videtur quod perjiciant illud quod virtutes per-

fîcere non possunt^, La prudence reçoit du don de

conseil les lumières qui lui manquent; la justice,

qui rend à chacun ce qui lui est dû, est perfec-

tionnée par le don de piété, qui nous inspire

des sentiments de tendresse filiale pour Dieu et

nous donne des entrailles de miséricorde pour

nos frères. Le don de force nous fait surmonter

avec intrépidité tous les obstacles qui pourraient

nous détourner du bien, il nous affermit contre

l'horreur des difficultés, et nous inspire le cou-

rage nécessaire pour entreprendre les plus rudes

travaux. Enfin, le don de crainte soutient la

vertu de tempérance contre les rudes assauts de

la chair révoltée. Une action plus énergique, de

plus héroïques efforts dans la pratique du bien,

 

 

 

I. S. Th., in Is. xi, a.

 

a. S. Th., I' II", q. lxviii, a. 8, arg. Sed contra.

 

 

 

42.2 EFFETS DE L HABITATION? DU SAINT-ESPRIT

 

ti'ls sont les effets des dons du Saint-Esprit. Par

eux, l'âme que les vertus infuses avaient déjà

mise en possession de la sainteté commune et

rendue capable d'accomplir les œuvres ordinaires

de la vie chrétienne, sélève facilement jusqu'aux

plus hautes cimes de la perfection. De là ces

paroles de Tangélique Docteur : « Les dons per-

fectionnent les vertus en les élevant au-dessus du

mode humain : Dona perficiunt virtates, elevando

eas supra inodum humanum^. » Aussi les maîtres

de la vie spirituelle les ont-ils comparés aux

ailes de l'oiseau ou aux voiles du navire. L'oiseau

vole plus vite qu'il ne marche; et tandis que le

navire muni de simples rames n'avance qu'avec

peine et lenteur, celui dont le vent enfle les

voiles ou dont la vapeur presse les flancs court

rapide sur les flots.

 

Ce qui ressort des explications précédentes,

ce qui en découle, nous semble-t-il, avec la

clarté de Tévidence, c'est que les dons du Saint-

Esprit sont vraiment nécessaires partout où la

motion de la raison même perfectionnée par les

vertus infuses étant insuffisante, une impulsion

divine spéciale s'impose. Or, c'est un fait que,

même avec l'appoint des vertus chrétiennes,

l'humaine raison est incapable de nous conduire

efficacement à notre fin dernière et de nous faire

surmonter tous les obstacles qui se rencontrent

sur la voie, si elle n'est aidée, secourue, assistée

par une inspiration particulière d'en haut, par

 

 

 

I, S. Th , De charit., q. unie, a. a. ad T7.

 

 

 

LES DONS DU SAINT-ESPRIT ^23

 

une sorte d'instinct supérieur de l'Esprit-Saint,

qiwdam superiori instincia Spiritus Sancti ^ .

 

Nous avons donc besoin de cette impulsion

divine spéciale, et par conséquent des dons, non

pas constamment, mais de temps en temps dans

le cours de notre existence, plus ou moins souvent

suivant les difficultés qui se présentent, les actes

éminents qu'il s'agit d'accomplir, le degré de per-

fection auquel nous sommes appelés, et aussi selon

le bon plaisir de Celui qui, maître de ses dons,

les distribue comme il lui plaît. Il n'est aucune

époque de la vie, aucun état, aucune condition

humaine qui puisse se passer des dons et de leur

divine influence.

 

Ils ne sont pourtant pas nécessaires pour tous

et chacun des actes surnaturels, mais seulement

pour les œuvres émanées du juste sous la pous-

sée de l'Esprit-Saint, et dans lesquelles l'homme

est plutôt passif qu'actif. In donis Spiritas Sancti

mens humana non se habet ut movens, sed magis ut

motà*. C'est avec cette restriction qu'il faut

entendre le toujours de la réponse opposée par

saint Thomas à l'objection suivante contre la

nécessité des dons : Il semble qu'avec les vertus

théologales et morales l'homme est suffisamment

outillé pour arriver au salut, même sans les

dons. A quoi le saint Docteur répond : « Les

vertus théologales et morales ne perfectionnent

pas tellement l'homme par rapport à la fin der-

 

 

 

1. S. Th., I* 11", q. Lxviii, a. 2, ad a.

 

2. S. Th., 11^ IP*^, q. LU, a. 2, ad i.

 

 

 

4 2 5 EFFETS DE l'hABITATION DU SAINT-ESPRIT

 

nière qu'il n'ait toujours besoin d'être mû par un

instinct supérieur de l'Esprit-Saint : Per virtutes

theologicas et morales non ita perficitur homo in

ordine ad ultimum Jinem, quin semper indigeat mo-

veri quodam superiori instinctu Spiritus Sancti,

raiione jam dicta in corpore articali^.

 

 

 

I. S, Th., I^ II", q. Lxviii, a. a ad a.

 

 

 

CHAPITRE VII

 

Derniers effets de Thabitation de Dieu

en nous :

 

LES FRUITS DU SAINT-ESPRIT ET LES BÉATITUDES.

 

 

 

Nous connaissons maintenant, sinon dans le

détail, au moins par une vue d'ensemble, les

principes d'activité conférés aux justes par l'Es-

prit-Saint, magnifique et complexe organisme de

sainteté qui, suivant la belle expression d'un Père

de l'Eglise, fait de l'homme un instrument de

musique admirablement disposé pour chanter la

gloire et la puissance divines : Instrumenium

musicam a Spiritu pulsalum, divinamque gloriam

et potentiam canens^. Et quand il a ainsi tout

préparé, l'Esprit-Saint, artiste incomparable, se

met lui-même au clavier, et pourvu qu'il ne

rencontre pas de résistance, il tire de cet instru-

ment spirituel des accords merveilleux qui ravis-

sent le cœur de Dieu et ne laissent pas que de

plaire au monde lui-même, captivé malgré lui

par cette sainte harmonie.

 

C'est la douce et chaste Agnès entonnant sur

 

 

 

1. S. Grec. Naz., Orat. ad popal., xim, n. 67.

 

 

 

^26 DERNIERS EFFETS DE l'iIABITATION DIVINE

 

la terre, pour le continuer au ciel, le cantique

des vierges : « J'aime le Christ, dont je vais

bientôt devenir l'épouse ; le Christ, dont la Mère

est vierge et que le Père céleste engendre sans

corruption... Je suis fiancé à celui que servent

les anges, et dont la beauté fait l'admiration du

soleil et de la lune ^ » C'est le martyr Ignace,

exposé dans l'amphithéâtre et qui, entendant les

rugissements des lions, s'écrie dans son impa-

tience de souffrir : « Je suis le froment du

Christ ; je serai moulu par la dent des bêtes pour

devenir un pain vraiment pur. » C'est le grand

apôtre Paul jetant à toutes les puissances enne-

mies ce fier défi : « Qui me séparera de l'amour

du Christ? La tribulation? l'angoisse? la faim?

la nudité? le péril? la persécution? le glaive?...

Je suis assuré que ni la mort, ni la vie, ni les

anges, ni les principautés, ni les vertus, ni

aucune autre créature ne pourra jamais me

séparer de l'amour de Dieu en Jésus-Christ

Notre-Seigneur2. »

 

C'est l'innombrable multitude des saints et

des saintes répandue sur la terre entière et for-

mant un concert immense, où chacun fait sa

partie et chante sur un mode spécial le triomphe

de la grâce sur la nature : symphonie ravissante,

où toutes les voix se réunissent et se fondent

 

 

 

I. « Amo Ghristum in cujus thalamum introibo, cujua

Mater virgo est, cujus Pater feminam nescit... Ipsi sum de-

sponsata, cui angeli serviunt, cujus pulchriludinem sol et

luna mirantur. » (Ex. offic. S. Agnetis.)

 

a. Rom., Tiii, 35*39.

 

 

 

LES FRUITS ET LES BÉATITUDES 4^7

 

dans un merveilleux accord. Voix d'enfants et

de vieillards, de vierges et d'adolescents, d'hom-

mes et de femmes, s'élevant de la terre au ciel.

Voix de l'innocence conservée ou laborieusement

reconquise. Voix de la charité miséricordieuse

faisant appel par la bouche de Vincent de Paul

à toutes les misères afin de les soulager. Voix

de la foi triomphante dans la personne de Pierre

de Vérone frappé à mort par l'hérésie, et trou-

vant encore la force de tracer avec la pourpre

de son sang ce mot sublime : Credo, Je crois.

Voix de Ihumilité proférant par l'organe de

Jean de la Croix une des paroles les plus belles

et les plus héroïques qui soient sorties d'une

bouche humaine, lorsque, interrogé par le

Christ : quelle récompense il demandait pour

tant de travaux, il fit cette réponse : « Seigneur,

souffrir et être méprisé pour vous. »

 

Quelle admirable floraison de vertus le souffle

de l'Esprit-Saint fait éclore dans les unies dociles

à son action! Ou plutôt quels fruits aussi déli-

cieux que variés il leur fait produire ! Ce sont

ceux dont parlait Notre-Seigneur, quand il disait

à ses apôtres : « Je vous ai choisis et vous ai

établis pour que aous alliez sans cesse de l'avant,

que vous portiez des fruits et que ces fruits demeu-

rent : Ego elegi vos, et posai vos ut eatis, etfruc-

tum ajferatis, et fructus vester maneat^. » Le juste,

en effet, est comparé, dans nos saints Livres, h

un arbre planté sur le bord des eaux et qui

 

 

 

I. Joan., XV, i6.

 

 

 

428 DERNIERS EFFETS DE l' HABITATION DIVINE

 

donne ses fruits en son temps i. Quels sont ces

fruits? L'apôtre saint Paul nous les fait connaître

dans cette belle énumération que nous lisons au

chapitre Y de l'Epître aux Galates : « Les fruits

de l'Esprit-Saint, dit-il, sont la charité, la joie,

la paix, la patience, la bénignité, la bonté, la

longanimité, la douceur, la foi, la modestie, la

continence et la chasteté 2. »

 

Que faut-il entendre par ces fruits du Saint-

Esprit? Pourquoi sont-ils ainsi nommés? En

quoi diffèrent-ils des vertus et des dons? Quel

est leur nombre?

 

 

 

Et d'abord, que faut-il entendre par les fruits

du Saint-Esprit? On entend par là, dit saint

Thomas, « tous les actes de vertu arrivés à une

certaine perfection et dans lesquels Thomme

se délecte : Suni enim fructus quœcumque virtuosa

opéra in quïbus homo deleclatur s. » On les

appelle fruits, dit saint Ambroise, parce qu'ils

remplissent l'âme d'une délectation pure et

sainte.

 

 

 

I. « Erit tanquam lignum, quod plantatum est secus

decursus aquarum, quod fructum suum dabit in tempore

suo. » (Ps., 1, 3.)

 

a. « Fructus autem Spiritus est, . charitas, gaudium, pax,

patientia, benignitas, bonitas, looganimitas, mansuetudo.

fides, modestia, continentia, castitas. » (Gai., v, aa-a3.)

 

3. S. Th., I' II'% q. Lxx, a. a.

 

 

 

LES FRUITS ET LES BEATITUDES l^2g

 

Pris dans son acception naturelle, le fruit

désigne le produit final et savoureux d'une

plante ou d'un arbre parvenu à la perfection qui

convient à son espèce i ; c'est le terme régulier

de la végétation, le résultat définitif de ce mer-

veilleux travail auquel s'emploie la vie de la

plante. Aussi variés que les arbres sur lesquels

ils ont été cueillis, les fruits ont cela de com-

mun qu'ils sont le dernier produit de la plante,

et qu'ils possèdent tous, une fois arrivés à matu-

rité, une certaine saveur, différente suivant les

espèces. Fractus sensibilis est id quod ultimum ex

arbore expeclatur, et cam quadam suavitate perci-

pitur^. Lors même qu'elles réjouissent la vue par

l'éclat de leurs couleurs et délectent l'odorat par

la douceur et la finesse de leur parfum, ni les

feuilles ni les fleurs ne méritent ce beau nom

de fruits ; car ce n'est pas ce qu'on attend défi-

nitivement de l'arbre : quod ultimum ex arbore

expectatur.

 

Le fruit n'est pas seulement l'ornement et la

perfection de l'arbre, il en est la raison d'être, le

but, la fin; c'est lui qui donne à l'arbre toute sa

valeur et qui dédommage du soin consacré à sa

culture. C'est pourquoi, parlant en parabole d'un

figuier qui avait cessé depuis plusieurs années

de donner des fruits, le Sauveur disait : « Cou-

pez-le ; pourquoi occupe -t- il inutilement la

 

 

 

ï. « Dicitur in corporalibus /rucf «s id quod ex planta

producitur, cum ad perfectionem pervenerit, et quamdam

in se suavitalem habet. >; (Ibid., a. i.)

 

a. S. Th., MI-, q. xi, a. i.

 

 

 

^3o DERNIERS EFFETS DE l'hABITATION DIVINE

 

place? Succide ergo illam; ut qaid etiam férram

occupât^? » Grande leçon pour le chrétien, qui,

sous peine d'être retranché comme un sarment

inutile et jeté au feu, ne doit point laisser inac-

tives les énergies divines qui lui ont été confé-

rées comme autant de germes destinés à éclore

sous le souffle de l'Esprit de Dieu et à produire

ces œuvres saintes et dignes de la vie éternelle

que l'Ecriture désigne sous le nom de fruits

du Saint-Esprit.

 

On donne, en effet, par analogie, dans l'ordre

spirituel, ce nom de fruits au produit final

de la grâce dans les âmes, c'est-à-dire aux

actes de vertu, sinon à tous indistinctement, au

moins à ceux qui possèdent un certain degré

de perfection et de saveur.

 

Les fruits du Saint-Esprit ne sont donc pas des

habitudes, des qualités permanentes, mais des

actes ; ils ne sauraient dès lors être confondus

avec les vertus et les dons, mais ils s'en distin-

guent comme l'effet se distingue de sa cause, le

ruisseau de sa source. Et bien que l'apôtre saint

Paul énumère parmi ces fruits la charité, la

patience, la douceur, etc., il ne faut point enten-

dre ces expressions des vertus elles-mêmes, mais

de leurs opérations ; car, si parfaites que puis-

sent être les vertus, elles ne sauraient être con-

sidérées comme le dernier produit de la grâce,

étant ordonnées elles-mêmes, en qualité de prin-

cipes, à des produits ultérieurs, c'est-à-dire à

leurs actes.

 

 

 

I. Luc, XIII, 7.

 

 

 

l.E^ FÇIUITS ET LES B^ATÏTUPES 43ï

 

Toutefois, pour mériter le nom de fruits, 1§8

actes des vertus doivent être accompagnés d'une

certaine suavité. Au commencement, ces actes

ne s'accomplissent qu'avec peine, ils exigent des

efforts, d'aucuns même sont âpres à la natura

comme un fruit qui n'est pa3 mur. Mais, observa

un pieux auteur, « quand on s'est longtemps

exercé avec ferveur dans la pratique des vertus,

l'on acquiert la facilité d'en produire les actes.

On ne sent plus les répugnances qu'on resseiitait

au commencement. Il ne faut plus comt)attre ni

se faire violence. On fait avec plaisir ce que l'on

ne faisait auparavant qu'avec peine, Il arriva

alors aux vertus ce qui arrive aux arbres. Gomma

ceux-ci portent des fruits qui, quand ils sont

venus à leur maturité, n'ont plus d'aigreur, mais

sont doux et d'une agréable saveur ; de même

quand les actes de vertu en sont venus à une

certaine maturité, ils se font avec plaisir, et l'on

y trouve un goût délicieux i. »

 

Le monde ne comprend rien à ces sortes de

délices ; car, suivant la remarque de saint Ber-

uard, il voit la croix, mais non l'onction : Çru-

cem qizidem vident, sed Jion etiam unctionem^\

les afflictions de la chair, la mortification des

sens, les labeurs de la pénitence ne frappent son

regard que par leur côté pénible, et il les a en

horreur, les consolatious de l'Esprit-Saint lui

échappent. Les âmes saintes, au contraire, disent

 

 

 

i.Lallemant, Doctrine spiriL

a. S. Bern., serra, i, de Dedicat.

 

 

 

432 DERNIERS EFFETS DE l'hABITATION DIVINE

 

volontiers avec l'épouse des Cantiques : « Je me

suis assise à l'ombre de celui que j'avais désiré,

et son fruit est doux à mon palais '. »

 

Les fruits de l'Esprit-Saint sont-ils nombreux?

Saint Paul en compte douze, comme nous l'avons

vu plus haut. Pourquoi ce nombre duodénaire ?

Il semble que l'on devrait en admettre autant

que d'actes vertueux. C'est, en effet, la conclu-

sion de saint Thomas : « Les fruits, dit-il, ce

sont tous les actes de vertu dans lesquels

l'homme trouve du plaisir : Sunt fructus quœ-

cumque virtuosa opéra in quibus homo delectatur^. »

L'Apôtre aurait donc pu en faire entrer un plus

ou moins grand nombre dans son énumération,

car il n'avait pas la prétention de les énoncer

tous. S'il s'est arrêté au nombre de douze, c'est

d'abord parce que ce nombre, dans le style de

TEcriture, désigne l'universalité ; puis, parce

que tous les actes de vertu peuvent assez conve-

nablement se ramener à ceux que nomme

l'Apôtre, attendu qu'ils embrassent la vie chré-

tienne tout entière ^.

 

Nous parlons de fruits ; nous pourrions tout

aussi bien les appeler des fleurs, si, au lieu de

considérer nos bonnes œuvres comme le dernier

produit de la grâce ici-bas, nous les envisagions

par rapport à la vie éternelle, dont ils sont

comme l'annonce et le gage. Car, de même

 

 

 

1 . « Sub umbra illius quem desideraverarn sedi, et fruc-

tus ejus dulcis gutturi meo. » (Gant., ii, 3.)

 

2. S. Th., I* II»% q. Lxx, a. a.

 

3. Ibid.. a. 3, ad 4.

 

 

 

LES FRUITS ET LES BEATITUDES 433

 

qu'en voyant apparaître la fleur, on conçoit

l'espoir de cueillir un fruit, jouer ainsi la pra-

tique des œuvres saintes et méritoires nous

donne l'espérance de parvenir à la vie et à la

béatitude éternelles i.

 

 

 

II

 

 

 

Au sommet de la vie spirituelle, au-dessus par

conséquent des actes de vertu ordinaire, au-

dessus des fruits du Saint-Esprit, se placent les

béatitudes, couronnement de l'œuvre divine en

nous, le dernier et le plus sublime effet de la

présence de celui que le Père a daigné nous en-

voyer pour notre sanctification, l'avant-goût du

bonheur céleste.

 

Que faut-il entendre par les béatitudes? Quel

en est le nombre? Se distinguent-elles des fruits,

des vertus et des dons?

 

On désigne sous le nom de béatitudes certains

actes de la vie présente qui, par suite de leur

 

 

 

I. « Opéra nostra, in quantum sunt effectus quidam Spi-

ritus Sancti in nobis operantis, habent rationem fructus ;

sed in quantum ordinantur ad finem vitae seternae, sic ma-

gis habent rationem florum ; unde dicitur (Eccli., xxiv,

23) : Flores mei fructus honoris et honestatis. » (Ibid., a. i,

ad I.) — Et iterum : « Opéra virtutum dicuntur fructus...

Dicuntur etiam flores respectu futurse beatitudinis, quia

sicut ex floribus accipitur spes fructus, ita ex operibus vir-

tutum habetur spes vitae œternae et beatitudinis. » (S. Th.,

.in Gai, v, lect6.)

