400 EFFETS
DE l' HABITATION DU SAINT-ESPRIT
peine
avaient-ils achevé, que les douleurs la pri-
rent. Comme
elle poussait des gémissements, un
des geôliers lui dit : « Si tu ne peux en ce mo-
ment supporter la souffrance, que sera-ce quand
tu seras déchirée par les bêtes ? Il eût donc bien
mieux valu
sacrifier aux dieux. » A quoi cette
généreuse
femme fit cette belle réponse : « Au-
jourd'hui,
c'est moi qui souffre; mais alors il y
en aura un
autre en moi qui souffrira pour moi,
parce que moi aussi je souffrirai pour lui. »
IV
Distincts des vertus par leur mode d'agir, les
dons le sont encore par la règle qui sert de mesure
à leurs actes.
La règle des vertus acquises, c'est l'humaine
raison perfectionnée par la prudence naturelle ;
celle des vertus infuses, la raison éclairée par la
foi et dirigée par la prudence surnaturelle ; voilà
pourquoi la vertu est définie : une habitude qui
nous incline à vivre avec droiture suivant la règle
de la raison : qua recte vivitur secundum régulant
raiionis^.
Quant aux dons du Saint-Esprit, ces
perfections
plus hautes, alliores perfecliones^, que
Dieu nous
donne en vue de sa motion, in ordine
ad motionem
ipsius', leurs actes n'ont d'autre
1. S. Th.,
I' Uae, q. lxtiii, a. i» ad 3.
2. Ibid.,
in corp. art.
3. Ibid..
ad 3.
LES DONS DU
SAINT-ESPRIT 4oi
règle que l'inspiration divine et la sagesse de
Celui qui est l'Esprit de vérité i.
Aussi n'est-il pas rare « que l'inspiration divine
pousse l'homme à des œuvres qui dépassent les
limites ordinaires de la raison, même éclairée
par la foi. Ces œuvres sont bonnes d'une bonté
supérieure ; elles ne sont pas téméraires parce
qu'elles
ont Dieu lui-même pour conseiller et
pour
soutien; elles sont justifiées par cette raison
supérieure que Dieu, quand il agit ainsi, n'est
pas obligé de se tenir dans les limites que l'im-
perfection
naturelle de l'homme oblige celui-ci
à
respecter. Par toutes ces raisons elles satisfont
plus qu'il
n'est absolument nécessaire aux don-
nées de la
prudence. Néanmoins la prudence
ordinaire, même chrétienne, n'autoriserait pas à
les entreprendre ni à les conseiller. C'est dans
ces œuvres
surtout que les dons du Saint-Esprit
sont mis
enjeu». »
Ainsi quand sainte Dorothée, conduite au sup-
plice et interpellée par un avocat du nom de
Théophile qui, l'ayant entendue parler du para-
dis de son époux, lui dit par raillerie : o Allons,
épouse du Christ, envoie-moi du paradis de ton
époux des fleurs ou des roses » , répondit à l'ins-
tant : « Certainement je le ferai », d'où lui
I. « Cum dona sint ad operandum supra humanum mo-
dum, oportet quod donorum operationes mensurentur ex
altéra régula humanae virtutis, quae est ipsa Divinitas ab
homine participata suo modo, ut jam non humanitus, sed
quasi Deus factus participatione, operetur. » (S. Th., 111
Sent.,
dist. xxxiv, q. i, a. 3.)
a. L'Ami da Clergé, an. 1893, p. 891.
lAB.
SAINT-BSPRIT.
402 EFFETS
©E L'haBITATION IW SAJNl-ESPllIT
venait une
pareille assurance? Aurait-elle pEiPlé
de la sorte, en se conformant aux lois de la ,pru-
denoe chrétienne? Ne s'exposait-elle pajs ou à
tenter Dieu en comptant sur u© Miiracle qu'il
n'était pas tenu d'opérer, ou à jeter le discrédit
sur la religion cla<rétienne, si la prcMnesse qu'elle
venait de faire ne se réalisait pas? Et pour.taiut
la jeune
vierge répond sans hésitation : « Certai-
nement je le ferai : Plane hoc faoiam. » Et l'évé-
nement lui
donne promptement oraison. C'est
que
l'Esprit-Saint lui avait suggéré sa réponse,
^t, sans
hésiter, sans réfléekir davantage, elle
avait obéi
docilement à l'inspiratkm divine, selon
ceftte
parole du prophète : (( Le SeÂgneur m'a
ouvert
l'oreille pour me faire entendre sa voix ;
quoi qu'il !!^e dise, je ne résiste point; quelque
-difficulté qui se présente^ je ne retourne pas en
arrière i. »
De même, quand le bienheurenax Henri Suso,
de l'Ordre de Saint-Dominique, gravait profon-
dément sur sa poitriine le nom de Jésfus ^t se
livrait à des macérations qui révoltent notre déli-
catesse; quand sainte ApoUonie, menacée paj
les païens d'être brûlée vive si eile ne renonçait
à
Jésus-Christ, prévenait ses bofurreaux et se
}€^tait
elle-même dans les flaratmes ; quand les
stylites et
tant d'autres saints embrassaient un
genre de vie qui semblait un perpétuel défi jeté à
la nature, se oonduisaient^ls sekm les régies de
I . « Dominas Deus aperuit mihi auarem, ego autem non
•contradico : retrorsum non abii. » (Ts., l, 5.)
EEs. DOKs DU SitiWTHESPmarr 4o3
fe pmdeTiee' ckréfcnnie? Evideirmient non. Et
pourtamlj
les' nMra(5l»es opérés en Gonfirmation dé
leur
sainteté sonit là poiïr nsous; prouver ^'ils
avaient, en
agissant die- la sortevobéi à une impul-
sion
divine. Tous ces héroïsnnes die foi, de dou;-
ceur, de force, de patience, de chairité, domt
l'hagiographie chrétienne' contieiat l'émouvant
réerb ; les œuvres extraoaîdinaires enifereprises poxiT
la gloire de Diieu ou le salut, du piochain ; les
manifestations
les plus, hautes et les plms exeelt-
len^es de k vi^e spirituelle, n-e sont autre chiose
que les effëfe des dons dju Safet-Espirit. Paartant
d'un principe supérieur aux vertlus, quoi dj'éton"-
nant qu'ils
en dépassent lîa mesure ?
Voilà pourquoi certains théologiens disent que
les dons sont des perfections qui disposent
l'hoMiime à des a^ctes plus relevés, plus excellients,
que ne le sont général^ement les actes des vertus :
Ei hoc est quod quidam diemni quod doua perfi-
eiuùnt
hominem ad aitiores mcias qaam sint actus
mrtutum^.
Et, loin d'improtjver cette opinion,
sain*
Thoîna^is déclare, dans; un autre; passage,
que c'est celle qui paraît la plus conforme à la
vérité : Et hœc opinic inier omnves ver a videtur^.
Est-ce à èire que tes donsr aisent un objet dis-
tiiict de celui des vertus, et qu'ils n^enlrent en
e>tercice que lorsqu'il s'agit d'œuvres héroïques
ou ext^^ao^dîn^ires? S'il en était ainsi, ils ne
con-Adendraient
pour ainisi dire qu'aux grands?
saints, aux
apôtres, aux martyrs, auit âmes géni-
I. S. Th.,
I' Ilae, q. lxviii, a. i.
a. S. Th.,
III Sent., ô.\?,i. îxxiv, q. i,. a. r*
Ixolx
EFFETS DE l'haBITATION DU SAJNT-ESPRIT
reuses
prêtes à tous les sacrifices pour avancer
dans le
chemin de la perfection, tandis qu'ils
seraient à
peu près inutiles à l'immense multi-
tude des chrétiens qui vivent dans la justice
sans faire
une action éclatante. Combien, en
effet, se sauvent par la simple pratique des com-
mandements et par les œuvres ordinaires de la
vie chrétienne ! A quoi bon dès lors des habitas
n'ayant à s'exercer que rarement, dans des cas
exceptionnels, et qui demeureraient le plus sou-
vent à l'état de forces dormantes et oisives?
Or, c'est
l'enseignement unanime des Docteurs
et des maîtres de la vie spirituelle que les dons
du
Saint-Esprit sont le lot commun de tous les
justes,
sans en excepter les plus humbles ; et
saint Thomas les déclare nécessaires au salut ^
Comment, dès lors, ne pas reconnaître que si
les actes héroïques et les œuvres éminentes de
la sainteté
parfaite constituent le domaine prin-
cipal des
dons, ils ne sauraient cependant être
considérés
comme leur objet adéquat et comme la
limite
extrême de leur sphère d'influence? Aussi,
tout en
concédant que « les dons surpassent la
perfection
commune des vertus, le saint Doc-
teur fait observer que ce n'est point quant au
genre des oeuvres, à la façon dont les conseils
l'emportent sur les préceptes, mais quant au
mode d'opérer, en ce qu'ils disposent l'homme à
recevoir la motion d'un agent supérieur : Dona
excédant commanem perfectionem virtatam, non
qaantam ad gênas operum, eo modo quo consilia
I. S. Th.,
I' II", q. Lxviii. a. a.
LES DONS DU
SAINT-ESPRIT 4o5
praecedunt
prsecepta, sed quantum ad modum ope-
randi,
secundum quod movetur homo ah altiori prin-
cipio*. »
On ne
pourrait donc, sans s'écarter de la pen-
sée du
prince de la théologie, assigner aux vertus
et aux dons des domaines complètement séparés,
réserver à ceux-ci un genre d'oeuvres spéciales
qui surpasseraient en perfection l'objet matériel
de celles-là.. 11 n'est, au contraire, aucune ma-
tière des vertus sur laquelle l'un ou l'autre don
ne puisse être appelé à exercer à un moment
donné son
mode suréminent d'opération ', de
même qu'il n'est pas de forces ou facultés humaines
susceptibles d'être le principe d'actes humains,
qui ne soient aptes à être actionnées par l'Esprit-
Saint et perfectionnées par ses dons 3. Bref, le
champ
d'opération des dons s'étend aussi loin
que celui des vertus ; mais si les uns et les
autres ont
une même matière, ils se différencient
néanmoins,
comme nous l'avons dit, et par leur
mode d'agir et par la règle qui sert de mesure
à leurs actes ; c'est j>ourquoi leur objet formel
n'est pas
le même.
1. S. Th.,
l' II", q. Lxvin, a. 2, ad i.
a. « Cum donum elevet ad operationem quae est supra
humanum modum, oportet quod circa materias omnium
virtutum
sit aliquod donum quod habeat aliquem mo
dum
excellentem in materia illa. » (S. Th., III Sent., dist.
XXXIV, q. I, a. a.)
3. « In omnibus viribus hominis, quae possunt esse
principia
humanorum actuum, sicut sunt virtutes, ita
etiam sunt
dona, scilicet in ratione pt in vi appetitiva. »
(S. Th.,
I" Ilae, q. Lxvin, a. 4.)
4o6 EFFETS
DE l'haBITATION DU SAINT-ESPRIT
Les
considérations qui précèdent sur la nature
et fei
distinction des dons et des vertus ont déjà
fait
clairement pressentir leur rôle respectif dans
réconomie
surnaturelle. La question toutefois
n'avait pas
été jusqu'ici abordée directement ; le
moment est venu de le faire et de rechercher
quel est ce rôle. Au jugement de Tangélique
Docteur, il consisterait pour l'es vertus à iTiettre
nos puissances appétitîves en état d^obéir promp-
tement à la raison, et pour les dons à disposer
le juste à suivre docilement les inspirations de
TEsprit-Saint : Virlafes morales habitas quidam
sani,
quitus vires appetilivae disponuntur ad prompte
ohediendum rationî. . . Dona Spirilus Sancti sunl qui-
dam habitus quibus homo perficitur ad prompte
obediendiim Splrllui Sancio^.
Réduite à ces termes et envisagée seulement
dans ses grandes lignes, la doctrine relative aux
fonctions particulières des vertus et des dons
rallie facilement tous les suffrages ; mais sitôt
qu'il s'agit de préciser davantage, l'accord s'éva-
nouit et les opinions appraraissent.