 

HJLB.SAINT-K8PBIT. — sS

 

 

 

434 DERMER5 EFFETS DE Ih*HAPITATION DIVINE

 

perfection toute particulière, conduisent direc-

tement et sûrement à la félicité éternelle. On les

appelle par métonymie béatitudes, parce qu'ils

sont tout à la fois le gage, la cause méritoire,

et, dans une certaine mesure, les prémices de la

vraie et parfaite béatitude.

 

La béatitude proprement dite est essentielle-

ment une ; elle consiste dans la possession de

Dieu. Il est clair, en effet, que Dieu étant le

bien souverain, infmi, seul capable de rassasier

tous les désirs, nul n'est heureux que dans la

mesure où il le possède. Dès ce monde, il est

vrai, nous le possédons par la grâce, mais im-

parfaitement ; nous le portons en nous, mais

voilé aux regards; nous l'aimons, nous jouissons

de lui, mais avec la possibilité de le perdre.

(f Donc, s'il est question de béatitude ici-bas, on

ne le peut entendre évidemment que d'une

béatitude imparfaite, d'une béatitude espérée,

méritée, tout au plus commencée i. »

 

Les béatitudes dont il est fait mention dans le

saint Évangile et dont nous nous occupons pré-

sentement ne désignent donc pas le bonheur

absolu, la félicité proprement dite. N'est-il pas

manifeste que la pauvreté, les larmes, la faim

et la soif, fut-ce même de la justice, les persécu-

tions souffertes pour la cause de Dieu, ne sauraient

constituer la béatitude vraie et parfaite? Mais

Notre-Seigneur affirme que ce sont des moyens,

des degrés, des ascensions pour arriver à la

béatitude absolue : moyens si puissants, si efii-

 

 

 

Mk' Gat, Sermons d'Avent.

 

 

 

i

 

 

 

LES Fruits et les béatitudes 435

 

caces, si assurés, que quiconque les emploie per-

sévéramment peut répéter à la suite de TApôtre :

« Je suis sauvé en espérance ^ )> Ne dit-on pas

de quelqu'un qu'il est arrivé au terme de ses

vœux, lorsqu'il a l'espoir fondé d'y parvenir?

Or, comment ne pas concevoir l'espérance d'ob-

tenir une fin déterminée, quand on s'y achemine

d'une façon constante et régulière, qu'on en

approche, quand surtout on commence déjà à

goûter la douceur du bien attendu-? Lors donc

qu'un chrétien, docile aux inspirations de l'Es-

prit-Saint, avance chaque jour dans le sentier du

bien par les actes des vertus et des dons, lors-

qu'on le voit réaliser, peu à peu, ces ascensions

admirables dont parle le Psalmiste^, et se rap-

procher de plus en plus du terme, comment ne

pas éprouver la confiance qu'il parviendra à la

perfection de la voie et à celle de la patrie, et ne

pas le proclamer bienheureux par anticipation^?

 

 

 

1. « Spe salvifacti siimus. » (Rom., vrii, 3^.)

 

2. « Dicitur enim âliquis jam finem habere propterspem

finis obtinendi. Unde et Apostolus dicit : Spesalvifacti&umus.

Spes autcm de fine consequendo insurgit ex hoc quod ali-

quid convenienter movetur ad finem^ et appropinquat ad

Ipsum; quod quidem fît per aliquam actionem. Ad finem

autem beatitudinis movetur aliquis, et appropinquat per

operationes virtutum, et preecipue per operationes dono-

rum, si loquamur de beatitudine aeterna, ad quam ratio

non sufflcit, sed in eum inducit Spiritus Sanctus. » (S. Th.,

I* II", q. LXix, a. I.)

 

3. «. Ascensiones in corde suo disposuit. » {Ps. lxxxiii, 6.)

 

4. « Gum aliquis incipit proficere in actibus virtutum et

doTiOrum, potes t sperari de eo quod perveniet ad perfec-

tionem viae et ad perfectionem patriae. » (S. Th., 1* 11"%

q. Lxix, a. 2.)

 

 

 

436 DERNIERS EFFETS DE l'hABITATION DIVINE

 

Mais quels sont ces moyens qui conduisent si

sûrement au terme du salut éternel, ces actes

si pleins de suavité qu'on peut les considérer

comme un commencement de béatitude?

 

Le Sauveur lui-même nous les a fait connaître

dans ce fameux sermon de la montagne qui

ouvre la période de sa vie publique. « Bienheu-

reux, dit-il, les pauvres d'esprit, parce que le

royaume des cieux est à eux. Bienheureux les

doux, parce qu'ils posséderont la terre. Bienheu-

reux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront conso-

lés... » Huit fois de suite il répète, avec des

variantes, la même expression a Bienheureux »,

proclamant ainsi devant le monde étonné ce que

le langage chrétien a nommé les huit béatitudes.

Elles sont huit : la pauvreté d'esprit, la douceur,

les larmes, la faim et la soif de la justice, la

miséricorde, la pureté du cœur, l'amour de la

paix, les persécutions souffertes pour la cause

de Dieu; mais la huitième n'est que la confir-

mation et la manifestation des autres i. En effet,

du moment où l'homme est affermi dans la

pauvreté spirituelle, la douceur, et les autres

béatitudes, la persécution est impuissante à le

détacher de ces biens.

 

 

 

1. « Octava béatitude est quaedam conflrmatio et mani-

festatio omnium praecedentium. Ex hoc enim quod aliquis

est confirmatus in paupertate spiritus et mititate, et aliis

sequentibus, provenit quod ab bis bonis propter aliquam

persecutionem non recedit. Unde octava beatitudo quo-

dammodo ad septem prsecedentes pertinet. » (S. Th., I'

II", q. Lxrx, a. 3, ad 5.)

 

 

 

LES FRUITS ET LES BEATITUDES 437

 

Les béatitudes ne sont ni des vertus ni des

dons du Saint-Esprit, mais des actes que ces

habitudes nous amènent à produire ^ Toutefois,

€n raison même de leur excellence et de leur

perfection, ces actes doivent être considérés plu-

tôt comme un produit des dons que comme une

cmanation des vertus. En effet, la vertu de pau-

vreté peut bien inspirer ce détachement qui fait

user avec modération des biens terrestres, mais

c'est le don de crainte qui en inspire le mépris.

La vertu de douceur donne à l'homme l'énergie

nécessaire pour surmonter l'impétuosité de la

colère et se tenir dans les limites de la droite

raison ; mais c'est le don de piété qui lui assure

le calme, la sérénité de l'âme, la parfaite posses-

sion de soi-même et l'entière soumission à la

volonté de Dieu. La tempérance met un frein

aux passions qui se portent vers le plaisir sen-

sible et les maintient dans de justes bornes ; le

ion de science élève l'âme plus haut, et en

l'éclairant sur la fragilité, la vanité, le peu de

durée de ces plaisirs, lui apprend à les rejeter

entièrement, si c'est nécessaire, pour embrasser

volontairement le deuil et les larmes 2.

 

Les béatitudes se distinguent également des

fruits du Saint-Esprit ; car, tout en délectant

comme eux, elles ont de plus l'avantage de per-

 

 

 

1. « Beatitudines distinguuntur quîdem a virtutibus et

donis, non sicut habitus ab eis distincti, sed sicut actus

distinguuntur ab habitibus. » (Ibid., a. i.)

 

2. Ibid., a. 3.

 

 

 

438 DERIVIERS EFFETS DE "L'HABITATION DIVINE

 

fectionner qui les possède i. Ce sont, si l'on

veut, des fruits, mais les plus excellents, les plus

beaux, les plus exquis ; des fruits arrivés par les

dernières touches du Soleil divin à une maturité

parfaite ; aussi renferment-ils une suavité et une

perfection telles, qu'ils font pressentir et goûter

par avance quelque chose de la félicité céleste.

Ainsi se couronne par des œuvres parfaites,

signes précurseurs de la béatitude et de la pleine

possession de Dieu, cette série de merveilles que

l'Esprit-Saint accomplit dans les âmes où il a

fixé sa demeure.

 

 

 

m

 

 

 

Avant de clore cette étude déjà longue, jetons

un dernier et rapide regard sur les vérités qui

en ont fait l'objet, de même que, avant de fran-

chir le seuil d'un édifice parcouru et examiné en

détail, on l'embrasse d'un coup d'oeil d'ensem

ble pour en bien saisir les grandes lignes et en

admirer la savante harmonie.

 

 

 

I. <c Plus requiritur ad rationem beatitudinis quam ad

ralionem fructus. Nam ad rationem fructus suffîcit quod

sit aliquid habens rationem ultimi et delectabilis. Sed ad

ralionem beatitudinis ulterius requiritur quod sit aiiquid

{>eifectum et excellens. Unde omnes beatitudines possunt

dici fructus, sed non convertitur. Sunt enim fructus quae-

cumqiie virtuosa opéra in quibus homo delectatur ; sed

beatitudines dicuntur sokun pcrfecta opéra, qufs etiarr.

ratione suae perfectior^is magis attribuuntur donis quam

virtutibus. » (S. y^ ja jl", q- lxx, a. a.)

 

 

 

LES FRUITS ET LES BÉATITUDES 439

 

Dieu est partout, en tout être et en tout lieu,

comme cause immédiate de tout ce qui existe

hors de lui ; mais il n'habite que dans les justes,

auxquels il s'unit d'une façon singulière, comme

objet de connaissance et d'amour. Et ce n'est pas

seulement par son image, son souvenir, ou ses

dons, qu'il est ainsi présent en eux ; il y vient

lui-même personnellement, inaugurant dès ici-

bas cette vie d'union et de jouissance qui doit se

consommer au ciel. Sitôt, en effet, qu'une créa-

ture jusque-là pécheresse rentre en grâce avec

son Créateur, celui qui est en Dieu l'Amour sub-

sistant, l'Esprit-Saint, lui est envoyé pour sceller

en quelque sorte par sa présence le pacte de la

réconciliation, travailler au grand œuvre de sa

sanctification, et devenir en ell^- le principe effi-

cient d'une vie nouvelle, incomparablement

supérieure à celle de la nature. Aussi n'est-ce

point une visite passagère, si précieuse qu'elle

puisse être, qu'il daigne lui faire, mais il vient

s'établir dans son âme avec le Père et le Fils, et

y fixer sa demeure.

 

En y entrant, il se donne lui-même, et c'est là

son grand don. Il s'agit ensuite d'embellir et

d'orner le temple vivant où il lui plaît de résider.

Dans ce but, il y verse cette grâce d'un prix infini

qu'on appelle sanctifiante, et qui a pour effet de

purifier toute souillure, d'effacer le péché, de

justifier, de transformer, de déifier qui la reçoit,

d'en faire un enfant de Dieu et l'objet de ses com-

plaisances, avec droit à l'héritage céleste. Ce

n'est pas tout, car la grâce ne va jamais seule ;

toujours elle a pour cortège une foule de vertus

et de qualités suréminentes qui sont tout à la

 

 

 

k^O DERNIERS EFFETS DE l'hABITATION DIVINE

 

fois une parure pour nos puissances et une

source d'activité surnaturelle. Ce sont les vertus

théologales, la foi, l'espérance et la charité; les

vertus morales infuses et les dons du Saint-Es-

prit : germes féconds des fruits que Dieu veut

récolter en nous; énergies divines, source de ces

actes excellents qui portent le nom de béatitudes

parce qu'ils sont la cause méritoire et une sorte

d'avant-goût de la félicité que nous espérons.

 

Ainsi pourvus, nous pouvons aller de l'avant;

et, pour nous acheminer efficacement et sûre-

ment vers les rivages éternels, nous n'avons plus

qu'à recevoir cette impulsion de l'Esprit-Saint qui

est le partage des enfants de Dieu ^ Elle ne se

fait pas attendre. Du fond de l'âme où il réside,

ce divin Esprit éclaire notre intelligence, échauffe

notre cœur, nous excite et nous pousse au bien.

Qui comptera toutes les saintes pensées qu'il

suscite, les bons mouvements qu'il provoque,

les inspirations salutaires dont il est la source?

Pourquoi faut-il que de malheureuses et trop

fréquentes résistances viennent paralyser plus ou

moins son action bienfaisante et en entraver les

effets? C'est ce qui explique pourquoi tant de

chrétiens en possession habituelle de la grâce et

des énergies divines qui l'accompagnent, demeu-

rent néanmoins si faibles et si lâches dans le

service de Dieu, si peu zélés pour leur perfec-

tion, si inclinés vers la terre, si oublieux des

 

 

 

1. « Quicumque enim Spiritu Dei aguntur, ii sunt filii

Dei. » (Rom., viii, i4.)

 

 

 

LES FRUITS ET LES BEATITUDES 44 1

 

choses du ciel, si faciles à entraîner au mal. Aussi

l'Apôtre nous exhorte-t-il « à ne pas contrister

l'Esprit-Saint » par notre infidélité à la grâce :

Nolite contristare Spiritum sancium Dei^, et sur-

tout « à ne pas l'éteindre dans nos cœurs :

Spiritum nolite extinguere^. »

 

Il est une autre cause qui achève d'expliquer

pourquoi une semence si abondante de grâces ne

produit souvent qu'une si chétive moisson. C'est

que, ne connaissant que très imparfaitement le

trésor dont ils sont les dépositaires, nombre de

gens n'en ont qu'une faible estime et se mettent

peu en peine de le faire fructifier. Et pourtant,

quelle force, quelle générosité, quel respect

d'eux-mêmes, quelle vigilance, et aussi quelle

consolation et quelle joie ne leur inspirerait pas

cette pensée constamment entretenue et pieuse-

ment méditée : l'Esprit-Saint habite dans mon

cœur! Il est là, protecteur puissant, toujours

prêt à me défendre contre mes ennemis, à me

soutenir dans mes combats, à m'assurer la vic-

toire. Ami fidèle, toujours il est disposé à me

donner audience, et, « loin d'être une source

d'amertume et d'ennui, sa conversation apporte

Tallégresse et la joie : Non enim habet amaritu-

dinem conversalio illias, nec iœdium convictus illius,

sed lœtitiam et gaudium^. » Il est là, témoin tou-

jours veillant de mes efforts et de mes sacrifices,

comptant, pour les récompenser un jour, chacun

 

 

 

I. Ephes., IV, 3o.

a. I Thess., v, 19.

3. Sap., VIII, 16.

 

 

 

:U2 DERNIERS EFFETS DE l'hABITATION DIVINE

 

de mes pas, suivant toutes mes démarches, n'ou-

bliant rien de ce que je fais pour son amour et

sa gloire.

 

L'Esprit-Saint habite dans mon cœur ! Je suis

son temple, le temple de la sainteté par essence ;

il faut donc que je devienne saint moi-même, car

le premier caractère de la maison de Dieu, c'est

la sainteté. Domam taam, Domine, decet sancii-

tudo^. Je dirai donc avec le Psalmiste, par ma

conduite plus encore que par mes paroles : a O

Seigneur, j'ai aimé la beauté de votre maison et

le lieu oii habite votre gloire : Domine, dilexi

decorem domus iuœ, et locum hahitationis gioriœ

tuœ\ »

 

Quoi de plus efficace que ces réflexions pour

nous déterminer à vivre, suivant la parole de

saint Paul, « d'une manière digne de Dieu, nous

efforçant de lui plaire en toutes choses et de por-

ter toutes sortes de fruits de bonnes œuvres?

Ut amhuletis digne Deo per omnia placentes, inomni

opère bono Jruciificanies '^. » Travaillons donc à

croître dans la science de Dieu, crescentes in

scientia Dei'^, nous appliquant chaque jour à

mieux connaître, afin de les apprécier davan-

tage, les dons divins. Aimons, honorons, invo-

quons souvent l'Esprit-Saint, soyons dociles à ses

inspirations ; et si nous voulons occuper un jour

le trône de gloire qui nous a été préparé dans le

 

 

 

1. Ps., xcii, 5.

 

2. Ps., XXV, 8.

 

'6 Col., 1, lo.

k. ïbld.

 

 

 

LES FRUITS ET LES BEATITUDES 443

 

€iel, commençons par glorifier ici-bas et dans

notre âme et dans notre corps cette Trinité sainte

dont nous sommes le séjour et le temple. Glori-

Jîcate et porlate Deum in corpore vestro i.

 

 

 

I Cor., Ti, ao.

 

 

 

APPENDICE

 

 

 

APPENDICE

 

 

 

Exposition et réfutation de l'opinion de Petau

 

RELATIVE A

 

L'HABITATION DU SAINT-ESPRIT

dans les âmes justes

 

 

 

Petau n'a pas été le premier à soutenir que l'habitation

divine par la grâce est propre au Saint-Esprit, et à se cons-

tituer le champion d'une union avec les âmes justes parti-

culière à la troisième personne de la sainte Trinité, et ana-

logue à celle du Verbe avec l'humanité dans la personne de

Jésus-Christ. Déjà, au XIP siècle, Pierre Lombard, sur-

nommé le Maître des Sentences, croyant lui aussi pouvoir

s'appuyer sur l'autorité des Pères, avait enseigné une union

spéciale de l'Esprit-Saint avec nos âmes, sous le prétexte

que la charité par laquelle nous aimons Dieu et le pro-

chain n'est pas quelque chose de créé, mais la personne

même de ce divin Esprit habitant au fond de nos cœurs ^

 

Voici en quels termes il proposait son opinion sur ce

pbint : « Nous avons dit plus haut, et montré par l'autorité

des saints, que le Saint-Esprit est l'amour du Père et du

Fils, l'amour par lequel ils s'aiment mutuellement, et nous

 

 

 

1. a Magister poûit qnod chantas non est aliquid creatum in anima, sed

e«t ipse Spiritus sanclns mentem inhabitàns. » (S. Tii., II-Il. q \i\i,

a. 2.)

 

 

 

448 APPENDICS

 

avec eux. Il faut ajouter que ce même Esprit est aussi

l'amour, ou la charité par laquelle nous aimons Dieu et le

prochain K » Et pour qu'on ne se méprît pas sur sa pensée,

le Maître des Sentences avait soin de déclarer que ce n'est

point par métonymie, en mettant la cause pour l'effet, que

i'Esprit-Saint est appelé notre charité, comme lorsque

nous disons de Dieu qu'il est notre patience ou notre espé-

rance, c'est-à-dire l'auteur de ces vertus, mais dans le sens

propre et réel, en sorte que nous aimons Dieu avec le cœur

même de Dieu.

 

Il ne prétend pas assurément que l'acte de charité émis

par la créature soit la personne de l'Esprit-Saint ; mais il

soutient que ce di\1n Esprit, habitant au fond de nos

cœurs, nous fait produire cet acte directement et par lui-

même, sans l'intermédiaire d'aucune habitude créée, tandis

que les actes des autres vertus, de la foi, par exemple, ou

de l'espérance, s'accomplissent bien aussi sous la motion du

Saint-Esprit, mais par le moyen de ces vertus*. C'est l'ex-

cellence de la charité qui portait le Maître des Sentences à

faire cette exception en sa faveur ' ; et il ne s'apercevait pas

que sa doctrine tournait, en réalité, au détriment de la

plus éminente des vertus théologales ; car, pour produire

un acte d'amour d'une manière parfaite, promptement, fa-

cilement, avec plaisir, et d'une façon connaturelle, la vo-

lonté humaine a besoin, en outre de la motion divine,

d'une vertu surnaturelle et infuse qui perfectionne sa puis-

sance opérative*.