Ainsi certains théologiens prétendent que les
vertus disposent uniquement à obéir à la raison,
« à a^ir en conformité avec elle, et non à suivre
I. S. Th.,
!• Ilae, q. lxviii, a. 3
iLBS B0fiS
DU SAINT-EEPBIT I^OJ
i'inspiratioja divine i » ; le rôle >des 4Gns serait de
perfectionner
rhomme « en .tocBt ce qoa'.il doit
ffaire sous
l'impulsion, sons rdnspii\ation de
l'Esprit-Saint
' ». Et ^comniîe il n'iest aucune
raction de
la crëasture (m la naotion .divine ne soit
associée à l'aotivité humaine, ils eu €on€luen<t
que vertus et dons ^întrent en exercice chez les
justes dans tous et chacun des actes de leur vie
surnaturelle. Voici conament ils raisonnent .:
M Les
vertus di6»j>osejQ't l'iiomme à suivre l'im-
pulsion de la droite raison ; les dons le dispo-
iseBbt à suivre celle de Dieu ou de i'Esprit-Saint.
Or cette
double impulsion est néoessaire dans les
aotes orrdio>aires >des vertus, depms les plus éle-
vés
jusqu'aux plus infimes 3. » Il faut doûc
reconnaitre
en tout acie surnaturel même faoile
l'exercice des vertus et des dons.
Saint
Thomas entend les choses différem.ment.
A' son
avis, >tout (en .ayant pour oiïîae de pirépa-
rer l'âme à suivre sans résistance le mouvement
«t la direcitioia de la raison, les vertus la dispo-
sent encore, par voie de conséquence, à suivre
l'impulsion
divine, au moins cette impulsion
Ki^rdinaire et commune que Dieu ne refuse à
aucune créature désireuse d'utiliser et de mettre
.en oeuvre les principes d'activité résidant en elle.
Car, suivant la remarque du saint Docteur, par
le fait même qiue Thomme est bien disposé au
regard de sa propre raison, il l'est également par
1. L'Ami du Clergé, n. dia ag décembre «ïSgS, p.. ii64.
2. Ibid.,
p. 1 166.
3. L'Ami du
CHergé, n. du i*' septemTare 1898 , p. 774.
4o8 EFFETS
DE l'haBITATION DU SAINT-ESPRIT
rapport à Dieu : Quia per hoc quod komo bene se
habei circa rationem propriam, disponitur ad hoc
qaod se
bene habeat in ordine ad Deum ' . Quant
aux dons,
leur fonction propre, leur rôle parti-
culier est de préparer celui qui les possède à
recevoir
d'une façon connaturelle non pas toute
espèce de
motion divine, mais seulement cer-
taines
impulsions spéciales désignées sous le
nom
d'inspirations, d'instincts de l'Esprit-Saint,
et de faire
accomplir à l'homme des actes qui
sortent de l'ordinaire, sinon par leur objet ma-
tériel, au moins par leur mode de production et
par la norme qui leur sert de mesure : Dona sunt
qusedam perfectiones hominis, quibus homo dispo-
nitur ad
hoc quod bene sequatur instinctum Spiritus
Sancii^. — Cum dona sinl ad operandum supra
HUMANUM MODUM, oportct quod donorum operationes
mensurentur ex altéra régula quam sit régula
humanas virtutis, quae est ipsa Divinitas participata
suo modo^.
Pour mettre
cette vérité dans tout son jour, il
ne sera pas hors de propos de rappeler qu'on
peut
distinguer une triple motion divine : la pre-
mière, proportionnée à la nature, et donnée en
vue
d'opérations naturelles ; c'est la motion par
laquelle
Dieu opère en tout agent naturel ou
libre, qua Deus operatur in omni opérante, en qua-
lité de
cause première, et dont saint Thomas
I. S. Th.,
!• II", q. XXXIV, a. 8, ad a.
a. S. Th.,
I' II", q. lxviii, a. 3.
3. S. Th.,
III Sent., dist. xxxiv, q. i, a. 3.
LES DONS DU
SAINT-ESPRIT ^0^
prouve la nécessité dans la Somme théologique
(I p., q. io5, a. 5).
La seconde, d'ordre surnaturel et proportionnée
à la grâce, nous est octroyée par Dieu pour nous
faire accomplir des œuvres salutaires; car, si
parfaite que soit ou que l'on suppose une créa-
ture, quand même elle posséderait à un degré
éminent la grâce sanctifiante et les vertus infuses,
elle est incapable de passer de la puissance à
l'acte, sinon par la vertu de la motion divine,
motion qui ne se distingue pas ici de la grâce
actuelle :
Nulla res creata potest in quemcumque
actum
prodire, nisi virfate motionis divinae^.
La
troisième enfin est une motion toute spéciale
sous
rinfluence de laquelle l'homme est plutôt
passif qu'actif, magis agitur quam agaty suivant
cette parole de l'Apôtre : « Tous ceux qui sont
mus et
actionnés par l'Esprit-Saint, ceux-là sont
les enfants de Dieu : Quicumque Spirita Dei agun-
tur, a sunt filii Dei^. » Sur quoi saint Thomas fait
observer que, « être mû ou actionné, c'est être
mis en mouvement par une sorte d'instinct supé-
rieur : nia enim agi dicuniur, quse quodam saperiori
instinctu
moveniar. Aussi dit-on des animaux non
pas qu'ils
agissent, comme s'ils se portaient à
Faction de
leur propre mouvement, mais qu'ils
y sont
poussés par l'instinct de la nature : Unde
de brûlis dicimus quod non agunt, sed aguntur, quia
a natura moveniur, et non ex proprio motu, ad suas
actiones agendas. Or, quelque chose d'analogue se
I. S. Th.,
!• n*% q. cix, a. 9.
9. Rom.,
Yiii, i4.
4lO EFFETS
DE l'hABITATION DU SAINT-ESPRIT
passe dans
rhomme spirituel qui est irrcKné à'
certains
actes non par le mouvement de so-n libre
arbitre principalemeni, mais par rEsprit-Saint :
Simiîiter autem homo spirituails non quasi ex mota
propriœ volantatis principaliter, sed ex instinctu
Spiriius
Sanctï incUnaiur ad aliquid^. »
Et de peur qn^^on abusai: de la comparaison
qu'il'
vient d'apporter, l'angéTique Docteur s'em-
presse d^ ajouter que cette impul'sion de TEsprit-
Saint
n'exclut nullement dans fes justes la spon-
tanéité, voire même la liberté de leurs a«tesv
mais elle est Tindice que Te mouvement même de-
leur volonté et de leur libre arbitre est carrsépar
le
Saint-Esprit, suivant cette parole de TApôtre :
Cest Dieu
qui opère en nous le vouloir et le parfaire.
— Non^
iamen per hoc exchiditnv quin viri spirili^eh
les per volantaiem et liberum arhïirium operentar,
quia ipsum niotum voluntrttis et Uberi arbitrii Spiri-
ius Sanctus
in eis causât, seaundum illuê PhMip,
II, i3 r
Deus est qui operaiur in nobis veïïe et per^
ftcere^.
Le premier
genre de motion divine acl^onne
nos forces
naturelles, soil setrles, soit perfection-
nées par
l'es vertus acquises', et devient avec elles
le principe
d'actes moralement bons. Le second
met en
exercice fes vertus iTafuaes, et nows fait
accompKr des actes sumatharePs, ceux dui m'oins
où se conserse notre mode naturel d'agir. Quant
au
troisième, il est propre aux dons, et c'est tou-
jours une
impulsion spéciale ayant pour term^^
S. Th., in
Rom. viii, i4, lèct. 3.
Ibid
LES DO^^S DU SAJNT-ESPHIT 4ll
4des œuvres suréminentes par quelque ,endroit,
cam donum elevet ad operaiionem quœ est supra
hunuinum modum V, des œuvres où l'âme humaine
opère comme
instrument de l'Esprit-Saint, ^et se
trouve dès
lors plutôt passive qu'active : In donis
Spirilus Sancti mens humananonse habetutmovens,
sedmagis ut mota^.
Dans les deux premiers cas, la motion divine
se dissimule en quelque sorte derrière nos facul-
tés, dont
elle provoque l'exercice, tout en respec-
tant leur
jeu normal. Suivant l'h-eureose expres-
sion du
pape Pie VI dans la huMe Aixciorem fidei^
elle nous
fait fair« les actes auxquels nous nous
sommes
librement déterminas : facit ut facia-
mus^.
G'es.t la motion ordinaire et commune sous
l'influence
de laquelle s'accompli&sent les actes
émanés des
vertus.
Très
différente est la motion propre aux dons,.
Celle-ci,
en effet, prévient nos délibérations,
devance nos jugements^ et nous porte d'une façon
pour ainsi dire instinctive à des œuvres aux-
quelles nous n'avions pas songé et que l'on peut
vraiment appeler surbupiaines^ soit parce qu'elles
dépassent nos forces, soit parce qu'elles se pro-
duisent en
dehors du mode et des procédés ordi-
naires de la nature et de la grâce. C'est l'impul-
?ion venant
de Dieu comme agent supérieur, .sic a^
a quadam superiori potentia^t et qui, pour être
1. S. Th.,
III Sent., dist. xxxiv, q. i, a. a.
2. S. Th.,
IV II-, q. LU, a. 2, ad i.
3. Bulle
Auctorem fidei, prop. ai.
4. S. Th.,
I' II", q. Lxviii, a. 4.
4l2 EFFETS
DE l' HABITATION DU SAINT-ESPRIT
bien reçue,
exige des dispositions toutes spé-
ciales.
On comprend
en effet que, pour préparer l'âme
à suivre
promptement ces impulsions extraordi-
naires par
lesquelles TEsprit-Saint pousse les
âmes à des actes qui relèvent de lui principale-
ment et qui se produisent en dehors des règles
communes, des perfections particulières, supé-
rieures aux vertus, aliiores perfectiones '^ , les dons,
en un mot,
soient ici nécessaires. Ne faut-il pas
que le mobile se trouve dans un rapport harmo-
nieux avec
son moteur? Manifestum est quod ad
altlorem motorem oportet majori perfectione mobile
esse dispositum^. Mais quand il s'agit d'œuvres
ordinaires et communes, auxquelles l'homme se
porte de lui-même, de son propre mouvement,
comment ne
pas admettre avec saint Thomas que
la même habitude qui incline la volonté à suivre
l'impulsion de la droite raison la dispose pareil-
lement à recevoir la motion divine : par exemple,
que la même vertu de force ou de tempérance
qui assouplit notre volonté au joug et à l'empire
de la raison la rend en même temps docile à la
motion
divine, Tinclinant à en faire les actes
dans les circonstances ordinaires de la vie?
N'est-ce pas de l'essence même de ïhabitus
opératif de disposer à l'acte la puissance qu'il
perfectionne, en sorte qu'il dépend de la volonté
d'en user à
son gré, suivant cette parole de saint
Thomas : Habitas est quo guis atitur cum volae-
1. S. Th.,
1» II", q. Lxviii, a. I.
a. [bid.,
a. 8.
LES DONS DU
SAINT-ESPRIT 4l3
rit*? Aussi, quiconque possède une habitude
bonne, non
seulement le juste en qui se rencon-
trent, avec
les vertus infuses, les dons du Saint-
Esprit, mais le pécheur lui-même, celui du moins
qui a conservé la foi et l'espérance, peut en faire
les actes quand il le juge à propos, et d'une
façon
connaturelle, même en l'absence des dons.
S'il en
était autrement, si c'était pour préparer
Famé juste
à recevoir fidèlement la motion divine
en tout ce
qui est du domaine surnaturel que les
dons sont
ordonnés, on ne voit pas pourquoi il
n'y aurait
pas également, dans l'ordre purement
naturel,
des perfections analogues aux dons du
Saint-Esprit
et destinées à nous rendre dociles à
la motion
divine, de même qu'il y a des vertus
acquises qui disposent les facultés appétitives à
obéir à la raison ; car enfin, dans l'ordre de la
nature comme dans celui de la grâce, nous obéis-
sons à un double
moteur : la raison et Dieu. Or,
nul n'a jamais parlé, que nous sachions, de ces
sortes de perfections.