 

Des disciples de Pierre Lombard, théologiens sans noto-

 

 

 

1. P. Lomb., 1. 1 Sent., dist. xtii.

 

2. u Alios actus atque motus rirtntam operatnr charitas.id est Spiritns tanc-

tas, medianlibug firtutibas, quaram actes sant, utpote actom fidei, id est cre-

dere, fide média ; et actom spei, id est sperare, média spe. Per fidem enim et

gpem praedictos operatur actus ; diligendi Tcro actum per se tantum sine alicu-

jus virtutis mcdio operatur, id est, diligere. Aliter ergc hune actum operatur

quam alios virlutum actus. » (Ibid.)

 

3. tt Et hoc dicebat propter excellentiam charitaiis. » (S. Th., IMI,

q. XXIII, a. S.)

 

4. c Nullus autem actus perfecte prodacitur ab aiiqua poteotia activa, oisi

tit ei conuatoraiis per aliquam formam, qnae sit priocipium actionis... Unde

maxime necesse est quod ad actum cbaritatis io nobis existât aiiqua habitualis

forma snperaddita potentiae naturali, inclioans ipsam ad cbaritatis actum, «t

(aciens eam prompt« et delectabiiiter operari. » (S. Th., ibid.)

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU 449

 

riété, dont les théories sont parvenues jusqu'à nous grâce

aux commentateurs des Sentences, mais dont le nom n'a

point échappé à l'oubli, voulant mettre en lumière l'opi-

nion singulière de leur maître sur la nature de la charité,

disaient, au rapport de saint Bonaventure, que « le Saint-

Esprit peut être considéré sous un triple aspect : en lui-

même d'abord, et, à ce point de vue, il est l'amour du Père

et du Fils ; puis en tant qu'il habite en nous, et comme

tel il est désigné sous le nom de grâce ; enfin en tant qu'il

est uni à notre volonté, et, dans ce cas, il est la charité par

laquelle nous aimons Dieu. Ainsi, disaient-ils, l'Esprit- Saint

est notre charité, non par appropriation, mais par son

union avec notre volonté. Car de même que le Fils seul

s'est incarné, s'est fait homme, et s'est uni à l'humaine na-

ture, quoique toute la Trinité ait opéré le mystère de l'In-

carnation ; ainsi toute la Trinité opère l'union de l'Esprit-

Saint avec notre volonté, mais ce divin Esprit est seul uni à

elle; et c'est pourquoi lui seul est charité*. » Ce qui avait

déterminé ces théologiens à proposer cette hypothèse,

c'était la parole de l'Apôtre : Celai qui est uni à Dieu ne

forme qu'an même esprit avec lui ^

 

Telle est bien, en substance, l'opinion ressuscitée par

Petau. Si le docte jésuite se sépare sur un point du Maître

des Sentences et de ses partisans, en admettant une grâce

et une charité créées, il est d'accord avec eux pour recon-

naître une union spéciale de l'Esprit-Saint avec les justes,

union qui lui est propre et personnelle, et où la substance

de ce divin Esprit est directement et sans intermédiaire

non pas la cause efficiente immédiate de nos actes

d'amour, comme le voulait Pierre Lombard, mais, ce

qui est plus grave, le principe formel de notre sanctifica-

tion.

 

Dans l'ordre actuel, dit-il, un double élément intervient

dans l'œuvre de notre justification : l'Esprit-Saint, qui

nous rend justes et enfants de Dieu par l'application de sa

propre substance ; et la charité ou la grâce, qui est le lien

par lequel nous sommes unis à lui. Mais, lors même qu'au-

 

 

 

1. S. Bonav., in Sent., I, dist. xvii, p. 1, a. 1, q. i,

 

2. 1 Cor., Ti, 17.

 

HAB . SAINT-««PHIT. — 29

 

 

 

45o A?PÈHï>rCi«

 

ciine qualité créée ne sei*âH vôtsée dans notre âme, lâ seule

présence de rE?prit sanctificateur et son union avec elle

suffiraient pour la rendre sainte ' . Proposition dangereuse

et diffîciiemefit conciliable avec la doctrine du Concile de

Trente, lequel a défini contre les novateurs que l'unique

cause formelle de la justification n'est autre que la justice dfr

Dieu, non pas cette justice substantielle et incréée par

laquelle Dieu est juste, mais une justice accidentelle et

créée, inhérente à notre âme, la grâce sanctifiante en un

mot, qui, en renouvelant l'homme intérieur et en nous

purifiant de nos péchés, nous rend vraiment justes et saints,

agtéables à Dieu et héritiers de la vie éternelle*. Si la

cause formelle de notre justification consiste dans un don

créé, comment la confondre avec la personne de l'Esprit-

Saint ? Et si, au jugement du concile, elle est unique,

de quel droit un simple théologien peut-il se permettre

d'en assigtier une seconde ? Le Saint-Esprit ne saurait

donc être considéré, à aucun titre, comme la cause for-

melle de notre justification et de notre adoption divine, il

en est simplement, de concert avec le Père et le Fils, la

cause efficiente.

 

 

 

1. « Quamobrem jure Patres eosdem asseverantes andivirnns, cdfii nullo

inlerjeclo medio sanctos nos fieri per ipsam Spiritus sobstantiam, tum nullam

id creaturam posse perficere ; tanietsi substanlia Dei, qua saaclificamur, corne»

sit infusa qualitas, quara vel gratiara, vel charilalem dicimas... Quamobrem

eatenus ille (Magister Senlentiaram) oobis audieudos est, quoad Spiritum sanc-

tuin doceat, ipsom pe* sese comraunicari infufidique juglis, ac veluli formam

esse, qua sancti Deoque grati, et adoptivi ftlii sunt ; quo tit, ut « Deo nos

Denm diligere, » Fulgenlius affirmet ; quod aulem nullum praeter (praeterea)

charitalis habitum in^sse putal, vehementer errât, et communi theologornm,

imo vero fidei decreto nolalur. Utrumqne enim intervenu; et Spiritus ipëe

sanctus, qui filios facit, adeo ut, si nuîla infunderetur creata qualitas, sua nos

ippe substantia adopkivos filios efDceret; et charitalis habitas ipse, sive

gratiae, quae est viaculum quoddam, sive nexus, quo cum anirais nostri»

iila Spiritus sancU substantia copulalur. * (Petav., de Trin., I. VIII, cap. ri,

n. 3.)

 

2. c Justifîcationis causse «ont : Snalis quidem, gloria I>ei, et Cbristi, ae Ttta

aeterna; efficiens vero, misericors Deus; meritoria aulem, dilectissimus unige-

nitns 8UU8, Dominus noster JesilsChriStns... ; demiMU unica formalis causa est

jnstitia Dei : non qua ipse justus est, wi qua nos justos facit; qua videlicet

ab eo donati, renovamur spiritu mentis noslrae ; et non modo reputamur, sed

Tcre justi nominamur, et sumus, justitiam iu nobis recipientes, unusquisque

(Dam secundum mensuram, qaam Spiritus sauctus partitur singulis prout vult,

et secaudum propriam cujusque dispositionem, et cooperationem. » (Trid., ses».

VI, cap. vil.)

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATÏO» DE L'oPINION DE PETAU 45 1

 

 

 

En laissant de côté, dans la théorie de Petau, ce qui est

relatif au principe formel de notre sainteté et de notre fi-

liation adoptive, ne pourrait-on pas du moin? admettre

avec lui que l'inUabitation di\ine par la grâfce est propre au

Saint-Esprit, et qu'il existe çonséquemment entre la troi-

sième personne de la Trinité et les âmes justes des rap-

ports spéciaux, une union particulière, analogue à celle

du Verbe avec l'humanité dans la personne de Jésus-Christ ?

Le célèbre jésuite soutient que tel est le sentiment de l'an-

tiquité, et il en appelle également aux Livres saints pour

établir et corroborer son opinion. Que faut-il penser de ces

prétentions ?

 

D'après le sentiment commun des Docteurs, loin d'être

l'expression fidèle de la vérité révélée, la doctrine de l'inha

bitation personnelle de l'Esprit- Saint dans les justes est, au

contraire, en opposition manifeste avec l'enseignement tra-

ditionnel, et ne repose que sur une interprétation erronée

de l'Ecriture et des Pères. On ne saurait, en effet, attribuer

à la personne du Saint-Esprit, dans l'œuvre de notre sanc-

tification, le rôle du Verbe dans l'Incarnation, sans se

mettre en contradiction avec les principes théologiques les

plus incontestables, introduire une nouveauté, et affirmer,

bon gré mal gré, entre l'Esprit-Saint et chacune des

âmes justes, une sorte d'union hypostatique contraire à

toutes les données de la foi, Il suffît, pour s'en convaincre,

de se rappeler que, en Dieu, tout est commun aux troia

personnes, la nature, les attributs, les opérations extérieu-

res, les rapports qui en résultent, tout, hormis les relations

opposées d'origine qui constituent et distinguent les per-

sonnes, et ce qui au dehors peut être qualifié de fonction

hypostatique K

 

Aussi, quand les partisans du Maître des Sentences, vou-

 

 

 

1. (( OmwA saut nnam, obi aon ol^mt r^1iK>ni« oppositio. » (Ex. Cooc.

 

 

 

{Florent., D.e*retum pro Jacobitis,)

 

 

 

45a APPENDICE

 

lant expliquer comment, à leur avis, l'Esprit-Saînt était

personnellement, à l'exclusion du Père et du Fils, notre

charité, ou le principe de nos actes d'amour, en appelaient

au mystère de l'Incarnation, et disaient que l'union de notre

volonté avec Dieu, quoique effectuée par la Trinité entière,

est néanmoins l'apanage exclusif de la troisième personne,

de même que, en Jésus-Christ, l'union des deux natures,

divine et humaine, quoique accomplie par toute la

Trinité, s'est faite cependant dans la seule personne du

Verbe, saint Thomas leur répondait sans hésitation qu'une

pareille théorie était insoutenable : Sed hoc non potest

stare.

 

Et il en administrait immédiatement la preuve. « En

Jésus-Christ, disait-il, l'union de la nature humaine s'est

terminée en l'unité de la personne divine... Mais la vo-

lonté des justes n'est pas élevée à l'unité de personne avec

le Saint-Esprit*. ^> C'était dire équivalemment ; Si er.

Notre-Seigneur, la nat'ir» humaine avec ses puissances, ses

actes, ses mérites, ses L^wsfactions. appartient uniquemenf

à la seconde personne i e ia Trinité, c'est que le Verbe seul

s'est incarné et fait houme- Or. l'Esprit-Saînt n'a point

assumé la volonté hum^iTie. il ne s est point uni hyposta-

tiquement à elle ; comment dès lors lui attribuer en propre

les actes de cette faculté sans \1oler le dogme catholique,

d'après lequel toutes les œuvres produites en dehors de la

Trinité sont communes aux trois personnes? On ne peut

donc admettre une présence spéciale de l'Esprit-Saint, pas

plus qu'on ne peut regarder comme son œuvre personnelle

la motion divine exercée sur notre volonté en vue de lui

faire produire des actes d'amour ; le même dogme de l'unité

d'opération ad extra s'oppose à cette double prétention

Tout ce qu'une saine doctrine autorise ici, c'est l'appropria-

tion faite à la troisième personne d'une œurre qui lui est

commune avec le Père et le Fils.

 

 

 

1. c Dicant qnod sicat Filias anivit «ibi n&tarAB hnmanam solas, qnamvis

ibi sit operatio totius Trinitatis ; ita Spiritussanctassolusunitsibi Toluotateni,

quamTig ibi sit operatio totio Triaitatit. Sed hoc dod potest stare ; quia enio

humanae natarae in Christo tenniData ert ad uuam esïc personae divinae... Sed

TûiiiDtas alicujus sancti non assomitor io unitatem sappositi Spiritas sancti. s

(S. Th., lib. I, Sent., dist. xtrii, q. i, a. 1.)

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PFTAU i^SS

 

Dans un autre passage, l'angélique Docteur se montre

l'adversaire sinon plus résolu, du moins plus formel encore,

de l'habitation personnelle du Saint-Esprit; car il y déclare

en propres termes que la venue ou l'inhabitation divine par

la grâce convient à toute la Trinité : Et ideo adventus vel

inhabitatio convenit toti Trinitati^. Si elle est commune aux

trois personnes, elle n'est donc pas la propriété, l'apanage

exclusif de l'Esprit-Saint.

 

Cette conclusion, dont la clarté ne laisse rien à désirer,

est formulée par le saint Docteur à propos de la question

suivante : Toutes les personnes divines sont-elles suscepti-

bles de mission? Ufrum mlssio conveniat omnibus personis.

La réponse de saint Thomas est négative, et la raison qu'il

donne péremptoire. Voici comment nous pouvons proposer

son raisonnement. La mission d'une personne divine sup-

pose deux choses : en premier lieu, son origine éternelle

d'-^iï. autre personne ; puis, un nouveau mode de présence

atî V^rme de sa mission, et, comme fondement de cette

Xirestiice, un effet produit, un don conféré à la créature à

1 '.«TOlie elle est envoyée '. Cet effet n'est autre que la grâce

sanctifiante ; car seule, avec les dons qui l'accompagnent,

elle est capable de nous unir immédiatement à Dieu comme

à l'objet de notre connaissance et de notre amour.

 

La mission d'une personne divine est donc le signe au-

thentique, la preuve irrécusable que cette personne procède

d'une autre. Aussi le Fils et le Saint-Esprit peuvent bien

être envoyés, mais non le Père, ni la sainte Trinité ^ Il en

va autrement de l'inhabitation qui convient à toutes et à

chacune des personnes divines, voire à la Trinité elle-même;

 

 

 

1. S. Th., lib. I, Sent., dist. xv, q. ii, a. l, ad 4.

 

2. « In missiooe non tantum est effectus doni creati creatarae collati, sed

eliam ponitur auctoritas alicujus principii respecta ipsius missi. »

 

« In omni missione oportet quod ponatur aliqua auctoritas alicujus ad

ipsum missura. In divinis aatem personis non est auctoritas nisi secundum ori-

ginem; et ideo nulli peraonae divinœ convenit mitti, nisi ei qui est ab alio,

respeclu cujus polest in alio designari auctoritas; et ideo Spiritus Sanctus et

Filius dir:untur mitli, et non Pater vel Trinitas ipsa. » (S. Th., lib. I, Sent.,

dist. XV, q. Il, a. 1.)

 

3. « Uude in missione peraonae coguoscitur persona ab alla esse. Et quia

hoc non convenilr toti Trinitati nec ipsi Patri, ideo non potest dici Pater vel

Trinitas mitti. » Ibid., ad i.

 

 

 

^54 APPENDICE

 

car si elle suppose un nouveau mode de présence, elle n'im-

plique pas nécessaii'ement mission.

 

 

 

m

 

 

 

Mais, objecte ici saint Thomas, puisque le Père se trouve

partout où est le Fils ou le Saint-Esprit, et qu'on dit de

ceux-ci qu'ils sont envoyés à cause du nouveau mode de

présence qu'ils ont dans la créature, il semble que le Père

est envoyé avec eux et comme eux, et que la mission con-

vient ainsi h toute la Trinité.

 

A. quoi il répond : 11 est très vrai que le Père est partout

où se trouvent le Fils et le Saint-Esprit ; car, à cause de la

mutuelle existence des personnes divines les unes dans les

autres, chaque fois que le Fils est envoyé, qu'il s'agisse de

son avènement dans la chair ou de sa venue spirituelle

dans les âmes, le Père vient également, ainsi que l'Esprit-

Saint. Et par conséquent la venue ou l'inhabitation con-

vient à la Trinité tout entière : Et idso adventas vel inha-

bitaiio convenu toti Trinitati. Mais comme la mission ajoute à

cette présence particulière quelque chose de plus, savoir la

procession de la personne envoyée, elle ne peut convenir

qu'à celles des personnes divines qui tirent d'une autre leur

origine. La mission n'apparti<înt donc qu'au Fils et au

Saint-Esprit et ne convient point au Père ui à la sainte

Trinité ; l'inhabitation, par contre, est commune aux trois

personnes *.

 

Et pour qu'on ne soit pas tenté de dire, avec Petau, que

si la grâce nous vaut la présence effective des trois per-

 

 

 

1. « Cum Paler sit ic F ilio, et Filius in Patra, et nterqne in Spiritn sancto,

quandû Filius mitlitur, simul et venit Pater et Spiritus sanclus. sive intelliga-

tur de advenlu Filii in carnem, cum ipse dicat (Joan., yiu, 16) ; Solus non

sum, sed ego, et qui misil me Pater ; sive intelligalur de adveutu in men-

tem, cum ipse dioat (Joan, xiv, 23) : Ad eum veniemus, et mansionem apud

eum faciemus. El ideo adventus vel iuliabitatio couvenii toti ïrinilati... Sed

mifsio super hoc addit aucloritatem alicujus respectu personae quœ lurtli dici-

lar ; et ideo non poLest convenire nisi persons quie e«t aL alio principio. »

Ibid., ad 4.

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATION DE L'OPINION DE PETAU 455

 

sonnes, seul pourtant le Saint-Esprit est le terme direct et

immédiat de l'union, le Père et le Fils n'étant en nous que

par concomitance et indirectement, saint Thomas se hâte de

faire observer que la venue et la présence en nous de l'hôte

divin s^ produisent en raison d'un effet qui nous unit non

pas au Saint-Esprit, ou à telle autre personne en parti-

culier, mais à la Trinité elle-même : Et ideo adventus vei

inhabitatio convenit toti Trinitati : quœ non dicuntur nisi ra

tione ejfectus conjangentis ipsi Trinitati ^ .

 

Pour bien comprendre le sens de ces paroles, il faut se

rappeler que, d'après la doctrine de saint Thomas, la pré-

sence de Dieu dans les choses créées est fondée sur son opé-

ration, et suppose par conséquent dans la créature un effet

qui requiert pour sa production et sa conservation l'action

immédiate du Créateur, l'application de son activité, et

partant le contact de sa substance. Et s'il s'agit non pas

simplement de la présence ordinaire de Dieu à titre d'agent,

mais de sa présence spéciale comme objet de connaissance

et d'amour, en d'autres termes, de son inhabitation dans

une âme, aucune perfection créée autre que la grâce sanc-

tifiante avec les dons qui l'accompagnent n'est capable de

produire en elle un si précieux résultat. Or la grâce, comme

toute œuvre extérieure, procède de la Trinité tout entière,

de Dieu en tant qu'un, et c'est à Dieu un et trine, à Dieu

en tant que souverain bien et fin dernière de tout être

qu'elle nous unit : quœ non dicuntar nisi raiione effedus

conjangentis ipsi Trinitati. Que conclure de là, sinon que

l'union de Dieu avec nos âmes, qui est le fruit de la grâce,

l'inhabitation divine en un mot, appartient indistinctement

aux trois personnes, à la différence de Tunion opérée en

Jésus-Christ entre l'humanité et la divinité, union qui est

propre à la personne du Verbe ?

 

S'il en est ainsi, pourquoi attribuer à une personne

plutôt qu'à une autre certains effets de la grâce et la pré-

sence de la Divinité qui en est la conséquence ? Pourquoi,

par exemple, attribuer au Fils la collation des dons qui

perfectionnent l'intelligence et dire qu'il vient en nous

quand nous recevons le don de sagesse ? Pourquoi répéter,

 

 

 

1. Ibid., ad 4.

 

 

 

456 APPENDICE

 

à la suite de l'Apôtre, que la charité a été répandue dans

nos cœurs par le Saint-Esprit, et que le donateur accom-

pagne lui-même ses dons * ? Saint Thomas nous en donne

la raison. C'est, dit-il, parce que, en vertu de la loi d'appro-

priation, ces différents effets sont de nature à nous amener

à la connaissance d'une personne plutôt que d'une autre,

par suite des rapports de similitude qui existent entre tel

don créé et les propriétés de telle personne : Qaamvis itle

effedus (conjungens toti Trinitati) ratione appropriationis

possit dacere magis in unam personam quam in aliam *.