Concluons donc que Dieu nous meut et par les
vertus et par les dons, mais diversement : d'une
manière conforme à notre nature par les vertus,
d'une façon supérieure par les dons : Virtates
perficiunt ad actus modo humano, sed dona ultra
humanum modum*. Tant qu'il s'agit d'opérer le
bien d'une
manière humaine, conformément aux
procédés et aux règles ordinaires de la nature et
de la
grâce, l'action des dons n'est point requise.
1. S. Th.,
I' II-, q. L, a. 5.
a. S. Th.,
III Sent., dist. xxxiv, q. i. a. i.
4 14 EFFETS
DE L HABITATION BU iSAlNff-ESPRIT
les vertus
.suffisent : les yeilus acquises, s'il est
que&tion
d'une œuvre rmoralement bonne de
l'ordre
jntaturel ; les vertus chrétienneB ou infuses.,
s'il s'agit
d'ujî acte salutaire. Ce n'est que dans
les (cas où riianime -doit se conduire d'une ffaooin
su^périeure .au mode ordinaire, pratiquer la vertu
à un degré héroïque ou dans des tconjoncLures
papticulièrement difficiles ; ou encore lorsqu'il
s'agit de correspondre comn^e u-q ijasftrument
libre mais docile à quelqu'une de oes imf>^ulsions
daisolites qui procèdent de Dieu en tanit.q.u' agent
supérieur, secundam quod movetur homo ab uUiori
principio'^, que les dons deviennedat néoessaii^es et
entrent en
exercice.
Une
comparaison achèvera d'éclaircir notre
pensée. Qu'un Lacojdaire ou ^u^n Montalembert,
se faisant maitres d'école^ s'abaissent jusqu'à
apprendre VA, 6, c à des enfants, faudra-t-il q^ue
ceux-ci
ajient reçu une préparation spéciale pour
être en état de suivi'e leurs leçons? N^ullement.
Dès là que ces illustres maîtires., f&i fort au-dessus
d'un pédagogue ordinaire, fie bornent à enseigner
les rudiments de la laja^gue, tout le mtonde peut
les comprendre. Il en irait .autrement si, au lieu
de distribuer à leuir jeune .auditoire un enseigine-
•ment
élémentaire., ces gjrands orateurs préten-
<iaient
l'initier à tous les eeerets de l'éloqueflvoe 2.
1. S. Th.,
1*11", q. Lxviii, a. a, ad i.
2. Voir sur
cette question un article paru dans la Revue
thomiste, n° de novembre 1899, sous ce titre : Les dons du
Saint-Esprit,
leur nature, leur rôle, leur -actiûn cUms da vie
chrétienne.
LES BONS' DU SAEHTJ-SSPRBr' 4l5»
VI
Si tel est le rôle des dons, si leur but propre e*.
spécial est de nous préparer à suiATe docilement
les
inspirations divines, les impulsions spéciales
et
extraordiTiaires d'eFEsprit-Saint dans tes choses
oii la
motion de la raison est in suffi sainte, com-
ment
prétendre qu'ils sont nécessaires au salut ?^
CoQiment
démontrer que Ites fidèles, dont la> vie
se meut
dans l'orbitte' d'une vertu commune, owt
vraiment?
besoin des dons pour atteindire leur te
dernière? Il semble que, avec les vertiïs théo]vi>-
gales qui
les disposent bien paor rapport aux
choses
divines, avec les> vertus morales infuses
qui
prod'uisent un efifët semblable am regard des^
choses
humaine», ils possèdent tout ce* qm est
requis pour parvenir au salut. Ils connaissent lie-
terme vers
lequel ils doivent orienter leur vie,
ils ont des
forces surnaturelles pouT y tendare,
que faut-il
dfe plus ? La» motion speci^lfe' et la di-
rection de
celui àa^mï parliait le Psatmiste quand
iî disait :
« Votre Esprit qui est bon, ô Seigneurr,
me conduira
dans la terre de la véritable recti-
tude 1 )) .
Nul, en effet, ne peut parveiîDir à Théri-
tage de la
patrie céleste &'il' n'est dî<rigé et conxi^uiït:
par r
Esprit-Saint : Qmœ saMicet irv kœredîtaiem Wmsr-
I . «
Spiritus tuus bonus deducet me in terram reetam. )>■
(Ps. CXLTl,
lO.)
4l6 EFFETS
DE l'hABITATION DU SAINT-ESPRIT
terrœ
heatorum nullus potesi pervenire nisi moveaiur
et deducalur a Spiritu Sancto ' .
Si l'homme n'avait d'autre fin que celle qui
répond aux exigences de sa nature, il pourrait,
avec ses énergies natives et le secours ordinaire
que la Providence ne refuse jamais aux causes
secondes pour l'exercice de leur activité, s'ache-
miner de lui-même vers le terme de ses destinées.
Que si cependant Dieu daignait venir encore à
son aide
par une motion et une impulsion spé-
ciale, per
specialem insiincium 2, ce serait l'effet
d'une bonté
vraiment surabondante qui va volon-
tiers au
delà du nécessaire, et non le signe d'un
besoin auquel il est indispensable de pourvoir : Si
tamen etiam
in hoc homo adjuvetur a Deo per spe-
cialem insiincium, hoc eril superabundantis bonila-
tis^. Mais parce qu'il a plu à Dieu de nous appeler
à une fin qui surpasse absolument les forces et
les exigences de la nature, et que la raison même
perfectionnée par la foi et les autres vertus théo-
logales est incapable de nous conduire à ce bien-
heureux
terme, il nous faut la direction d'un
guide plus
écJairé, l'assistance d'un moteur plus
puissant,
et comme conséquence les dons divins
qui ont
précisément pour but de nous rendre
souples et
dociles aux inspirations d'en haut : Sed
in ordine
ad finem ullimum supernaturalem... non
sufficil
ipsa motio raiionis, nisi adsit inslinctus et
moiio
Spiritus Sancti... El ideo ad illum finem con-
I. S. Th..
I* n-, q. XLViii, a. a.