 

Lors donc que l'Écriture ou les Pères nous représentent

l'Esprit- Saint comme l'auteur de la grâce et de la charité

et l'hôte de nos âmes, au lieu de vouloir trouver dans ces

expressions le signe manifeste d'une causalité particulière à

ce divin Esprit, ou l'indice d'une union directe et immé-

diate avec nos âmes qui lui serait personnelle, il n'y faut

voir qu'une appropriation fondée sur le rapport d'analogie

qui existe entre les dons de la grâce et la caractéristique de

l'Esprit-Saint. il est, en effet, tout naturel d'attrihuer les

effets de l'amour, comme la grâce, la charité, l'inhabitation

divine, à celle des personnes divines qui procède en qualité

d'amour.

 

Tel est l'enseignement de tous les scolastiques, telle l'in-

terprétation qu'ils ont constamment donnée aux textes mis

en avant par les tenants de l'habitation propre au Saint-

Esprit. Tous enseignent formellement qu'il n'y a pas d'union

plus réelle, plus immédiate avec la troisième personne de la

sainte Trinité qu'avec le Père et le Fils.

 

 

 

IV

 

 

 

Cette considération n'a point arrêté Petau. À l'encontre

de saint Thomas, à l'encontre des représentants les plus

autorisés de l'exégèse scripturaire et de la science théolo-

gique, il prétend que la loi d'appropriation est insuffisante

 

 

 

i. Rom., y, 5.

 

2. S. Th., /^enr, dist. xt, q. ii, a. i, ad i.

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU 457

 

à expliquer les paroles de TEcriture et des Pères, et que,

pour conserver leur enseignement dans toute son intégrité,

il est nécessaire d'admettre un mode de présence divine,

dans les justes, qui soit vraiment personnel au Saint-Esprit.

Ne lui demandez pas en quoi consiste cette présence par-

ticulière, il vous répondrait que sa pensée sur ce point

n'est pas encore définitivement arrêtée, que la nature de

cette union n'a pas été suffisamment explorée et mise en

lumière, et que les saints Pères n'en ont pas déterminé clai-

rement les conditions ^ Ce n'est pas, en tout cas, une

union substantielle, ni hypostatique, aboutissant à une unité

de nature ou de personne ^ Mais ce qui lui paraît certain,

c'est que la présence de la Divinité et son habitation dans

les âmes justes n'appartiennent pas également, et au même

titre, ex œquo, aux trois personnes ; et que l'union se fai-

sant non pas directement avec la nature divine, mais avec

la personne du Saint-Esprit, ou, pour employer ses expres-

sions, avec la nature divine en tant qu'elle subsiste dans

l'Esprit-Saint \ est en réalité l'apanage de ce divin Esprit,

 

 

 

1. « Patrura illa leslimonia, qnae in antecedenti capiledescripta8unt... pecu-

liarem esse sancto Spiritui modum illura nescio quem ostendere videnlur; quo

justificando formatur a Dee j'usti mens, ut loquitur Augustinus (I. III, de

Trin., cap. viii), et quo cum illis copulatur in iisque rersatur, alque habilal,

non commun! illa ratione, qua creata omnia immensitate sua permeat, sed

propria, necdam salis explorata ; qualem esse aliquam tanta illa sacroruic

Toluminum, ac sanctorum Patrum auctoritas evincit ; non tamen liquide nobis,

et aperte rim ejus, et condilionem edisseruut. » (Petav., de Trin., 1. VIII,

cap. VI, n. 6.)

 

2. « Oslendimus non semel, conjunctionem i!lam Spiritus sancti, nequ»

(puaixi|v, neque oiioCTaTixfjv esse, hoc est, neque naturalem, neque

personalem : quasi una fiât ex ambobus natura vel persona. » {Ibid. cap.

Tiii; n. 12.)

 

3. Dans le compte renda du présent oarrage, qu'il eut l'obligeance de pu-

blier dans la Semaine religieuse de Nancy et Toul (n. du 28 janvier, 4,

11 et 18 février 1899), M. le chanoine Mangenol, professeur d'Ecriture sainte

an grand séminaire de Nancy, crut devoir prendre la défense de l'opinion de

Pelau — c'était son droit — et, pour en montrer la parfaite orthodoxie, il

s'efforça d'établir que l'union de la Divinité avec l'âme juste peut être propre

au Saint-Esprit sans être hypostatique. Voici ses paroles :

 

K Cette union de la Divinité avec l'âme juste n'est pas substantielle, puis-

qu'elle survient à cette âme déjà constituée dans son essence propre et que

tout ce qui se surajoute à une essence n'est qu'un accident. Elle est encore

moins hypoëtatique, car ce n'est pas la personne du Saint-Esprit dans ce

qn'elle a de propre et de distinctif, qui s'unit à l'âme régénérée. Cependant

 

 

 

458 APPENDICE

 

auquel elle appartient en propre, tandis qu'elle ne convient

au Père et au Fils que d'une manière indirecte et par con-

 

 

 

c'est le Saint-Esprit qoi s'onil directement à e«tt« âme, mais par Vessenee di-

vine, commune aux trois personnes, en tant qu'elle subsiste en luL Seul, il

nous est ainsi uni physiquemeal, immédialemenl, quoique accidentellement ;

et les deux antre» personnes de la sainte Trinité, le Père et le Fils, ne sont

en nos âmes que médiatemenl, par concomitance, en vertu de leur inséparabi-

lité d'avec l'Elsp rit-Saint. C'est pourquoi elles ne nous sont pas unies ; elles

habitent seulement en nous. » (Semaine religieuse de Nancy, a. da 4 fé-

vrier 1899, p. 115.)

 

M. Mangenot a parfaitement raison de déclarer, à la suite de Petan, qne

l'union de la Divinité arec les âmes justes n'est pa» nnc union substantielle,

ni hypostatique ; on ne pourrait, en effet, soutenir le contraire sans tomber

dans nne grave erreur. Mais quand il prétend que cette union est propre au

Saint-Esprit, à l'exclusion d«s antres personnes, sans être néanmoins kypo-

siatigue, U affirme deux choses qui paraissent vraiment contradictoires. En

eiiet, ou l'union se fait directement avec l'essence commune, et dans ce cas

elle appartient indistinctement aux trois personnes ; ou bien elle se fait dans

ce qui est propre à l'une d'entre elles, dans son hypostase, et alors elle lui

appartient à un titre particulier, elle lui est personnelle, mais elle est en

même temps bvpostaliqne.

 

Voilà pourquoi Petau, ne sachant comment expliquer ce mode particulier de pré-

sence qu'il disait propre au Saint-Esprit, et non hypotastique, se plaignait que

les Pères ne l'eussent pas suffisamment exploré et mis en lumière et n'en eussent

pas clairement déterminé les conditions : Non tamen liquida nobis, et aperte

vim ejus, et conditionem edisserunL (De Trin., 1. VIII, cap. vi, n. 6.) Voilà

pourquoi il refusait, dans son embarras, de faire connaître son propre senti-

ment, et qu'il en remettait à plus tard la manifestation, sa pensée n'étant pas

encore, disait-il, assez fixée sur ce point : Nostram igitur quœ privatim sit

opinio, vel non dico, quia rem nondum compertam salis habeo ; vel hoc

loco non dico. (îbid.) En même temps, il recommandait d'user de prudence et

de circonspection, pour ne pas restreindre à l'excès ou étendre outre mesure

la grandeur de ce bienfait.

 

M. Mangenot croit posséder la solution qui avait échappé à calai dont il se

déclare le disciple fidèle. Voici l'explication qu'il nous donne. L'union de la

Divinité avec l'âme juste est vraiment propre à la troisième personne ; « car

c'est le Saint-Esprit qni s'unit directement à celte âme par ressence divine,

commune aux trois personnes, en tant qu'elle subsiste en lui. « Elle n'est

pas hypostatique, « car ce n'est pas la personne du Saint-Esprit, dans et

qu'elle a de propre et de distinctif, qui l'rrait à l'âme regénérée ».

 

Une simple observation. Comme en Dieu l'essence on la nature ne se dis-

tingue pas réellement de la personne, on ne peut employer l'expression rédu-

plicalive snivante : Vessenee divine, en tant qu'elle subsiste dans le Saint-

Esprit, sans désigner par le fait même la subsistance on la personne de ce

même Esprit. Par conséquent, dire que l'uoion se fait « entre l'âme régénérée

et l'essence divine, commune aux trois personnes, mais en tant qu'elle subsiste

dans le Saint-Esprit », c'est dire bon gré mal gré qu'elle se fait dans ce que

ce divin Esprit a de propr* et de distinctif, en on mot dans m personne ei

éans son hypo»tase.

 

Péthn l'avait bien compris. Aassi, aprè« aroir employé la formule reprodait«

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU ^Sg

 

comitance *. Et pour doniier une certaine idée de ce qu'est,

à son avis, ce mode particulier d'union, il déclaTe que TEs-

prit-Saint informe en quelque sorte les âmes des fidèles, les

 

 

 

par M. MaBfMiot, après atoir dédnré qae « ronron dn Saint-fîgprit avec les

àmos justes convienl à l'essMic* divine commune ans trois p*;rî;u^iu«s, mais en

tact qu'elle subsiste dans l'Esprit-Saint, en sorte qu'il y a entre les justes et

l'Espnit-Saint une union qui ne convient pas de la même manière aux autres

personnes », (De Trin., 1. VIII, c. n, n. 6) le docte jésuite s'enipresse-t-il

d'ajouter, pour bien expliquer sa pensée ; « L'Esprit-Saint est doue uni aux

justes par un mode d'union vraiment singulier et lui appartenant en pj-opre :

Proprie ergo et singulari modo Spiritus sanetus cum iis quos sanctos jacil,

conjungitur, et inest ipsis. Par conséquent, c'est suivant ITiypostase, et non pas

genlement selon la nature que cela lui convient : Proinde secundum hypo-

stasim, non secundum essentiam dumtaxat hoc illi convenit. n Et il en

donne immédiatement une preuve péremploire, à savoir que « tout ce qui est

propre à une personne lui convienl à raison de son hypostase et non de

l'essence divine : Nam quidquid proprium est personœ cujuspiam, hoc ra-

tionem hypostAsis, non essentUs sequitur. » (Ibid.)

 

M. Mangenot uous permettra de lui faire observer respectueusement qu'en

parlant comme il l'a fait, en disant que l'union de la DivlDité avec l'àme juste,

quoique propre au Saint-Esprit, n'est cependant pas hypostalique, « car ce

n'est pas la personne du Saint-Esprit, dans ee qu'elle a de proprs et de dis-

tinciif, qui s'unit à l'âme régénérée, c'<€st l'essence divi7ie, commune aux trois

personnes, en tant qu'elle subsiste en lui » (Semaine religieuse de Naiicy,

du 4 février), il s'est tout à la fois mis en contradiction avec Petau, dont il

interprèle mal la pensée, et en apposition avec la Térité.

 

Et p^is, que peut bien être cette uuion accidentelle de la Divinrié avec nés

imes que l'on attribue en propre à l'Esprit-Saint, et que l'on oi>pose à la

simple habitation ? « Seul, dit-on, l'Esprit-Saint nous est ainsi uni physique-

ment, immédiatement, quoique accidentellement ; et les deux antres personnes

de la sainte Trinité, le Père et le Fi^s, ne sont en nos imes qne médiatement,

par concomitance, en Terlu de leur iaséparabiliié d'avec l'Esprit-Saïut, c'est

pourquoi elles ne nous sont pas unies, elles habitent seulement en nous. »

(ibid.)

 

Mais dès lors qu'elles habitent en nous, elles nous sont réellement unies

d'une union qui peut être, il est vrai, plus ou moins intime, et qui comporte

bien des degrés, mais enfin d'une union véritable. Aussi l'Ecriture et la Tradi-

tion se servent-elles indifféremment des termes d'union et d' inhabitation, pour

désigner la présence de Dieu en nous par la grâce. Bien plus, Léon XIII. dans

son Encyclique Divinum illud munus, va jusqu'à déclarer que « cette admirable

union est appelée de son vrai nom inhabitation : ffœc autem mira conjunctio,

qucB suo nomine inhabitatio dicitur... »

 

1. « Quod ex antiquorum... testimoniis sequi videtur, id est ejnsmodi : Illam

cum justorum animis conjunctionem Spiritus sancli, sive statum adoptivorum

filiorum. communi quidem personis tribus convenire divinitali, sed quatenns in

h^po'stasi, sive persona inest Spiritus sancti adeo, ut cerla quaedam ratio sit,

qua se Spiritus sancti persoaa sanctorum jastoruraque mentibus applicat, quœ

céleris personis eodem modo non competit. » (Petav., de Tinn., 1. VIJil, c. ti,

n. 6.)

 

 

 

460 APPENDICE

 

rendant justes, saints, enfants de Dieu, par l'application de

sa substance.

 

Le docte jésuite n'ignore pas que, en parlant de la sorte,

il s'écarte du sentiment commun, il en fait même l'aveu

très loyal. « Les théologiens, dit-il, enseignent généralement

que cette union ou habitation de Dieu dans les justes est

attribuée au Saint-Esprit par une sorte d'accommodation,

mais qu'elle con\1ent en réalité aux trois personnes, de même

que la puissance est attribuée au Père, la sagesse au Fils, la

sainteté et la charité à l'Esprit-Saint, bien que ces attributs

appartiennent indistinctement aux trois personnes. Mais,

ajoute-t-il, les témoignages des Pères indiquent quelque

chose de plus, plus aliquid significant, et désignent je ne sais

quel mode de présence personnel au Saint-Esprit, et distinct

de la présence d'immensité*. »

 

Qu'est-ce qui a pu entraîner un homme aussi éminent en

dehors des sentiers battus, et lui persuader qu'il ne faisait

pas fausse route en abandonnant sur un point de cette im-

portance la doctrine traditionnelle? Serait-ce une étude plus

approfondie des divines Écritures, ou une connaissance plus

ample, plus sérieuse, plus complète des enseignements des

saints Pères? Nous ne le pensons pas. Saint Thomas avait

étudié et scruté, lui aussi, nos saints Livres; il avait com-

pulsé les écrits des Pères. Il suffît de jeter un coup d'œil sur

sa Chaîne d'or pour se faire une idée de l'immense érudition

qu'il s'était acquise; et cependant, loin de trouver insuffi-

sante l'interprétation commune, il l'avait non seulement

adoptée pour son propre compte, mais encore défendue,

avec les lumières de son génie, contre les innovations du

Maitre des Sentences et de ses partisans. Quelle est donc

alors l'origine véritable, la vraie cause de l'opinion singulière

de Petau? Voici, sauf meilleur avis, ce qui nous paraît res-

sortir de ses propres paroles.

 

Petau avait doctement établi le fait de la présence subs-

 

 

 

1. (( Vulgo fere theologi qnad&m aeeommodatioDe pntant illam ivcoçiv, et

babitationem in juslis assignari Spiritai sancto, eom rêvera in omnes personas

compelat, sicut poteulia Patri, Filio sapientia, Spiritai sancio saactitas et cha>

ritas allribuitur, cum haec omnia promiscoe ad très persooas applicealur. Sed

enim Palrum illa teslimouia, quae in anteccdenti capile descripla sunt, plu»

aliq lid significant. » (Petar., de Trin., 1. VIII, c. vi, n. 5.)

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATION DE L'OPINIOR DE PETAU 46 1

 

tantielle de l'Esprit-Saint dans l'âme juste; il avait prouvé,

avec une érudition de bonaloi, que ce n'est point seulement

par son opération et par ses dons que ce divin Esprit réside

en ceux qui ont la grâce, mais qu'il habite réellement et

substantiellement en eux, et qu'il y possède un mode de

présence spéciale, absolument distincte de celle par laquelle

il est en toutes choses. Il pouvait donc, sans crainte d'être

démenti, déclarer que ceux-là seuls refusent d'admettre

cette vérité qui sont moins versés dans l'étude et la connais-

sance de l'antiquité. Jusque-là il était dans le vrai.

 

Mais quand il est question d'expliquer ce mode particulier

de présence, et d'en bien préciser la nature, il hésite, il se

trouble, e) , ne comprenant pas ce que peut bien être l'inha-

bitation divine par la grâce, si c'est par cette même substance

qui remplit tout, que Dieu se trouve dans les justes*, il est

amené, en désespoir de cause, à préconiser une union qui

.se ferait non plus dans la nature commune aux trois per-

wnnes de l'adorable Trinité, mais dans la subsistance même,

dans l'hypostase du Saint-Esprit ; une union qui appartien-

drait par conséquent d'une manière spéciale à ce divin

Esprit et constituerait une propriété personnelle ^ Nous

osons croire que si Petau avait connu et compris l'ensei-

gnement de saint Thomas sur les différents modes de pré-

sence divine, il ne se serait pas jeté, sous le vain prétexte

de revenir à l'antiquité, dans d'aussi malencontreuses inno-

vations. Mais nous avons eu beau parcourir les différents

chapitres relatifs à l'habitation du Saint-Esprit dans les justes,

nous n'y avons pas trouvé la moindre allusion aux doctri-

nes de l'angélique Docteur sur cette question ; partout il se

contente d'opposer son opinion personnelle, qu'il attribue

aux anciens Pères, au sentiment commun de l'École.

 

 

 

1. « ExplJcari aon potest, qaae sit illa tandem o\)Çi03hj\ç, praesentia, vel

«xistentia propna jastornm, et ab natarali, commaniqae diversa. Namsi jostos

istos eadem jam qui creatas res omaes occapat, snbstantia sua Deus implet,

quae potest esse nova illa praesentiae altarias accessio? » (Petav., de Trin.,

l. VIII, c. Y, n. 21.)

 

2. « Proprie ergo, et singulari modo Spiritas sanctus cum iis qnos saoctos

faeit, conjuDgitur, et inest ipsis. Proinde secnndam hypostasim, noD secnndam

essentiam damtaxat hoc illi conrenit. Nam qaidquid proprinm est persons

«ajQspiam, hoc ratiooem hypostasis, aon essentiae seqoitar. » (Ibid., c. ti, q. 6.)

 

 

 

kBr 4P^Nmcfi

 

 

 

Abordons maintenant les raisons sur lesquelles le célèbre

jésuite a basé sa théorie de l'union particulière de l'Esprit-

Saint avec les justes, union propre a la troisième personne

et qui ne convient pas de la même manière aux deux au-

tres : qûdê ceteris personis eodem modo non competit^. Après

les avoir clairement et loyalement exposées, il sera plus

facile d'en montrer l'inanité et l'inconsistance.

 

Ces raisons peuvent se ramener à trois : à savoir, que

l'Esprit-Saint est personnellement le don de Dieu, la puis-

sance sanctificatrice, le lien entre la Trinité et nos âmes.

"Voici comment raisonne le docte théologien.