«. Ibid.
3. Ibid.
LES DONS DU
SAINT-ESPRIT /jiy
sequendum necessarium est homini habere donum
Spiritas Sancti^.
D'où provient cette impuissance de la raison?
De la possession défectueuse des vertus théolo-
gales qui caractérise l'état de voie, et de l'insuffi-
sance des vertus morales pour résister en toute
occurrence aux attaques parfois si soudaines et si
vives du démon, du monde et de la chair.
Quiconque,
en effet, remarque saint Thomas,
possède
parfaitement une nature, une forme, une
vertu, bref, un principe quelconque d'opération,
peut, avec la motion ordinaire de Dieu qui opère
intérieurement
en tout agent naturel ou libre,
agir par lui-même dans cette sphère ; mais celui
qui ne
possède qu'imparfaitement une source
d'activité
ne se suffit pas pour agir, il a besoin
d'un
secours étranger, d'une direction, d'une
motion
spéciale \ Ainsi un étudiant en médecine,
un interne des hôpitaux qui n'est pas encore
pleinement
instruit, ne se hasarde point, s'il est
prudent, à
entreprendre seul et sans l'assistance
de son
maître une opération délicate et pouvant
entraîner
de graves conséquences, tandis qu'un
médecin ou
un chirurgien en titre, dès là qu'il
possède
pleinement son art, peut opérer par lui-
1. S. Th.,
I" II", q. Lxvm, a. a. ,
2. « Manifestum est quod unumquodque quod perfecte
habet naturam, vel formam aliquam, aut virtutem, potest
per se secundum illam operari, non tamen exclusa opera-
tione Dei, qui in omni natura et voluntate interius opera-
lur ; sed id quod imperfecte habet naturam aUquam, vel
formam, aut
virtutem, non potest per se operari, nisi ab
talero
moveatur. » (S. Th., I» II**, q. lxvui, a. 2.)
HAB.
SAIMT-StPIllT. — 93
4l8 EFFETS
DE L'HABÎtAtlON DÛ SAINT-ESPRIT
même, sans
avoir besoiù de direction ou d'assis-
tance i. Un
capitaine de vaisseau, voyageant dans
des parages
inconnus, ne s'aventure point à vou-
loir pénétrer de lui-même dans un port d'accès
difficile
et dangereux, mais il fait monter à son
bord un
pilote expérimenté et connaissant bien
les passes
qui donnent etitrée dans la rade.
Or, telle
est précisément la condition actuelle
de l'homme par rapport à sa fin ultime surnatu-
relle. Ne
possédant qu'à l'état imparfait les prin-
cipes des opéraUjns surnaturelles, c'est-à-dire les
vertus
chrétiennes, et notamment les trois vertus
théologales
— car ce n'est qu'imparfaitement que
nous
connaissons et que nous aimons Dieu — il
est hors d'état
de pouvoir parvenir au port du
salut sans
un secours spécial, sans une impulsion
et une
assistance particulières de l'Esprit-Saint. In
ordine
adfinem ulUmtimsupernataralem..., non saf-
ficii ipsà
motio ralionis, nisi demper adsit inslinclus
et motio
Spiritus Sancti. . ; quia scilicet in hœreditatem
illias
terrœ beatôrutn nûllas potest pervenire nisi
moveatur et
deducatur a Spirita Sancto. Et parce
que cette impulsion divine spéciale est néces-
saire, nécessaires conséquemment sont les dons
qui disposent à la recevoir. Et ideo ad illum jlnem
conseqaendum necessarium est homini liabere donum
Spiritus Sancti^,
1. « Medicus qui perfecte riovît artem medicinôe, pôlest
per se operari ; sed discipulus ejus, qui nondam est plene
instruclus,
non potest per se operari, nisi ab eo instruatur. »
(Ibid.)
a. S. Th.,
I' ÏI", q. Lxvni, a. a.
LES DONS DU, SAÏNT-ESPIUT ^IQ
Ce n'est pas que, même dans l'ordre de la
grâce,
l'homme soit incapable d'agir par lui-
même et de
son propre mouvement, en toute
rencontre. En tant qu'informée, quoique d'une
façon défeçtueu^^, par les vertus théologales, sa
raison peut bien, il est vrai, lui permettre d'ac-
complir, avec le secours ordinaire de la grâce,
plus d'un acte salutaire ; elle peut commencer à
l'acheminer
vers les rivages éternels; mais parce
q,u'il
n'est en son pouvoir ni de connaître tout
ce qu'il importerait de savoir, ni d'accomplir
tout ce qu'il serait utile ou nécessaire de faire ^ ;
parce qu'elle ne possède, dans les vertus acquises
ou infuses, qu'un remède insufii^ant contre l'igno-
rance, l'hébétude, la dureté de cœur et les autres
misères de notre nature, elle n'est pas en mesure
de surmonter efficacement tous les obstacles, de
vaincre toutes les difficultés qui peuvent sç ren-
contrer, et de nous conduire définitivement au
ciel sans
une assistance spéciale, et partant sans
les dons du
Saint-Esprit.
Que de
fois, en effet, dans le cours de son exis-
tence, un chrétien se trouve en face de certaines
éventualités graves, de résolutions importantes à
prendre, d'un choix de vie à faire, de la conduite
à tenir en
telle ou telle occurrence, sans qu'il
puisse savoir au juste ce qui est expédient pour
son éternité ! Il est donc nécessaire que celui qui
I. « Rationi humanse non sunt omnia cognita neque
omnia possibilia, sive accipiatur ut perfecta perfectione
naturaU, sive accipiatur ut perfecta theologici^ yirtutibus,
»
(U)ia.. ^d 3.)
420 EFFETS DE l'haBITATION DU SAINT-ESPRIT
sait tout et qui peut tout se charge lui-même de
nous diriger et de nous protéger i.
En outre, le salut exige parfois des œuvres dif-
ficiles.