 

C'est une propriété personnelle du Saint-Esprit d'être

Don, c'est-à-dire, suivant l'explication de saint Augustin,

de pouvoir être donné. Si lui seul, à l'exclusion des autres

personnes, est susceptible de pouvoir être donné, lui seul

aussi sera effectivement donné. Or, en quoi consiste celte

donation, sinon à venir dans les âmes par suite de la mis-

sion invisible reçue du Père et du Fils, à habiter en elles, à

les informer en quelque sorte par l'application de sa propre

substance et à les rendre par là justes et saintes? Donc ce

mode de présence est propre à l'Esprit- Saint, et ne saurait

être attribué à une autre personne*.

 

 

 

1. « Certa quaedam ratio est, qua se Spiritas saacti persona eaDctorum jus-

tornmque mentibas applicat, qn» céleris personis eodem modo ood compelit. »

(Pelav., de Trin., 1. VIII, c. ti, n. 6.)

 

2. u DoDum esse, personalis est Spiritas saocti proprietas, id est, ut Âu^us*

tious explicat, donabile esse... Si dooari posse, singulare est Spirilui sancio,

neque aîleri personae congruat; erit actu donari propiium ejusdem. Hocautem

est iaformare veluti fidelium aaimos^ et sanctos justosque facere. Pro-

prius est ergo saacti Spiritus iste ipse modus ; neque persouae alteri potest

adscribi. Nam si eodem modo daH potest sâltem Filius, ut oraittam modo

Patrem, période donabitis est Filins, ac Spiritus sanctiis, et idciï'co non minus,

qaam hic, erit ille Spiritus sanctus, quoniam idem est donabile esse, quod est

«ftse Spiritum sanctom. Hoc Tero falsum est, et impium dicta. Igitur noii est

•olum donabile, sed etiam donum, vel potius daium, eo modo, qûo non est

Pater, aut Filius. Porro datum esse, nihil aliud est, quam missum et applica-

tam esse, et in justis habitare. Propfie ergo et singulari modo Spiritus sanctus

cum iis quos sanctos facit, conjungitur, et inest ipsis. y> (Petav., de Trin^

1. VIII. c. Tï, n. 6.)

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATIQK DE L'OPINION DE PETAU 463

 

Même concli^ision est tirée des paroles 4e quelques Pères

attribuant à l'Jîsprit- Saint la vertu sanctificatrice d«s âmes.

Ce qui donne, dit Petau, à nos conjecture^ sur le sentiment

des anciens uji appui très solide, c'est qu'un certain nombre

de Pèreg greç«, et les plus recommandables par l'autorité et

le savoir, saint Basile, saint Cyrille, Kuloge, saint Jean Da-

mascène, considèrent cpramie une propriété personnelle du

Saint-Espdt la puissance qu'il ^ de sfti>ctiQ£r les créatures.

Au jugement de saint Basile, cette vertu samctificatrice

serait un des caractères distinçtifs de I4 troisièrjoe personne

et lui appartiendrait aussi spécialement que la paternité au

Père, et la fili^tiou au Fils. S'il en egt ainsi, ajoute-t-il, que

conclure, sinon que, d'après la pensée de ces Pères, le Saint-

Esprit doit avoir, dans l'oeuvre de notre sanctification, un

rôle particulier, une part spéciale, que l'on ne saurait attri-

buer aux deux autres personnes? Et comme l'état de gr^ce

et d'union à Dieu est constitué non par up.e simple opéra-

tion, mais par une sorte d'application de la substance même

de l'Esprit-SaJi^t aux âmes justifiées, il est évident que ce

divin JEsprit leur est Ufii non seulemcut par La nature

divine qui lui est commune avec Je Père et le Fils, maisencor*

par ce qui lui appartient en propre, par sop hypostase • .

 

Vn dernier argument apporté par Petau, et sur lequel

certains théologiens modernes, Scbeeben entre autres,

insistent de préférence pour étabUr que l'inhabitatio» divijie

 

 

 

1. « PrsBterea raliiTissiine ex ee nestra d« Teteram seasa conjectara fulcitar,

quod.., Ç.rseci aliquot Patres, iique auctoritaste acéactrioa primarii, utBasilina,

Cyrillus, Eulogias, Jpaonçâ D^wa^ceaus, pejrsofl^ilera S^ûus sancti propjiei^r

tem..., qua videlicet ab duabus rel iquis discernitnr, constituunt in sancti ficationt,

sive sanctificatrice ac perfectrice vi et virtute...,qn3i angeli hominesque sancti

fiuntac justi. Basilius enim ibioojia Tf\(; à^\ac,x\'Kr\ç, bvvàneai<i, proprietatem

virtutis sancti ficatricis, tam peculiarem personae dicit esse Spirilas wncti,

qaam m p<ittemiUis Patrie, fiU&tas Fiiii... Q»oiù vernm est, quid aliad con-

cludi potest, juisi id, quod suspicione nostE^ perMrjnxUnus, e^ illorjuai, qui it*

locuti sunt, meate, Spifitvim sanctppi pwpriag qi^s^sd^jm bfiere partes iû sano

Hficandi, çt âd<>pt4vi A>rwaodi status pegoti^, qtise «etiquis duaiMis pe^onu

BeaU^uam triJ>u«Bltor, utpoie quajp illi pftrsonalaip ejsse qatam existimant'?

Clam autem applicatione quadam Spiritas sancti, id est «abstaotise ipàas, non

aal£(B «fficifiiiti» soiius coo^taw staitue» iïïxm ja&tiliae, *c propinquitatis com

Deosaoetorum... ; eyidea» est «on naturae sdlufii diri»» sjijfijlijs sancti, sed

«tiAm pflfsopae, yei nat^içae^ ut «si taU alfecta persouaU proprietate, conjuuc-

tionem illam impatari ab antiquis Patribus. 9 (Ibid., n. 7.)

 

 

 

464 APPEISDiiVB

 

par la grâce est propre au Saint-Esprit, c'est que, au témoi-

gnage d'un certain nombre de Pères, l'union de nos âmes

avec Dieu se fait par l'intermédiaire de ce divin Esprit.

Écoutons saint Cyrille d'Alexandrie, celui de tous les Pères

qui, au dire de Petau, a été le plus particulièrement suscité

de Dieu pour développer ce grand mystère : « Jésus-Christ,

dit-il. nous a envoyé du ciel le Paraclet par lequel et dans

lequel il est avec nous et il habite en nous ' . » Et encore :

« Comme le Sauveur habite en nous par l'Esprit-Saint, le

Père ne peut manquer d'être lui aussi avec nous ; car l'Es-

prit du Christ est en même temps celui du Père... .Te poserai

donc à ceux qui après avoir, dans leur profonde ignorance»

embrassé l'hérésie, aiguisent leurs langues contre l'Esprit-

Saint, la question suivante : Si le Saint-Esprit est une créa-

ture, comment se fait-il que ce soit par lui que Dieu habite

en nous? Quomodo habitat in nobis per ipsum Deus *? »

 

Ces paroles, et une multitude d'autres semblables qu'il

serait facile d'apporter, n'indiquent-elles pas clairement

que l'Esprit-Saint est, suivant une expression significative

employée par l'antiquité, le lien qui relie nos âmes à la Tri-

nité sainte, et que notre union à Dieu s'opère directement

et immédiatement avec la troisième personne et, par elle,

en vertu de l'identité de nature, avec les deux autres?

Toute la Trinité habite donc en nous, grâce à la présence

de l'Esprit-Saint, de même qu'en Jésus-Christ habitent le

Père et le Saint-Esprit. Mais de même que, dans le mys-

tère de l'Incarnation, il y a une union propre au Verbe qui

seul s'est incarné; ainsi, dans l'œuvre de notre sanctification,

il y a une union exclusivement propre au Saint-Esprit, car

c'est lui qui est la cause prochaine et pour ainsi dire for-

melle de l'habitation des deux autres personnes '.

 

 

 

1. S. Cyrill., Dialog., tii.

 

2. « Habitante in nobis Seryatore nostro Christo per Spiritnm laactnm, erir

qnoque oranino nobiscum et Genitor ; nam SpiritasChristi idem est et Palris...

Libenter autem interrogaverim eos, qui prae multa inscitia hôeresim complexi

adversus glomm Spiritus lingnam armant... : Si creatus est Spiritus et a Dei

•ubstantia, ut Tuilis, aliénas, quomodo habitat in nobis per ipsum Deus? »

(S. Cynl., inJoan., xiv, 23.)

 

3. « Releganiur omnia veterum Patnum testimonia, qnae sopenns exposit»

funt..., invcniemns eorum pleraqne teslari, per Spintura sanctum hoc fieri,

telut proximam causam, et ut ita dixerim, formalem. » (Petar., de Trin.y

l VIII, cap. Ti, n. 8.)

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATION DE L'OPINION DE PETAU ^65

 

Voilà, brièvement mais fidèlement résumées, les preuves

sur lesquelles les tenants de l'inhabitation personnelle du

Saint-Esprit ont tenté d'étayer leur opinion. Voyons quelle

en OBt la valeur.

 

 

 

Yl

 

 

 

Et d'abord, de ce que le Saint-Esprit est, en vertu même

de son mode de procession, le don de Dieu — Altissimi

donam Dei, comme chante l'Eglise, — faut-il conclure avec

Petau qu'il soit seul donné et qu'il ait avec nos âmes un

mode d'union, de présence, d'habitation qui lui soit vrai-

ment personnel? ISullement.

 

Ce nom de don est du genre de ceux qui ont une double

signification : l'une, absolue et essentielle, par laquelle il

convient aux trois personnes ; l'autre, relative et notionnelle,

par laquelle il désigne une personne en particulier comme

ayant un titre spécial à cette dénomination. Pris dans son

acception absolue, il convient à Dieu considéré dans sa

nature et sans distinction de personnes ; car, suivant la

remarque de saint Thomas : « le don est, à proprement par-

ler, une donation faite par pure libéralité et sans espérance

de retour, par conséquent une donation gratuite. Et comme

la raison d'une donation gratuite n'est autre que l'amour,

car, si nous donnons quelque chose à quelqu'un, c'est que

nous lui voulons du bien, il en résulte que l'amour par

lequel nous voulons du bien est la première chose que nous

donnons *. » Don et amour sont donc deux expressions cor-

rélatives et en quelque sorte synonymes. Or, Dieu est

amour, Deus charitas est^, c'est le fond de sa nature ; est-il

étonnant qu'il nous aime et que, non content de déverser

en nous, comme autant de témoignages de dilection, des

 

 

 

1. « Sciendum est qnod donnm proprie estdatio irredibilis, id est, qaod non

datur intentione retribntionis, et sic importât gratuitam donationem. Ratio

autem gratuitae donationis est amor ; ideo enim damus gratis alicui aliquid,

/^nia volumus ei bonum. Primum ergo qnod damus ei, est amor quo volumuf-

«i bonum. » (S. Th., Summa theolog., 1, q. ixxyiii, a. 2.)

 

%. I Joaa., iT, 16.

 

HAB. SAINT-BSPRIT. — 3o

 

 

 

4fi6 APPENPICB

 

bienfaits sans nombre, il veuille être lui-niême notre bien,

le don p^v excellence, dont la pleine possession doit faire un

jour notre béatitude, ego meroes tua magna nimis ^ et dont

la communication réelle, quoique imparfaite, constitue

dès ici-bas comme un avant-goùt de la félicité future?

 

Le Père, lui aussi, est amour, et, comme tel, suscep-

tible d'être donné ; et, de fait, en venant dans les âmes jus-

tes, il se donne à elles comme objet de connaissance et de

fruition commencée. Le Fils est amour comme le Père, et,

après avoir été donné aux hommes dans l'incarnation, sui-

vant cette parole de saint Jean : « Dieu a tant aimé le

monde qu'il lui adonné son Fils unique' », il leur est

donné encore chaque jour dans la mission inAi^ible qui a

pour but l'illumination et la sanctification des âmes. Le

Saint-Esprit, ayant une seule et même nature avec le Père

et le Fils, est conjointement avec eux amour et don : il est

donné et il se donne aux justes.

 

Mais, en outre de cet amour essentiel et de cette aptitude

à être donné, qui lui sont communs avec les deux autres

personnes, l'Esprit-Saint est don â un titre spécial, qu'il ne

partage ni avec le Père ni avec le Fils. La raison en est que

procédant par amour, il procède en qualité de premier

don : Cum Spiritas Sondas procédât ut amor, procedit in

ratione primi dont ^; c'est là son caractère personnel et dis-

tinctif. Si le Père peut être donné, non par un autre, il est

vrai, car il ne procède de personne, mais par lui-même, ce

n'est point parce qu'il est don à un titre personnel, mais

parce qu'il s'appartient et peut, en conséquence, librement

disposer de soi. Quant au Fils, il peut être donné par le Père,

parce qu'il tire de lui son origine, et il est effectivement

donné aussi réellement que l'Esprit- Saint ; mais, comme il

procède non par amour, à l'instar de la troisième personne,

mais par voie d'intelligence et de génération, il est, en vertu

de son mode d'origine, "Y^ibe et Fils, et non amour ou

don.

 

 

 

1. Gen., XT, 1.

 

t. « Sic Dons dilexit mosdam,^t flthun sonm ntAieûiivm dar(>U > ^0)n.

m. iB.

3. S, Th., I, q. ixmn, a. 1

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATlOÏT DÉ l'oPINION DE PETAU ^Qj'

 

Sèiilé là troisième personne, procédant des deux autres

par voie de volonté et comme terme de leur amour, procède

en qualité de don, c*est-à-dire comme apte à être donnée.

De là cette parole de saint Atigustin : (( L'Esprit-Saint pro-

cède non comme né, mais comme donné, c'est pourquoi il

n'est pas Fils : Exiilnon quomodo natus, sed qnomodo datas:

et ideo non est Filins ^ . » Cette aptitude à être donné constitue

la propriété particulière de l'Esprit-Saint, sa note caractéris-

tique. Mais, si cette propriété est une raison qui autorise

les représentants de la science théologiqne à lui attribuer,

par une sorte d'accommodation, le grand don de Dieu aux

hommes et le principal effet de son amour, c'est-à-dire le

don de lui-même qui accompagne la grâce et qui en est

comme le couronnement, elle n'est point un motif suffisant

pour affirmer l'existence d'une union spéciale de ce divin

Esprit avec les justes, laquelle n'appartiendrait ni au Père ni

au Fils; car, si la donabilité implique un mode de proces-

sion qui est l'apanage exclusif delà troisième personne, elle

n'entraîne aucune relation spéciale, aucun rapport de par-

ticulière appartenance de TEsprit-Saint aux créatures. Quand

ce divin Esprit nous est donné avec la grâce et la charité, le

Fils nous est également donné, et le Père se donne lui-

même; les trois personnes viennent en nous, habitent en

nous et nous appartiennent au même titre.

 

 

 

VU

 

 

 

Cen*est pareillement que par appropriation que les Pères

donnent à l'Esprit-Saint le nom de vertu sanctificatrice, et

l'Eglise celui d'Esprit viviflcateur : Credo in Spiritum sanc-

tum, Dominum et vivificantem 'K Vouloir faire de la puissance

de sanctifier et de vivifier les âmes une propriété person-

nelle de l'Esprit-Saint, ce serait s'écarter manifestement de

l'enseignement catholique, qui ne reconnaît dans les trois

 

 

 

1. S. Aug., de Trin., 1. V, cap. xiT.

 

2. Êx Symb. Nicaeno-Conslant.

 

 

 

468 APPEXDICE

 

personnes de l'adorable Trinité qu'une seule nature, une

seule puissance, une seule opération *.

 

En vain, pour échapper à cette conséquence, Petau a-t-il

soin de déclarer que le Saint-Esprit est en nous non pas la

cause efficiente, mais la cause formelle de notre sainteté et

de notre filiation adoptive ' ; en vain pour donner une idée

de ce qu'est, suivant lui, l'union particulière de ce divin

Esprit avec les justes, tente- t-il de l'assimilera celle du Verbe

avec l'humanité en Jésus-Christ ^ ; en vain fait-il appel à

l'antiquité pour établir que, si l'Esprit-Saint ne vient pas

seul dans nos cœurs, seul du moins il est le terme direct et

immédiat de l'union*; l'antiquité lui répond, par l'organe

du Concile de Trente, que la cause formelle de notre justice

et de notre sainteté n'est point le Saint-Esprit, mais la

grâce sanctifiante ' ; elle lui déclare par la voix de saint

 

 

 

1. « Si qnis secundam sanctos Patres non eonfitetur... unam Denm in tribus

subsistentiis consubstantialibus et aequalis gloriae, unam eamdeoique trium dei-

tatem, naturam, substanliam, virtutem, potentiam..., operationem, condemna-

tus sit. » (Es Conc Later., an. 649, sub Martino I, can. 1.)

 

2. « Persa=pe Deus cnm in nobis manere, et habitare dicitur, peculiaris intel-

ligenda est persona Spiritus sancti, tanquam citima, ut sic loquar, adoptionis

causa, et forma sanciificans. » (Petav., de Trin., i. VIII, cap. vi, n. 9.)

 

3. « Pater ecce, atque Spiritus sanctus in horaine Christo non minus manel,

qaam Verbum ; sed dissimilis est Tt\(; èvuTiàp^ecoç modns. Verbum enim,

pr<eter commuoem ilîum, qnem cum reliquis eumdem habet, peculiarem alte-

rum obtinel, ut sit forma iustar, divinum, vel Deum potius facientii, et hune

Filiura. Sic in homine justo très utique person» habitant, sed solus Spiritus

sanctus quasi forma est sanciificans, et adoplivum reddens sui communicatione

filium. » (Ibid., n. 8.)

 

4. « Quod ex antiquornm... testimoniis sequi yidetur, id est ejusmodi : Illam

^nm justorum animis conjunctionem Spiritus sancti... communi quidem per-

•sonis tribus convenire divinitati, sed qnatenus in hypostasi, sire persona inest

Spiritus sancti adeo, ut certa quaedam ratio sit, qua se Spiritus sancti per-

sona sanctorum justorumqne mentibns applicat, qnae ceteris personis eodem

modo non convenit. » (Ibid., n. 6.)

 

5. u Justifîcationis causse snnt : Qnalis quidem, gloria Dei, et Christi, ac

vita seterna; effldens vero misericors Dens... Demum unica causa formalis

«st jostitia Dei, non qua ipsejustus est. sed qua nos j'ustos facit\ qna ride-

licet ab eo donati, renovamur spiritu mentis nostrae ; et non modo reputamur

sed Tere josti nominamur, et sumns, jastitiam in nobis recipientes, nnns-

qnisqne suam secundum mensnram, qnam Spiritus sanctus parlitur singnlis

proot valt, et secundum propriam cujusqne dispositionem, et cooperationem. »

{Conc. Trid.,sesi. VI, cap. vu. — Cf. etiam can.xi.)

 

Trois siècles avant le Concile de Trente, saint Thomas arait formulé cette

même doctrine arec sa netteté ordinaire. A l'objection tirée des saints Pères,

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU ^69

 

Thomas que, contrairement à ce qui se passe dans le mystère

de l'Incarnation, où le rapprochement des deux natures,

divine et humaine, quoique effectué par la Trinité entière,

se termine à la seule personne du Verbe, l'union établie par

la grâce entre Dieu et l'homme est commune aux trois per-

sonnes, non seulement dans son principe effectif, mais

encore dans son terme' ; et l'Ecole tout entière ajoute, par

la bouche de ses plus grands docteurs, qu'aucune union

réelle de la Divinité avec les créatures ne saurait appartenir

en propre à une personne divine sans être par le fait une

union hypostatique.