C'est un fonctionnaire qui ne peut rem-
plir ses devoirs religieux sans être mal vu de ses
chefs et s'exposer à encourir leur disgrâce. S'il
était seul,
il affronterait plus courageusement le
danger ;
mais il est chargé de famille, et sa
fonction
est son unique ressource. Ce sont des
époux qui, pour ne pas se laisser aller à la dérive
et entraîner par le courant qui en emporte tant
d'autres,
ont besoin d'une énergie peu commune
pour être
fidèles jusqu'au bout aux graves devoirs
qu'impose
le mariage. Même en supposant que
ces chrétiens possèdent avec la grâce, l'un la vertu
de force, les autres la chasteté conjugale, souvent
leur vertu
est faible et leur force chancelante.
Où trouver
le secours spécial, le surcroît d'éner-
gie nécessaire dans des conjonctures si critiques,
sinon dans
une prière incessante et les dons du
Saint-Esprit?
En effet, le don de force est là pour
perfectionner la vertu qui porte son nom ; et
celui de crainte viendra fort à propos au secours
de la chasteté conjugale pour lui faciliter son
triomphe en
inspirant aux époux une sainte
horreur pour le péché. Voilà pourquoi saint Tho-
I. « Propter varios rerum eventus. et quia nos ipsos non
perfecte
cognoscimus, non possumus ad plénum scire quid
nobis expédiât, secundum illud Sap. ix, i4 : Cogitationes
mortalium timidœ, et incertœ providentiœ nostrœ. Et ideo
necesse est nobis ut a Deo dirigamur et protegamur, qui
omnia novit et omnia potest. » (S. Th., I' U", q. cix, a. 9 )
LES DONS DU
SAINT-ESPRIT 421
mas nous dit, à la suite de saint Grégoire le
Grand, que les dons sont conférés pour venir en
aide aux vertus, in adjutorium virtutum^.
Quoique inférieurs en excellence aux vertus
théologales qui nous unissent directement à
Dieu, les
dons leur prêtent néanmoins un utile
concours :
ils avivent notre foi, animent notre
espérance,
enflamment notre charité, nous don-
nent le
goût de Dieu et des choses divines Ils
sont surtout les auxiliaires précieux des vertus
morales,
dont ils perfectionnent l'action, sup-
pléant même au besoin à leur impuissance : Dona
dantur in
adjutorium virtuium contra defectus ; et
sic videtur
quod perjiciant illud quod virtutes per-
fîcere non
possunt^, La prudence reçoit du don de
conseil les lumières qui lui manquent; la justice,
qui rend à chacun ce qui lui est dû, est perfec-
tionnée par le don de piété, qui nous inspire
des sentiments de tendresse filiale pour Dieu et
nous donne des entrailles de miséricorde pour
nos frères. Le don de force nous fait surmonter
avec intrépidité tous les obstacles qui pourraient
nous
détourner du bien, il nous affermit contre
l'horreur
des difficultés, et nous inspire le cou-
rage
nécessaire pour entreprendre les plus rudes
travaux.
Enfin, le don de crainte soutient la
vertu de tempérance contre les rudes assauts de
la chair
révoltée. Une action plus énergique, de
plus
héroïques efforts dans la pratique du bien,
I. S. Th.,
in Is. xi, a.
a. S. Th.,
I' II", q. lxviii, a. 8, arg. Sed contra.
42.2 EFFETS DE L HABITATION? DU SAINT-ESPRIT
ti'ls sont
les effets des dons du Saint-Esprit. Par
eux, l'âme que les vertus infuses avaient déjà
mise en possession de la sainteté commune et
rendue capable d'accomplir les œuvres ordinaires
de la vie chrétienne, sélève facilement jusqu'aux
plus hautes cimes de la perfection. De là ces
paroles de Tangélique Docteur : « Les dons per-
fectionnent
les vertus en les élevant au-dessus du
mode humain : Dona perficiunt virtates, elevando
eas supra inodum humanum^. » Aussi les maîtres
de la vie spirituelle les ont-ils comparés aux
ailes de l'oiseau ou aux voiles du navire. L'oiseau
vole plus vite qu'il ne marche; et tandis que le
navire muni de simples rames n'avance qu'avec
peine et
lenteur, celui dont le vent enfle les
voiles ou
dont la vapeur presse les flancs court
rapide sur
les flots.
Ce qui
ressort des explications précédentes,
ce qui en
découle, nous semble-t-il, avec la
clarté de Tévidence, c'est que les dons du Saint-
Esprit sont
vraiment nécessaires partout où la
motion de
la raison même perfectionnée par les
vertus
infuses étant insuffisante, une impulsion
divine
spéciale s'impose. Or, c'est un fait que,
même avec
l'appoint des vertus chrétiennes,
l'humaine
raison est incapable de nous conduire
efficacement à notre fin dernière et de nous faire
surmonter tous les obstacles qui se rencontrent
sur la
voie, si elle n'est aidée, secourue, assistée
par une inspiration
particulière d'en haut, par
I, S. Th ,
De charit., q. unie, a. a. ad T7.
LES DONS DU
SAINT-ESPRIT ^23
une sorte
d'instinct supérieur de l'Esprit-Saint,
qiwdam superiori instincia Spiritus Sancti ^ .
Nous avons donc besoin de cette impulsion
divine spéciale, et par conséquent des dons, non
pas constamment, mais de temps en temps dans
le cours de notre existence, plus ou moins souvent
suivant les difficultés qui se présentent, les actes
éminents qu'il s'agit d'accomplir, le degré de per-
fection
auquel nous sommes appelés, et aussi selon
le bon plaisir de Celui qui, maître de ses dons,
les distribue comme il lui plaît. Il n'est aucune
époque de la vie, aucun état, aucune condition
humaine qui puisse se passer des dons et de leur
divine
influence.
Ils ne sont
pourtant pas nécessaires pour tous
et chacun
des actes surnaturels, mais seulement
pour les
œuvres émanées du juste sous la pous-
sée de
l'Esprit-Saint, et dans lesquelles l'homme
est plutôt
passif qu'actif. In donis Spiritas Sancti
mens humana non se habet ut movens, sed magis ut
motà*.