 

Car de deux choses l'une : ou l'union se fait directement

avec l'essence commune, et dans ce cas elle appartient éga-

lement aux trois personnes ; ou elle se fait dans ce qui est

propre à l'une d'entre elles, dans son hypostase, et alors

elle est hypostatique. Or, la doctrine catholique ne connaît,

en fait, d'autre union hypostatique entre Dieu et la créa-

ture que celle du Verbe avec l'humanité dans la personne

de Jésus-Christ. Sans doute, TEsprit-Saint aurait pu s'in-

carner, lui aussi, il aurait pu s'unir personnellement à

toutes les âmes ornées de la grâce, mais alors les justes ne

seraient pas seulement des hommes spiritualisés et divinisés,

ils seraient Dieu, ils seraient le Saint-Esprit. Concluons

donc que l'usage adopté par les Pères d'attribuer à la troi-

sième personne de la Trinité la vertu sanctificatrice est

uniquement basé sur la loi d'appropriation et ne suppose

ni propriété d'opération, ni propriété d'habitation, appar-

tenant exclusivement à l'Esprit-Saint.

 

 

 

d'après un certain nombre desquels Dieu sera il spuiiueiiement la vie de notre

âme, comme l'âme elle-même est la vie du corps, le saint Doctear répondait

que Dieu est, en effet, le principe de notre vie surnaturelle, la source de

notre perfection, comme l'âme est la source de la rie naturelle du corps, avec

cette différence toutefois, que l'âme est directement et par elle-même la vie du

corps en qualité de cause formelle, tandis que Dieu est la cause efficiente de la

rie surnaturelle dont la grâce et la charité sont le principe formel : « Dens est

vita effective et anime per charitatem, et corporis per animam ; sed formali-

ter charitas est vita animœ, sicutet anima vita corporis. Unde per hoc potest

concludi quod sicut anima immédiate nnitur corpori, Ua charitas anime. »

(II» n", q. XXIII, a. 2, ad 2.)

 

1. « Assumptio quae fit per gratiam adoptionis..., commonis est tribus per-

sonis et ex parte principii, et ex parte termini. Sed assumptio quae est per gra-

tiam unionis (hypostaticse), est communis ex parte principii, non autem ex

parte termini. » (III, q. m, a. 4, ad 3.)

 

 

 

470 APPENDICE

 

Le Père Ramière n*est pourtant pas de cet avis. A l'en-

tendre, le Saint-Esprit aurait une part spéciale dans l'œuvre

de notre sanctification, il posséderait avec notre âme un

mode d'union qui serait son apanage exclusif. « Il n'est,

dit*il, dans cette grande question qu'un seul point sur

lequel plane encore quelque obscurité. C'est la part spé-

ciale du Saint-Esprit dans cette œuvre de sanctification qui

lui est partout attribuée dans les saintes Ecritures.... Ce

n'est certainement pas sans motif que la mission qui a pour

objet la sanctification des âmes est attribuée au Saint-

Esprit et non au Fils. Si, dans cette mission, il n'y avait

rien de propre au Saint-Esprit, s'il ne faisait rien que le

Père et le Fils ne fissent également, il ne serait donc pa»

réellement envoyé par le Père et le Fils, et les assurances si

positives que Jésus-Christ nous donne dans le discours après

la Gène, qu'il nous enverra ce divin Esprit..., ne seraient

que de vaines paroles. Il faut donc admettre nécessairement

qu'il y a entre l'âme juste et ITisprit-Saint une union qui

ne s'étend pas de la même manière aux autres personnes ^ »

 

Ce n'est effectivement pas sans motif que la mission invi -

sible qui a pour objet la sanctification des âmes et l'union

à Dieu par la charité est attribuée au Saint-Esprit. La rai-

son de cette attribution, c'est de nous faire connaître ce

qu'on pourrait appeler la caractéristique de la troisième

personne, sa notion distinctive, au moyen de l'analogie qui

existe entre ses propriétés personnelles et les noms, les effets-

ou les œuvres qui lui sont appropriés. Or la sanctification

étant par excellence l'œuvre de Tamour et une émanation

de la sainteté substantielle, comment s'étonner de la voir

attribuée à celle des personnes divines qui, procédant par

mode d'amour, est, en vertu même de son origine, la cha-

rité subsistante ; à celle que l'usage de l'Ecriture et de la

Tradition désigne sous le nom d'Esprit-Saint?

 

Mais partir de là pour affirmer une union stpéciale entre

ce divin Esprit et nos âmes, et surtout pour lui attribuer en

propre la production d'un effet quelconque dans les créa-

tures, c'est se méprendre étrangement sur le sens et la

portée des paroles de l'Ecriture et des Pères, c'est scinder

 

 

 

Ramibre, Les espérances de l'Église, Append., n. xih

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU ^71

 

l'unité d'opération en Dieu, contrairement au dogme catho-

lique qui attribue toutes les œuvres extérieures à la Trinité

entière ' . En subordonnant la mission du Saint-Esprit à la

production d'un effet dont il serait personnellement la

cause, en prétendant que, « s'il ne faisait rien que le Père

et le Fils ne fissent également, il ne serait pas réellement

envoyé », le Père Ramière s'est laissé entraîner, à son insu,

au delà des limites de l'orthodoxie. On ne peut, en effet,

sans s'écarter de la vérité catholique et sans aller contre les

définitions des Conciles, attribuer une action extérieure

quelconque à l'une des personnes divines, sinon par appro-

priation ; car, suivant l'expression du Xle Concile de

Tolède, dans son symbole de la foi, les œuvres de la Trinité

«ont inséparables : Qaia inseparabilia sunt opéra Trimtatis*.

Quoique réellement distincts, le Père, le Fils et le Saint-

Esprit ne constituent pas trois principes différents, mais un

seul et unique principe de toutes choses, unum universorum

principiam^, à cause de l'unité de leur nature*. Et, de

même qu'ils n'ont qu'une seule déité et une seule sub-

stance, ils n'ont également qu'une seule vertu, une seule

puissance, une seule volonté, une seule opération : Unam

eamdemque trium deitatem, nataram, sabstaniiam, virtutenif

potentiam.,. voluntatem, operationem^.

 

 

 

4. f Cam eadem Tirtus sit Patris et Filii et SpiritHS «ancti, sicnt et eadem

essenîia, oportet quod omne id quod Dexis in nobis efficit sit, sieut a causa

efficiente, simul a Pâtre et Filio et Spiritu sancio. i> (S. Th., Contr. Gent.,

I. IV, c, XXI.) — El iterum : « Facere quemcumque effecfum in creaturis est com-

mmie toti Trinilati propter unitatem naturae, quia ubi est nna natura, oportet

qaod sit una virtus et uaa operatio. Unde Dominus dicit (Joaa., t, 19) : Qua-

^omque Pater facit, baee et Filins simiiiter facit. » (S. Th., III, q, xxiii, a. 2.)

 

2. « IttcamatioDem quoque hujas Filii Dei tota Trinitas opérasse credenda

, st, quia inseparabilia sunt opéra Trinilatis. Solus tamen Filius formara lerTÎ

 

ccepit in singularitate personae, non ia nnitate dirinae naturae, in id quod est

ropriam Filii, non quod commune Trinitati. » (Ex symbolo fldei Conc. Tolet.,

I, an. 675.)

 

3. « Firmiter credimui et simpliciter confitemur, quod unus solus est verui

Deus... Patei et Filius et Spiritus sanctus : très quidem personae, sed una

 

«sentia... unum universorum principium. » (Conc. Later., it, cap. Firmiter.)

 

4. a Hsd très personae sunt unus Deos et non très dii, quia triam est uoa

substantia, una essentia... Omniague sunt unum, ubi non obviât relationis

oppositio. Propter banc anitatem... Pater et Filius et Spiritus sanctus non

tria principia creaturae, sed unum principium. n (Conc. Florent., Ex décret*

pro Jacobitis.)

 

5. Ex Conc. Later., an, 649, sub Martino I, can. i.

 

 

 

473 APPENDICE

 

Ce qui a sans doute trompé le Père Ramière et induit en

erreur les autres partisans de l'habitation personnelle du

Saint-Esprit, c'est qu'ils n'ont pas pris en son véritable sens

la loi de l'appropriation. Ils se sont imaginé qu'elle est

opposée à la présence vraie, réelle, substantielle de Dieu en

nous, telle que l'enseignent l'Ecriture et la Tradition ;

qu'elle réduit l'effet de la mission invisible à des dons créés,

et détruit par conséquent le principal titre de gloire du

chrétien justifié, la possession véritable et la fruition com-

mencée du bien souverain. Or rien n'est moins exact, comme

il est facile au lecteur de s'en convaincre en se reportant aux

preuves que nous avons données plus haut ' pour établir la

présence substantielle de Dieu dans les justes.

 

 

 

Vin

 

 

 

Il est un dernier argument, tiré de certaines locutions

employées par les Pères, sur lequel quelques théologiens

modernes paraissent faire grand fonds pour étayer leur

système d'une union propre à la troisième personne de la

sainte Trinité.

 

11 n'est pas rare, nous dit-on, de rencontrer dans les écrits

des anciens les expressions suivantes : C'est par l'Esprit-

Saint que le Père et le Fils habitent en nous ; ce divin Esprit

est le lien qui nous unit aux deux autres personnes. Or, de

telles expressions n'indiquent-elles pas ouvertement que

l'habitation de Dieu en nous se fait par l'intermédiaire du

Saint-Esprit, en qui et par qui nous possédons le Père et le

Fils? Si l'on refuse de voir dans ces paroles la preuve d'une

union contractée directement avec la troisième personne,

et, par elle, avec les deux autres, quel autre sens peut-on

légitimement leur donner ?

 

Le sens que tout le monde s'accorde à attribuer à des

formules analogues employées fréquemment par l'Ecriture

 

 

 

1. Cf t* partie, c. n.

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATION DE L'OPINION DE PETAU 478

 

OU les Pères. Ainsi, quand saint Jean nous dit, dans son

Evangile, que tout a été fait par le Verbe, Omnia per ipswn

fada sunt\ nul ne songe à voir dans cette expression l'indice

d'une opération ou d'un mode d'agir exclusivement propre

au Verbe; nul ne prétend que le Verbe soit ou l'instrument

du Père dans la production du monde, ou la cause for-

melle par laquelle il agit, ou le principe direct et immédiat

des choses à l'exclusion des autres personnes ; chacun com-

prend que la préposition dont se sert l'apôtre désigne sim-

plement l'ordre des personnes divines et la procession du

Fils ; chacun se rend facilement compte que cette façon de

parler a été employée pour nous faire entendre que la

puissance active par laquelle tout a été fait, quoique com-

mune aux trois personnes, leur appartient cependant,

comme la nature divine elle-même, dans un certain ordre :

au Père, comme à sa source primordiale, au Fils par com-

munication du Père, au Saint-Esprit comme à celui qui la

tient des deux autres personnes. L'unité d'opération n'est

donc pas détruite par cette formule qui semble rattacher le

monde à Dieu par l'intermédiaire du Verbe; il n'y a là

qu'une appropriation fondée sur la procession de la seconde

personne et sur la propriété qui lui appartient, en qualité

de Verbe, d'être l'expression, la cause, et, d'une manière

spéciale, le type et l'exemplaire de toutes choses * .

 

De même, quand nous lisons, dans les écrits des docteurs,

-que le Père et le Fils aiment par l'Esprit-Saint, nous nous

écarterions manifestement de la vérité en faisant du Saint-

Esprit le principe formel de l'amour du Père et du Fils, et

en lui attribuant en propre un acte qui est en réalité com-

mun aux trois personnes. A parler rigoureusement, le Père

et le Fils aiment formellement par la nature divine, ou

par la volonté qui s'identifie avec cette nature ; on peut dire

néanmoins qu'ils aiment par l'Esprit-Saint, comme par le

terme intrinsèque de leur amour, parce que, en s'aimant

 

 

 

i. Joan., 1, 3.

 

2. c Verbum Dei, ejus quod in Deo Pâtre est, est expressimm lantom, crea-

tnrarnm vero est expressivum et operativum ». (S. Th., I, q. xxxiv, a. 3.) —

« Verbam Dei comparatnr ad rea alias intellectas a Deo sicut exemplar, (et)

ad ipsam Deam, cujns est Verbum, sicut ejus imago. » S. Th., 1. IV, Contra

Gentes, cap. h.)

 

 

 

474 APPENDICE

 

l'un l'autre, ils produisent le Saint-Esprit, et que, de leur

mutuelle dilection, jaillit la charité personnelle, comme la

fleur de sa tige. Pater et Filius dicuntar diligentes Spiritu

sancto, vel amore procedente, et se, et nosK

 

C'est dans le même sens qu'ils habitent en nous par

l'Esprit-Saint. Sans doute, l'inhabitation par la grâce appar-

tient proprement à la Trinité entière : Inhabilatio convenit

loti Trinitati - : mais parce que, en nous aimant, en nous

voulant ce bien infiniment précieux qui est la possession

de Dieu même, le Père et le Fils produisent l'Esprit-Saint,

on peut dire qu'ils habitent en nous par le Saint-Esprit,

comme par le terme intrinsèque de leur dilection : Recte

Pater et Filais dicantar inhabitare nos Spirita sancto^.

 

Mais, ajoute-t-on, FEsprit-Saint est encore appelé le lien

qui nous unit au Père et au Fils; n'est-ce pas une preuve

manifeste que, dans la pensée de ceux qui parlent ainsi,

notre union à Dieu se fait d'abord avec la personne du

Saint-Esprit, et, par elle, avec les deux autres? Nullement.

Car il est appelé aussi le nœud qui rapproche le Père et le

Fils, nexus Patris et Filii*, leur baiser mutuel, leur indivi-

 

 

 

1. c Sciendum est quod cnm res communiter denorainetnr a suis formis...,

iitiid a quo aliquid deacminatur, q>jiantDm ad hoc habet habiladinem

formae... Conlingil antem aliquid denominari per id quod ab ipso procedit, noo

«oloin siciil agens actione, sed eliara sicot ipso leriaino actionis, qui est effec-

lus, quando ipse effectus in inlellectu actionis includitur.DicImaseDim quodigni»

est calcfaciens calefactione, quaniTis calefactio non sit calor, qni est forma ignis,

led actio ab igné proceden» ; et dicimus quod arbor est florens floribus, qnamvia

flores non sint forma arboris, sed quidam efTectus ab ipsa procedentes. S«cuudum

hoc ergo dicendum quod cum diligere in divinis dnpiiciter sumatur, esseniialiter

scilicet, et notionaliter : secundnm quod esseniialiter sumitur, sic Pater et

Pilius non diligunt se Spiritu Sancto, sed est^eutia sua...; secnndum TCro quod

oetionaliter sumitur, sic diligere nibil est aliud quam spirare amorem, sicut

dicere est producere verbum et florere est producere ûores. Sicut ergo dicitur

arbor florens floribus, ita dicitur Pater dicens Verbo vel Filio, se et creatu-

ram; et Pater el Filius dicoiilur diligentes Spiritu sancto, vel amore proce-

deute, el se, et nos. » (S. Th., I, q. xxxvii, a. 2.)

 

•2. S. Th. iû i Sent., dist. xv, q. ii, a. 1, ad 4.

 

3. « Pater et Filius... diligendo necessario producnnl Spiritnm sanctom. Recte

igilur dicuntar... diligere Spirilu sancto. Cum aulem inhabilatio sit opus dilec-

lionii, ergo recte Pater et Filius dicuntur inhabitare nos Spiritu sancto...

Hoc lamen non sigiiiûcat Spiritom sanctum speciali modo nos inhabitare pra&

ceteris personis. » (E. P. Pesch, S. J. Prœleet.dogwiat., de Deo trioo, sect. t,

û. 689.)

 

4. S. Th., I, q. ixxvii, a. 1, ad 3.

 

 

 

EXPOSITION ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU ^75

 

«ible unité*; ce qui semblerait, à première vue, indiquer

qu'il tient le milieu entre le Père et le Fils; et cependant,

nul ne 83 base sur ces expressions pour soutenir que le

Saint-Esprit est la seconde personne de la sainte Trinité,

mais chacun comprend qu'il est ainsi nommé parce que,

«tant le terme de la dilection mutuelle du Père et du Fils,

il procède des deux comme d'un seul principe et d'un spi-

rateur unique, et qu'il les unit par l'amour-. De même,

quand les Pères le représentent comme le lien entre les deux

premières personnes et les âmes justes, leur but n'est autre

que d'indiquer sa subordination d'origine vis-à-vis du Père

et du Fils et son mode de procession par voie d'amour.

 

Tel est l'enseignement de toute la scolastique, telle l'in-

terprétation qu'elle a toujours donnée des textes de l'Ecri-

ture et des Pères mis en avant par les tenants de l'habita-

tion personnelle du Saint-Esprit. La conséquence qui en

découle, c'est que la grâce n'établit pas de rapports spéciaux,

d'union particulière avec ce divin Esprit, et que l'habita-

tion, dont parlent si fréquemment les Livres saints, appar-

tient à toute la Trinité et n'est attribuée à la troisième per-

sonne que par appropriation.

 

 

 

1. a Insufaavit Jésus apostolis>et dixit(Joan., xx, 22) : Accipite Spiritum

sanctum... qui propterea in illo doininico flatu datus est, ut per hoc iuteliige-

retur et ab i{>so î)anter lanquam a Paire procedere, tanquam vere osculum,

quod osculauli osculaloque commune est... Si recte Pater osculans, Filins

osculatus, non erit abs re osculum Spiritum sanctura iuleiligi, utpotoqui Patris

Filiique iraperlurbabilis pax sit, gluten firmum, incUviduus amor, indivisibilis

unitas. » (S. BfiaN., in Caiit. serm. viii, n. 3.)

 

2. « Spirilus sanctus dicitur esse nexus Patris et Filii, in quantum est amor,

quia cum Pater amet unica dilectione se, et Fiiium, et e converso; importatur

in Spiritu sancto, prout est amor, habitudo Patris ad Filium, et e converso, al

amantis ad amatum. Sed ex hoc ipso quod Pater et Filius se mutuo amant,

oportet quod mutuus amor, qui est Spiritus sanctus, ab utroque procédât.

Secundura igitur originem Spiritus sanctus non est médius, sed terlia in Trini-

tate persona; secuudum vero praediclam habitudinem est médius nexus ab

ntroque procedens. » (S. Th., I, q. xixvu, a. i, ad 3.)

 

 

 

FIN

 

 

 

TABLE ANALYTIQUE

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE

 

DE LA PRÉSENCE COMMUNE ET ORDINAIRE DE DIEU

EN TOUTE CRÉATURE.

 

CHAPITRE PREMIER

 

DE LA PRÉSENCE DE DIEU EN TOUTES CHOSES

EN QUALITÉ d'aGENT OU DE CAUSE EFFICIENTE.

 

Dieu est partout, en toutes choses et en tous lieux, par

puissance, par présence et par essence. — Gomment faut-il

entendre cette omniprésence ? — Ne pas la concevoir sous

forme de diffusion actuelle et d'expansion infinie de la

substance divine, comme un océan sans rivages. — Un con-

cept de l'immensité di%ine improuvé par saint Augustin. —

Vraie notion de l'immensité donnée par saint Thomas. —

D'après l'angélique Docteur, la raison fondamentale de la

présence substantielle de Dieu dans ses créatures n'est au-

tre que l'action immédiate qu'il exerce en toutes et cha-

cune d'elles pour produire et conserver leur être et les

mouvoir à leurs opérations. — Et de vrai, Dieu étant un

pur esprit, ne saurait être présent dans le lieu à la façon

des corps, per qaantitatem dimensivam, mais bien suivant le

mode propre aux esprits, c'est-à-dire en y exerçant son

activité, per contactum virtutis, comme disent les scolasti-

ques. — Pour bien caractériser ce premier mode de pré-

sence, saint Thomas l'appelle : présence à titre d'agent ou

par mode de cause efficiente, per modum causas agentis. 7

 

 

 

47^ TABLE ANALYTIQUE

 

 

 

CHAPITRE n

 

COMBIEN CBTTB PRÉSENCE EST ESTIME» PROFONDE, UNIVERSELLE.

— SES DIFFÉRENTS DEGRÉS.

 

 

 

Combien cette présence est intime, profonde, univer-

selle. — Quoique substantiellement la même partout, elle

comporte néanmoins bien des degrés, suivant que les

choses participent plus ou moins à la bonté divine. — Com-

ment concevoir ces divers degrés de présence? — Saint

Thomas donne la solution de ce problème quand il dit que

Dieu est en toutes choses comme la cause est dans les effets

qui participent à sa bonté. — En quoi consiste cette parti-

cipation des créatures à la bonté divine ? — Quoique Dieu

soit partout, et tout entier partout, il n'est cependant pas

également partout, mais il est plus ici que là. — Analogie

tirée de notre âme. — Il y a certains lieux où Dieu réside

d'une manière si particulière, qu'on peut les appeler la

demeure de Dieu. — Quels sont ces lieux? — Ceux où

l'opération divine est plus manifeste 3o

 

 

 

DEUXIÈME PARTIE

 

DE LA PRÉSENCE SPÉCIALE DE DIEU OU DE

l'habitation du saint-esprit dans les AMES JUSTES.

 

CHAPITRE PREMIER

 

'LE FAIT DE LA PRÉSENCE SPÉCIALE DE DIEU DANS LES JUSTES.

MISSION, DONATION, HABITATION DU SAINT-ESPRIT.

 

Réalité de cette présence spéciale ou de rhai>itation du

Saint-Esprit dans les âmes justes. — L'Ecriture déclare

fréquemment que l'Esprit-Saint est envoyé, donné aux

'àmcs av^ la grâce, qu'il habite en elles, conjointement avec

 

 

 

TABLÉ AKALtTIQUÊ 479'

 

le Père et le Fils. — Or les concepts de mission, de donation^

d'habitation, impliquent un mode particulier de présence,

distinct de la présence commune. — Aussi, d'après saint

Augustin, Dieu, qui est partout, n'habite cependant pas dans

tous les hommes, notamment dans les pécheurs. — Seuls,

les justes sont le temple de l'Esprit-Saint. — Ce nouveau

mode de présence divine n'exclut pas celui dont il a été

question au chapitre précédent, mais il s'y surajoute. —

11 n'emporte aucun changement en Dieu, mais il suppose

dans la créature un effet nouveau, la grâce sanctifiante, qui

devient le principe de rapports nouveaux entre elle et Dieu .

— Au lieu d'une vulgaire relation de causalité qu'il avait

auparavant avec sa créature. Dieu entre avec elle dans un

rapport d'appartenance et de possession ; il devient son

bien, l'objet de sa connaissance et de son amour . . 53-

 

 

 

CHAPITRE II

 

NATURE DE CETTE PRÉSENCE.

 

C'est une présence vraie, réelle, substantielle. — Ce n'est

donc pas seulement par ses effets et par ses dons que l'Es-

prit-Saint est dans les justes, il y vient en personne, en

sorte que nous possédons à la fois le don et le donateur. —

Témoignages de l'Ecriture et des Pères sur ce point. —

Belle réponse de sainte Lucie. — Il n'y a pourtant pas

union substantielle entre l'âme et le Saint-Esprit, mais une

union purement accidentelle 79.

 

 

 

CHAPITRE m

 

MODE DE CETTE PRÉSENCE.

 

Ce n'est plus seulement en qualité d'agent que Dieu est dans

l'âme juste, c'est à titre d'hôte et d'ami, comme objet de con-

naissance et d'amoar.

 

L'Esprit-Saint, âvons-nous dit, habite dans les justes. —

Reîiè3 à expliquer le mode de cette présence spéciale. -«

 

 

 

/i8o TABLE ANALTTTQUB

 

Critérium pour discerner, entre les difFcrentes opinions

qui ont été émises sur ce point, celle qui est la plus plau-

sible. — Explications défectueuses ou insuffisantes appor-

tées par divers auteurs : le docteur Oberdoerffer, Verani,

Petau et Ramière, S. J. — Explication donnée par saint

Thomas. — D'après l'angélique Docteur, Dieu peut être

substantiellement présent à une créature de trois manières

différentes : i'* à titre d'agent ou de cause efficiente ; c'est le

mode ordinaire commun à tous les êtres sans exception ;

3" comme objet de connaissance et d'amour; c'est la présence

spéciale aux justes de la terre et aux saints du ciel ; 3" en

vertu d'une union hypostatique ; c'est ainsi que le Verbe s'est

uni à notre humanité en N.-S. — Entre ces divers modes

de présence il n'y a pas une simple différence de degré, de

plus et de moins, mais une différence essentielle et vrai-

ment spécifique. — Ces trois sortes de présence se trouvent

réunies en N.-S. — Que faut-il pour qu'il y ait \Taiment

habitation du Saint-Esprit dans une âme? . . . . io4

 

 

 

CHAPITRE IV

 

EXPLICATION DU MODE DE PRÉSENCE DONT DIEU HONORE

LES JUSTES DE LA TERRE ET LES SAINTS DU CIEL.

 

Si. — Comment Dieu est présent par sa substance à l'intel-

ligence et à la volonté des bienheureux en tant que vérité

première et bien souverain.

 

 

 

L'admirable union de Dieu avec les justes, appelée inha-

bitation, ne diffère que par la condition ou l'état de celle

qui fait le bonheur des saints dans le ciel. — Pour avoir

une idée nette et précise de ce genre de présence et d'union,

il faut la considérer non pas telle qu'elle s'offre à nous dans

la personne des justes de la terre, où elle n'est encore qu'à

l'état rudimentaire, mais telle qu'elle existe dans les élus,

en qui elle est parvenue à son plein épanouissement. —

Or, dans le ciel, l'essence divine s'unit directement et im-

médiatement à l'intelligence des bienheureux, pour être,

avec elle, co-principe de la vision béatifique, de même

 

 

 

TABLE ANALYTIQUE 48 1

 

qu'elle en est l'objet et le terme. — Possibilité de cette

union. — Sa nécessité pour qu'une créature intelligente

soit capable de voir Dieu tel qu'il est en lui-même. — Con-

dition préalablement requise : la lumière de gloire.

 

Présent par sa substance à l'intelligence des bienheureux,

Dieu ne peut être absent de leur volonté. — Car la vision

de Dieu ne va pas sans l'amour, et l'amour est plus unitif

que la connaissance. — Et suivant que l'union est réelle

ou seulement affective, il y a deux manières d'aimer : l'une

de jouissance, l'autre de désir. r~ Or, c'est l'amour de jouis-

sance qui règne au ciel. — 11 faut donc que Dieu soit pré-

sent par sa substance et uni effectivement à leur volonté,

pour que les élus puissent jouir pleinement de lui, en

tant que bien souverain, de même qu'il est uni à leur

intelligence comme vérité première et objet de leur

vision 187

 

 

 

CHAPITRE V

 

EXPLICATION DU MODE DE PRÉSENCE DONT DIEU HONORE

LES JUSTES DE LA TERRE ET LES SAINTS DU CIEL (sUITE).

 

S II. — Comment la grâce produit dans les justes de la terre

une présence de Dieu analogue à celle dont jouissent les saints

du ciel.

 

 

 

Pouvons-nous en dire autant des saints d'ici-bas, et affir-

mer légitimement que la grâce produit en eux une pré-

sence, à la fois réelle et spéciale, de Dieu comme objet de

connaissance et d'amour ? — Assurément, l'essence divine

n'est point unie à leur intelligence en qualité de forme in-

telligible pour être le principe et le terme d'une connais-

sance intuitive ; car nous n'avons pas en ce monde la vue

de Dieu. — Mais pourtant, dès cette vie, le juste atteint,

par son opération, la substance divine, il entre en contact

avec elle par la connaissance et l'amour, et commence vrai-

ment à jouir de Dieu. — Comment cela ? — Par la con-

naissance expérimentale et savoureuse qui est le fruit du

don de sagesse, et surtout par l'amour de charité : connais- <

 

BAB. SAIMT-BSPRIT. — 3l

 

 

 

48a iable analytique

 

«ance et amour qui supposent non pas la vue et la pleine

Jouissance, mais la présence réelle et sentie de l'objet

aimé.

 

Et d'abord, la charité demande la présence effective de

Dieu dans l'âme et une union de jouissance. — Car la cha-

rité réalise toutes les conditions d'une vraie et parfaite ami-

tié entre Dieu et l'homme. — Or, ce que l'amitié désire,

convoite,, et effectue quand elle le peut, c'est l'union réelle

et intime, c'est la vie en commun, c'est la jouissance réci-

proque des deux êtres qui s'aiment. Puis donc que rien n'est

impossible à Dieu, ne pouvons-nous pas légitimement

conclure que la dilection qu'il porte à l'âme juste lui ira-

pose une sorte de nécessité de venir personnellement en

elle, et de ne pas la priver de la consolation de sa présence ?

— Au reste, la charité de la voie étant la même que celle

de la patrie, quoi d'étonnant qu'elle exige la présence du

bien-aimé, afin de commencer à jouir de lui ? — Dieu est

donc réellement présent dans les justes comme objet de

leur amour, sicut amatum in amante.

 

Il leur est aussi uni effectivement en tant qu'objet de

leur connaissance, sicat cognitum in cognoscente. — La con-

naissance de Dieu dont la nature est le principe, celle

même que donne la foi informe, ne suffisent pas pour le

faire habiter dans une âme. — Il faut pour cela une con-

naissance expérimentale, qui ne s'acquiert que par une

intime union avec Dieu. — Ce qu'est cette connaissance

expérimentale. — Analogie empruntée à la manière dont

nous connaissons notre âme. — A quels signes reconnaître

la présence de l'Esprit-Saint en nous ?

 

Dieu habite donc véritablemeni dans tonte àme qui a la

grâce ; il lui est uni non point d'une simple union objec-

tive et morale, mais d'une union effective et réelle. — Di-

vers degrés de cette union. — Toujours actuelle dans les

bienheureux, purement habitaelle dans les enfants baptisés

dont l'intelligence n'est point encore éveillée, elle tient

dans les adultes justifiés le milieu entre la perfection de

celle des premiers et l'imperfection de celle des seconds. —

L'union à Dieu, l'union actuelle par la contemplation et

l'amour, tel doit être l'objet de nos vœux, le but de nos

efforts ; car c'est en elle que consiste la perfection de la

voie et celle de la patrie, i5&

 

 

 

TABLE ANALYTIQUE 5SS

 

 

 

TROISIÈME PARTIE

 

l'iNHABITATION divine par la GRACE n'eST PAS LA

PROPRIÉTÉ PERSONNELLE DU SAINT-ESPRIT, MAIS LE

PATRIMOINE COMMUN DE TOUTE LA SAINTE TRINITÉ.

 

ELLE EST l'apanage DE TOUS LES JUSTES,

 

TANT DE l'ancien QUE DU NOUVEAU TESTAMENT.

 

CHAPITRE PREMIER

 

QUOIQUE ATTRIBUÉE ORDINAIREMENT A l'ESPRIT-SAINT, l'iNHA-

BITATION DIVINE PAR LA GRACE NE LUI EST PAS EXCLUSI-

VEMENT PROPRE, MAIS COMMUNE AUX TROIS PERSONNES.

 

 

 

L'habitation de Dieu dans les âmes justes est ordinaire-

ment attribuée à l'Esprit- Saint. — Pourquoi cela ? —

Serait-ce un signe que ce divin Esprit possède avec elles un

m.ode d'union qu'il ne partagerait pas avec les autres per-

sonnes ? — Quelques théologiens, Petau entre autres, l'ont

pensé. — D'après eux, la Trinité entière habite, il est vrai,

dans le juste ; mais c'est le Saint-Esprit qui est le terme

direct et immédiat de l'union ; le Père et le Fils ne rési-

dent en lui que d'une manière indirecte, par concomitance,

en vertu de la communauté de nature qui les rend insépa-

rables. — L'union du Saint-Esprit avec nos âmes serait

donc analogue à celle du Verbe avec la nature humaine en

Jésus-Christ.

 

Suivant le sentiment commun de l'Ecole, il n'en est

point ainsi. Au lieu d'être une propriété personnelle du

Saint-Esprit, l'habitation divine par la grâce est le patri-

moine commun de toute la Trinité. — Si l'Ecriture et les

Pères l'attribuent fréquemment à la troisième i)ersonne,

c'«st uniquement en vertu de la loi d'appropriation. — Ce

que c'est que l'appropriation. — Pourquoi attribuer à une

personne en particulier ce qui appartient en commun

Si\i3L trois personnes ? — Réponse de saint Thomas : Pour

 

 

 

484 TABLE ANALYTIQUE

 

la manifestation de la foi, c'est-à-dire pour faire mieux

connaître le caractère propre de chaque personne. — Et

parce que le Saint-Esprit est en Dieu l'amour subsistant, il

est tout naturel de lui attribuer les œuvres de l'amour,

comme la grâce sanctifiante, les autres dons gratuits, et en

particulier l'habitation de Dieu en nous igS

 

 

 

CHAPITRE II

 

l'habitation de DIBU dans les AMES PAR LA «RACE H'BST

 

PAS l'apanage exclusif des saints de la nouvelle

 

ALLIANCE, MAIS LA DOT COMMUNE DES JUSTES DE TOUS LSI

TEMPS.

 

Non content de regarder l'habitation divine par la grâce

comme une propriété de l'Esprit-Saint, Petau prétendait

encore que la présence spéciale de Dieu dans les cœurs est

non pas la dot commune de tous les justes, mais Tapanage

exclusif des saints de la nouvelle Alliance. — A l'en croire,

l'Esprit-Saint n'était dans les anciens justes que par son

opération et ses dons, et nullement par sa substance. — Ici

encore, tout en faisant appel à l'antiquité et à l'autorité des

Ecritures, il se met en opposition manifeste avec elles. — Il

est, en effet, hors de doute que le Saint-Esprit habitait réelle-

ment dans les justes qui ont précédé Jésus-Christ. — S'il y

eut, relativement à l'inhabitation divine par la grâce, une

différence entre les saints de l'Ancien et du ^ouveau Testa-

ment, ce fut une simple différence de degré, de mesure et

de manifestation extérieure. — Les patriarches de l'anti-

quité possédaient le même genre de sainteté que nous ; la

grâce qui les justifiait les rendait comme nous enfants

de Dieu, héritiers de la vie éternelle, et les temples de l'Es-

prit-Saint, — Ils ne vivaient cependant pas dans la condi-

tion de fils, mais plutôt dans celle de serviteurs ; et la

grâce ne leur était pas accordée par la vertu même de la

loi, vi legis, mais par la foi au Messie k venir. — Etaient-ils

inférieurs en sainteté aux justes de la Loi nouvelle? — A

parler en général, il semble qu'il en ait été ainsi ; car les

moyens de sanctification mis à leur disposition étaient

 

 

 

TABLE ANALYTIQUE 4S5

 

incomparablement moins puissants que les nôtres. — Rien

n'empêche cependant de croire que certains personnages

antiques se soient élevés à une perfection supérieure à celle

d'un grand nombre de chrétiens de nos jours . • . aai

 

 

 

QUATRIÈME PARTIE

 

BUT ET EFFETS DE LA MISSION INVISIBLE DE LESPRIT-

SAINT ET DE SON HABITATION DANS LES AMES.

 

CHAPITRE PREMIER

 

BUT DE LA MISSION INVISIBLE DE l'ESPRIT-SAINT ET DE SA

VENUE DANS LES AMES : LA SANCTIFICATION DE LA CRÉATURE.

— PARDON DES PÉCHÉS, JUSTIFICATION.

 

Pourquoi le Saint-Esprit nous est envoyé et vient fixer en

nous sa demeure. — Importance d'une telle mission. —

Conséquences de cette habitation. — Loin d'être stérile et

infructueuse, la présence en nous de l'Esprit sanctificateur

est souverainement féconde. — Multiples effets de cette

présence. — Tous tendent à la sanctification de la créature.

 

Le pardon des péchés. Le premier fruit de la venue de

l'Esprit-Saint dans une âme où il ne résidait pas enccre.

c'est un entier et généreux pardon. — Grandeur de ce

bienfait. — En perdant la grâce, le pécheur avait tout

perdu et il avait encouru la cclè;e divine. — En recevant

le Saint-Esprit, il rentre en possession des biens dont il

avait été dépouillé ; Dieu lui rend ses bonnes grâces, lui

pardonne ses offenses, lui fait remise de la dette contrac-

tée envers la justice divine.

 

La justification. Là ne se bornent pas les largesses de

l'Hôte divin. — Non content d'apporter à l'âme qu'il dai-

gne honorer de sa visite une grâce de pardon, il s'empresse

de la purifier de ses fautes, de la guérir de ses plaies, de la

revêtir d'une robe d'innocence, de lui accorder un don

souverainement précieux qui, en la justifiant, la rend toute

 

 

 

486 TABI^ ANALYTIQUE

 

beile, toute sainte, l'objet des divines complaisances, la

fîille adoptive de Dieu et l'héritière de ses promesses . a45

 

 

 

CHAPITRE II

 

ROTRE JUSTIFICATION PAR LA GRACE EST UNE VÉRITABLE DÉI-

FICATION. — COMMENT LA. (JRA.CE SANCTIFIANTE EST UNB

PARTICIPATION PHYSIQUE ET FORMELLE DE LA NATURE DI-

VINE.

 

La déification de l'âme par la grâce. C'est là le chef-

d'œu^Te de la puissance di>ine. — Comment s'opère cette

déification. — En quoi consiste l'élément divin qui fait de

nous des êtres déiformes? Et puisque ce don n'est autre

que la grâce qui nous justifie, qu'est-ce que la grâce ? —

Kotre-Seigneur lui-même daigna s'en expliqiier un jowp

en faveur d'une pécheresse : « Si vous connaissiez, lui

dit-il, le don de Dieu !» — Et pour se mettre à sa portée,

il lui parle de la grâce sous l'emblème d'une eau vive qui

rejaillit jusqu'à la vie éternelle. — La grâce, en effet, pro-

duit spirituelLeraent tous les effets de l'eau ; elle purifie,

rafraîchit, désaltère et féconde. — Grâce médicinale, grâce

élevante.

 

Nature intrinsèque de la grâce. — Elle est un don surna-

turel permanent, une qualité d'ordre divin inhérente à

notre âme, une participation créée, physique et formelle

de la nature divine. Sens précis de cette formule. — Elle

est une disposition à une autre participation de la nature

divine, terme et but de la première, et qui consiste dans

une intime union de notre âme avec Dieu, union com-

parée dans rÉcriture à celle de l'époux et de l'épouse. 268

 

CHAPITRE m

 

NOTRE FILIATION DIVINE ADOPTIVE. — ANALOGIES ET DISSEM-

BLANCES ENTRE l'adoption DTVTNE ET LES ADOPTION!

HUMAINES. — INCOMPARABLE GRANDEUR ET DIGNITÉ DO

CHRÉTIEN.

 

L'adoption divine. — Devenus par la grâce participants

de la nature divine, novia sommes, par le fait même, élô-

 

 

 

TABLE ANALYTIQUE 4^7

 

vés à l« dignité de fils adoptifs de Dieu avec droit à l'héri-

tage paternel. — Et il ne s'agit point ici d'une dénomina-

tion extrinsèque, d'un titre purement honorifique, mais

d'une filiation très réelle. — Les saints Pères célèbrent à

ren\i ce glorieux titre d'enfants de Dieu. Analogies et dis-

semblances entre l'adoption divine et les adoptions humai-

nes. — Triple condition de l'adoption réalisée par la grâce.

— Incomparable grandeur et dignité du chrétien . . 3oo

 

 

 

CHAPITRE rv

 

DROIT A L'HéftITAGB CÉLESTE, COMSÉQUEIfCE DE NOTBB

ADOPTION. — QfïBL EST CET HÉRITAGE?

 

Le droit à l'héritage céleste. Fils adoptifs de Dieu, nou»

sommes dès lors ses héritiers ; car le droit à l'héritage de

qui nous adopte est la conséquence nécessaire de notre

adoption. — Quel est cet héritage? Ce sont les biens noé-

mes de Dieu, biens infinis dont la possession et la jouis-

sance constituent sa propre béatitude. — Bref, c'est Dieu

lui-même vu face à face et aimé d'un amour béatifique. —

Richesses de cet héritage, c'est le plein rassasiement de tous

les désirs. — Pour en donner une idée précise, il faudrait

dire ce qu'est le ciel. Mais qui oserait tenter une pareille

entreprise, pour laquelle saint Paul lui-même se déclare

impuissant? — Heureusement pour nous, l'Esprit- Saint &

daigné nous fournir sur ce point des données précieuses

qu'il importe de ne pas laisser dans l'ombre. — Afin' de

nous aider à concevoir quelque peu les ineffables délices du

ciel, il nous Ta représenté sous des noms multiples et des

figures variées. — Tantôt c'est un royaume, le royaume de

Dieu promis à ceux qui l'aiment. — Tantôt c'est la patrie^

la maison dti père de famille, le rendez -vous de tous le»

enfknts de Dieu. — Ici c'est un banquet, un festin donné

par le Père céleste à l'innombrable multitude de ses enfants

réunis autour de lui ; c'est le festin des noces de l'Agneau.

— Là c'est un torrent de délices, où les élus s'abreuvent jus-

qu'à Tivresse. — Qu'est-ce encore que le ciel? — C'est le

repos, la paix, la vie : le repos après le travail, la paix suc-

cédant à la guerre, la vie sans limites et sans fin, la vie

éternelle 3.ia

 

 

 

488 TABLE ANALYTIQUE

 

 

 

CHAPITRE V

 

 

 

EFFETS DE L HABITATION DU SAINT-ESPRIT :

LES VERTUS INFUSES THÉOLOGALES ET MORALES.

 

 

 

La béatitude nous étant proposée à la fois comme un

héritage et comme la récompense de nos mérites, nous

devons travailler à nous en assurer la possession par nos

bonnes œuvres. — De là, la nécessité de forces, de puis-

sances, de principes d'activité surnaturelle, de tout un

ensemble de facultés nouvelles nous rendant capables de

poser des actes supérieurs aux forces de la nature et pro-

portionnés à la fin très sublime qu'il s'agit d'atteindre.

 

— Quadruple élément constituant la vie surnaturelle

du juste : i* la grâce sanctifiante; 2° les vertus théolo-

gales ; 3» les vertus morales infuses ; 4° les dons du Saint-

Esprit.

 

1° La grâce sanctifiante. Pour mettre l'homme en état

d'exercer les actes qui doivent le conduire à la béatitude

suprême, Dieu verse d'abord en lui la grâce sanctifiante,

qui joue dans l'ordre surnaturel le rôle de l'âme dans celui

de la nature. — C'est elle qui donne l'être spirituel et la

vie di\1ne. — Reçue dans l'essence même de l'âme, la grâce

est comme celle-ci un principe de vie et d'opérations sur-

naturelles, mais un principe radical et éloigné, non un

principe immédiat et prochain. — De même que l'âme

agit non par sa substance, mais par ses facultés, ainsi la

grâce opère par l'entremise des vertus et des dons.

 

2° Les vertus théologales. Les vertus qui correspondent à

la grâce, devant être de même ordre qu'elle, c'est-à-dire

surnaturelles, ont aussi la même origine, et proviennent

immédiatement de Dieu, qui les cause en nous sans nous.

 

— Au nombre de ces vertus viennent en première ligne les

vertus théologales : la foi, l'espérance et la charité. — Leur

existence prouvée par l'Écriture. — Leur nécessité pour

ordonner l'homme vers sa fin dernière.

 

3° Les vertus morales infuses. Pour excellentes que soient

les vertu: théologales, elles ne suffisent cependant pas pour

régler, à elles seules, la vie du chrétien ; d'autres vertus

 

 

 

TABLE ANALYTIQUE ^89

 

doivent prêter leur concours à cette œuvre complexe. Ce

sont les vertus morales infuses. Existence et nécessité de

ces vertus. — Sentiment de l'Église et des théologiens sco-

lastiques sur ce point. Opinion contraire de quelques théo-

logiens médiévistes s'appuyant sur les répugnances qu'é-

prouvent les néo-convertis dans la pratique du bien, pour

nier l'existence des vertus morales infuses. — Explication

de ce phénomène. — Le chrétien peut donc posséder deux

sortes de vertus morales spécifiquement différentes : les

unes naturelles et acquises, les autres surnaturelles et

infuses 354

 

 

 

CHAPITRE VI

 

EFFETS DE l'hABITATION DU SAINT-ESPRIT (sUITE)

LES DONS DU SAINT-ESPRIT.

 

 

 

4° Les dons du Saint-Esprit. Avec la grâce et les vertus

infuses, le juste reçoit encore les dons du Saint-Esprit. —

Nature de ces dons. — Leur distinction d'avec les vertus.

— Ils en diffèrent à un double chef : i° par leur mode

d'agir ; 2® par la règle de leurs actes. — Rôle des dons :

mettre notre âme en état de recevoir avec promptitude et

docilité la motion spéciale et extraordinaire de l'Esprit-

Saint. — Leur nécessité 878

 

 

 

CHAPITRE VII

 

DERNIERS EFFETS DE l'HABITATION DU SAINT-ESPRIT :

LES FRUITS DU SAINT-ESPRIT ET LES BÉATITUDES.

 

 

 

Les fruits et les béatitudes. Après avoir ainsi doté l'âme

de ce magnifique et complexe organisme de sainteté qui

fait de l'homme un instrument de musique admirable-

ment disposé pour chanter la gloire et la puissance divines,

i'Esprit-Saint lui-même se met au clavier et tire de cet ins-

trument vivant et docile de merveilleux accords. — Le

 

 

 

490 TABLE ANALYTIQUE

 

juste comparé encore à un arbre planté sur le bord des

eaux et qui donne des fruits en son temps. C'est ce que

l'apôtre saint Paul appelle les fruits da Saint-Esprit. — Leur

nature. — Leur nombre.

 

Au-dessus des fruits se placent les béatitudes, couronne-

ment de l'œuvre di\ine en nous, le dernier et le plus

sublime effet de la présence de l'Esprit-Saint dans nos

âmes, l'avant-goût du bonheur céleste. — Nature des béati-

tudes. — Leur nombre. — Leur distinction d'avec les ver-

tus infuses, les dons et les fruits du Saint-Esprit. — Pour-

quoi tant de chrétiens, en possession habituelle de la grâce

et des énergies divines qui l'accompagnent, se montrent si

faibles et font si peu de progrès dans le bien. — Travailler

à mieux connaître l'Esprit-Saint, pour l'aimer davantage.

— Le prier souvent, se montrer docile à ses inspirations,

c'est le moyen infaillible pour arriver àu ciel. . . . 425

 

 

 

APPENDICE

 

EXPOSÏTIOM ET RÉFUTATICW

 

DE l'OPIUION de PETAU RELATIVE A l'haBITATION DO

 

BALST-ESPRrr DANS LES AMES JUSTES.

 

 

 

L'inhabitation divine par la grâce, au dire de Petau,

serait propre à la troisième personne de la sainte Trmité.

— Par conséquent l'union du Saint-Esprit avec les âmes

justes serait analogue à celle du Verbe avec la nature hu-

maine en Jésus-Christ. — Au Xll" siècle, le Maître des Sen-

tences avait déjà enseigné, lui aussi, une union spéciale

de l'Esprit-Saint avec nos âmes, sous le prétexte que la

charité par laquelle nous aimons I>i€u et le prochain

n'est pas une vertu créée, mais la personne même dn Saint-

Esprit 447

 

 

 

TABLB ÀNALTEIQUE igi

 

 

 

11

 

 

 

D'après le sentiment commun des Docteurs, au lieu

d'être une propriété personnelle de l'Esprit- Saint, Tinhabi-

tation divine par la grâce est le patrimoine commun de

tonte la Trinité. — Preuve de cette vérité donnée par saint

Thomas 45i

 

 

 

III

 

 

 

Comment, d'après l'angélique Docteur, l'inhabitatioii

divine convient au même titre aux trois personnes de la

sainte Trinité. — Si l'Écriture et les Pères l'attribuent fré-

quemment au Saint-Esprit, c'est uniquement en vertu de

la loi d'appropriation 454

 

 

 

rv

 

 

 

A rencontre des représentants les plus autorisés de la

science théologique, Petau prétend que la loi d'appropria-

tion est insuffisante pour expliquer les paroles de l'Ecriture

et des Pères, et que l'on ne peut, sans amoindrir leur en-

seignement, refuser d'admettre un mode de présence dans

les justes, qui soit >Taiment propre au Saint-Esprit. — En quoi

consisterait alors cette présence particulière ? Petau répond

que la question n'a pas été suffisamment élucidée par les

Pères. — Ce qui est certain, ajoute-t-il, c'est que l'union du

Saint-Esprit et de l'âme juste n'aboutit ni à l'unité de

nature, ni à l'unité de personne. — Défense de la théorie

de Petau par M. Mangenot. — Réfutation de ce dernier. —

Origine de l'opinion singulière de Petau 456

 

 

 

Raisons sur lesquelles; se fonde Petau pour établir sa

théorie de l'habitation propre au Saint-Esprit. — Elles

 

 

 

492 TABLE ANALYTIQUE

 

peuvent se ramener à trois : l'Esprit-Saint est personnelle-

ment le don de Dieu, la puissance sanctificatrice, le lien

entre la Trinité et nos âmes.

 

Premier argument. L'Esprit-Saint est le don de Dieu,

c'est-à-dire que seul parmi les personnes divines, il est sus-

ceptible d'être donné. — Or cette donation n'est autre

chose qu'une mission, une habitation dans les âmes aux-

quelles il est donné, et partant un mode de présence en

elles qui lui est propre.

 

a* Arg. De plus, la vertu sanctificatrice est, au jugement

des Pères grecs, un des caractères distinctifs de l'Esprit-

Saint ; elle lui appartient aussi spécialement que la pater-

nité à la première personne^ et la filiation à la seconde. —

Gomment dès lors ne pas conclure que le Saint-Esprit doit

avoir, dans l'œuvre de notre sanctification, une part spé-

ciale que Ton ne saurait attribuer ni au Père ni au Fils ?

— Et puisque l'état de grâce et d'union est constitué par

une sorte d'application de la substance divine aux âmes

justifiées, il faut en conclure que l'Esprit-Saint leur est uni

non seulement par la nature divine qui lui est commune

avec le Père et le Fils, mais encore par ce qui lui est propre,

par son hypostase.

 

3' Arg. Suivant une expression significative employée par

l'antiquité, l'Esprit-Saint est le lien qui relie nos âmes à la

sainte Trinité. — N'est-ce pas dire clairement que notre

union à Dieu s'opère par l'intermédiaire de l'Esprit-Saint,

qu'elle se fait directement et immédiatement avec la troi-

sième personne, et, par elle, en vertu de l'identité ae na-

ture, avec les deux autres ? 462

 

 

 

VI

 

 

 

Réponse. Ad i". Il n'est pas exact de dire que le Saint-

Esprit seul est donné, et qu'il a partant avec nos âmes un

mode d'union, de présence et d'habitation qui lui soit

vraiment personnel. — Le Fils est donné, lui aussi, par le

Père, et celui-ci se donne lui-même. — Toutefois, parce

que le Saint-Esprit procède comme amour, et en qualité de

premier don, on peut légitimement lui attribuer, par ap-

 

 

 

TABLE ANALYTIQUE ^gS

 

proprîation, le grand don de Dieu aux hommes, le don de

lui-même qui accompagne la grâce, et l'habitation di\ine

qui en est la suite 465

 

 

 

VII

 

 

 

Réponse Ad 2". C'est aussi uniquement par appropria-

tion que l'Esprit-Saint est appelé la vertu sanctificatrice. —

On ne saurait, en effet, considérer la puissance de sancti-

fier et de vivifier les âmes comme une propriété de l'Esprit-

Saint, sans s'écarter de l'enseignement catholique» qui ne

reconnaît dans les trois personnes divines qu'une seule

nature, une seule puissance, une seule opération. . . 467

 

 

 

VIII

 

 

 

Réponse Ad 3". En appelant l'Esprit-Saînt le lien qui

relie nos âmes à la sainte Trinité, en disant que c'est par

lui que les deux autres personnes habitent en nous, les

Pères ne prétendaient nullement faire du Saint-Esprit l'in-

termédiaire de notre union avec les autres personnes, mais

simplement indiquer sa subordination d'origine vis-à-vis

du Père et du Fils et son mode de procession en tant

qu'amour. Ce n'était encore qu'une appropriation. . 472

 

 

 

Société Nouvelle d Impressions, 9 et H, rue des Ursulines — PARIS- V'

 

11)26

 

 

 

p. LETHIELLEUX. Éditeur, lo, rue Cassette. PARIS

 

LA GRACE ET LA GLOIRE, ou la Filiation adoptive

des enfants de Dieu étudiée dans sa réalité, ses

principes, son perfectionnement et son couron-

nement final, par le R. P. J.-B. Terrien, S. J., ancien

professeur de dogme à l'Institut Catholique de Paris. —

Deux volumes in-8° écu.

 

C'est tout plaisir pour nous de présenter aujourd'hui à nos

lecteurs dans un compte rendu détaillé le nouvel ouvrage du

Père Terrien : La Grâce et la Gloire.

 

Disons tout de suite que, s'il s'agit de la grâce, ce n'est point,

Dieu merci 1 de la grâce actuelle 1 Qu'on nous pardonne ce (( Dieu

merci I » : il échappe instinctivement à la plume du critique qui a

tremblé, un instant, devant le spectre terrifiant des éternelles

disputes sur la prédétermination physique et la science moyenne,

la grâce efficace ab intrinseco des uns et la grâce plus ou moins

« congrue » de leurs adversaires.

 

Le Père Terrien ne nous parle dans son œuvre x— car c'est là

une œuvre théologique nouvelle et de haute importance — que

de la grâce habituelle ou sanctifiante, ainsi que de son prolon-

gement, disons de sa con«ommation céleste future, dans la

lumière de gloire.

 

Toute la théorie fondamentale du surnaturel est là, et combien

ignorée ou superficiellement connue de nos catholiques contem-

porains, voire même des prêtres 1

 

Méditations pieuses, rêveries ascétiques sur la transcendance de

l'union mystique de l'âme avec Dieu?.,. Point! C'est de bonne et

forte théologie, tout simplement, et delà meilleure, de la mieux

fouillée, de la plus solidement établie et développée. Le sujet était

difficile, et, en plus d'un point, malaisé à aborder, à traiter surtout

en langage clair, tel que l'exige le tempérament de l'esprit français.

 

Le Père Terrien a triomphé de toutes les difficultés. Il fallait

jadis, pour les curieux de métaphysique surnaturelle, chercher

loin dans nos bons vieux théologiens scolastiques, plus ou moins

zélés et fidèles commentateurs de la Somme théologique, pour

arriver à pénétrer un peu les mystères de la sublime participatio

naturx divinse, qui est proprement la source, la profonde et der-

nière raison d'être actuelle, comme la consommation future et

étemelle, de tout l'ordre surnaturel. Et encore ne réussissaient-ils

qu'à soulever péniblement les premiers voiles, quand ils soule-

vaient quelque chose, dans cette chasse à la lumière en sujet si

profond.

 

Grâce au Père Terrien, nous avons, en bonne langue française,

un traité suffisamment complet, très détaillé, subtil à l'occasion

là où il doit l'être, toujours clair cependant et facile à suivre,

fortement nourri dje bons textes et de solides arguments, sur tout

ce que la théologie peut nous apprendre de la nature et des

propriétés de la grâce sanctifiante et de la gloire.

 

Concluons que ceux qui étudieront les deux volumes du Père

Terrien sauront certainement y trouver des sujets d'excellentes

instructions.

 

(Ami du Clergé,)

 

 

 

p. LETHIELLEUX. Éditeur, 10, Rue Cassette, PARIS (6-)

 

TRAITÉ DE LA VÉRITABLE ORAISON

 

D'APRÈS LES PRINCIPES DE SAINT-THOMAS

 

Par le R. P. A. MASSOULIÉ, 0. P.

 

Suivi des ÉTA TS DE L'ORAISOX

 

Par le R. P. ROUSSEAU, 0. P.

 

Nouvelle édition revue et complétée

 

Par le R P. ROUSSET, 0. P.

2 vol. in-18 de xxiv-252 et 330 pages

 

LA DOCTRINE SPIRITUELLE

 

D'APRÈS LA TRADITION ET L'ESPRIT DES SAINTS

 

1. La vie spirituelle. - II. L'union à Dieu ou la perfection spirituelle

 

Par le R. P. ROUSSET, 0. P.

 

2 vol. in-18 de xvi-350 et xii-436 pages

 

DIRECTIONS PRATIQUES

 

Dans les différents ÉTATS de L'ORAISONetdela VIE INTÉRIEURE

Par le R. P. J.-B. ROUSSEAU, 0. P.

 

Nouvelle édition revue et complétée par le R. P. ROUSSET, 0. P.

In-18 de viii-286 pages

 

TRAITÉS DE LA VIE et PERFECTION SPIRITUELLE

 

DE SAINT VINCENT FERRIER ET DU B. ALBERT LEGRAIfD

 

TRADUITS ET EXPLIQUÉS D'aPKKS LA DOCTRINE DE SAINT-THOMAS

EN RÉPONSE AUX ERR.EURS MODERNES

 

Par le R. P. M.-J. ROUSSET, 0. P.

 

I. La Vie spirituelle. - II. La perfection spirituelle.

 

2 vol. in-18 de xvi-2G0 et 290 pages

 

 

 

TRAITE DE LA VIE INTERIEURE

 

ou PETITE SOMME de THÉOLOGIE ASCÉTIQUE

 

et MYSTIQUE

 

D'APRÈS L'ESPRIT ET LES PRINCIPES DE St-THOMAS D'AQUIN

 

Par le R. P. F. MEYKARÛ, 0. P.

 

Nouvelle édition, par le R. P. Régis G. GEREST, du même ordre

 

!'• partie : THÉOLOGIE ASCÉTIQUE

 

In-8 cour, de xvi-584 pages et 6 tableaux dépliants.

 

2« partie : THÉOLOGIE MYSTIQUE

In-8 cour, de xxi-572 pages et 4 tableaux dépliants

 

 

 

n du Saint-Esprit

justes # 1023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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1H£ INSTITUTE OF WEDIAFVAL T

10 ELMSLEY PLACE

; JRONTO 5, CANADA.

 

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