C'est avec cette restriction qu'il faut
entendre le toujours de la réponse opposée par
saint Thomas à l'objection suivante contre la
nécessité des dons : Il semble qu'avec les vertus
théologales et morales l'homme est suffisamment
outillé
pour arriver au salut, même sans les
dons. A
quoi le saint Docteur répond : « Les
vertus
théologales et morales ne perfectionnent
pas
tellement l'homme par rapport à la fin der-
1. S. Th.,
I* 11", q. Lxviii, a. 2, ad a.
2. S. Th.,
11^ IP*^, q. LU, a. 2, ad i.
4 2 5
EFFETS DE l'hABITATION DU SAINT-ESPRIT
nière qu'il
n'ait toujours besoin d'être mû par un
instinct
supérieur de l'Esprit-Saint : Per virtutes
theologicas
et morales non ita perficitur homo in
ordine ad
ultimum Jinem, quin semper indigeat mo-
veri quodam
superiori instinctu Spiritus Sancti,
raiione jam
dicta in corpore articali^.
I. S, Th.,
I^ II", q. Lxviii, a. a ad a.
CHAPITRE
VII
Derniers
effets de Thabitation de Dieu
en nous :
LES FRUITS
DU SAINT-ESPRIT ET LES BÉATITUDES.
Nous
connaissons maintenant, sinon dans le
détail, au moins par une vue d'ensemble, les
principes d'activité conférés aux justes par l'Es-
prit-Saint, magnifique et complexe organisme de
sainteté qui, suivant la belle expression d'un Père
de l'Eglise, fait de l'homme un instrument de
musique admirablement disposé pour chanter la
gloire et la puissance divines : Instrumenium
musicam a Spiritu pulsalum, divinamque gloriam
et potentiam canens^. Et quand il a ainsi tout
préparé,
l'Esprit-Saint, artiste incomparable, se
met lui-même au clavier, et pourvu qu'il ne
rencontre pas de résistance, il tire de cet instru-
ment spirituel des accords merveilleux qui ravis-
sent le cœur de Dieu et ne laissent pas que de
plaire au monde lui-même, captivé malgré lui
par cette
sainte harmonie.
C'est la
douce et chaste Agnès entonnant sur
1. S. Grec.
Naz., Orat. ad popal., xim, n. 67.
^26
DERNIERS EFFETS DE l'iIABITATION DIVINE
la terre,
pour le continuer au ciel, le cantique
des vierges
: « J'aime le Christ, dont je vais
bientôt
devenir l'épouse ; le Christ, dont la Mère
est vierge et que le Père céleste engendre sans
corruption... Je suis fiancé à celui que servent
les anges,
et dont la beauté fait l'admiration du
soleil et
de la lune ^ » C'est le martyr Ignace,
exposé dans
l'amphithéâtre et qui, entendant les
rugissements
des lions, s'écrie dans son impa-
tience de
souffrir : « Je suis le froment du
Christ ; je
serai moulu par la dent des bêtes pour
devenir un
pain vraiment pur. » C'est le grand
apôtre Paul
jetant à toutes les puissances enne-
mies ce fier défi : « Qui me séparera de l'amour
du Christ?
La tribulation? l'angoisse? la faim?
la nudité? le péril? la persécution? le glaive?...
Je suis assuré que ni la mort, ni la vie, ni les
anges, ni les principautés, ni les vertus, ni
aucune autre créature ne pourra jamais me
séparer de l'amour de Dieu en Jésus-Christ
Notre-Seigneur2.
»
C'est
l'innombrable multitude des saints et
des saintes
répandue sur la terre entière et for-
mant un
concert immense, où chacun fait sa
partie et
chante sur un mode spécial le triomphe
de la grâce
sur la nature : symphonie ravissante,
où toutes
les voix se réunissent et se fondent
I. « Amo Ghristum in cujus thalamum introibo, cujua
Mater virgo est, cujus Pater feminam nescit... Ipsi sum de-
sponsata, cui angeli serviunt, cujus pulchriludinem sol et
luna
mirantur. » (Ex. offic. S. Agnetis.)
a. Rom.,
Tiii, 35*39.
LES FRUITS
ET LES BÉATITUDES 4^7
dans un
merveilleux accord. Voix d'enfants et
de vieillards, de vierges et d'adolescents, d'hom-
mes et de femmes, s'élevant de la terre au ciel.
Voix de l'innocence conservée ou laborieusement
reconquise. Voix de la charité miséricordieuse
faisant appel par la bouche de Vincent de Paul
à toutes les misères afin de les soulager. Voix
de la foi triomphante dans la personne de Pierre
de Vérone frappé à mort par l'hérésie, et trou-
vant encore la force de tracer avec la pourpre
de son sang ce mot sublime : Credo, Je crois.
Voix de Ihumilité proférant par l'organe de
Jean de la
Croix une des paroles les plus belles
et les plus
héroïques qui soient sorties d'une
bouche
humaine, lorsque, interrogé par le
Christ :
quelle récompense il demandait pour
tant de
travaux, il fit cette réponse : « Seigneur,
souffrir et être méprisé pour vous. »
Quelle
admirable floraison de vertus le souffle
de
l'Esprit-Saint fait éclore dans les unies dociles
à son
action! Ou plutôt quels fruits aussi déli-
cieux que variés il leur fait produire ! Ce sont
ceux dont
parlait Notre-Seigneur, quand il disait
à ses apôtres : « Je vous ai choisis et vous ai
établis pour que aous alliez sans cesse de l'avant,
que vous portiez des fruits et que ces fruits demeu-
rent : Ego elegi vos, et posai vos ut eatis, etfruc-
tum ajferatis, et fructus vester maneat^. » Le juste,
en effet, est comparé, dans nos saints Livres, h
un arbre planté sur le bord des eaux et qui
I. Joan.,
XV, i6.
428
DERNIERS EFFETS DE l' HABITATION DIVINE
donne ses
fruits en son temps i. Quels sont ces
fruits?
L'apôtre saint Paul nous les fait connaître
dans cette
belle énumération que nous lisons au
chapitre Y
de l'Epître aux Galates : « Les fruits
de l'Esprit-Saint,
dit-il, sont la charité, la joie,
la paix, la patience, la bénignité, la bonté, la
longanimité, la douceur, la foi, la modestie, la
continence et la chasteté 2. »
Que faut-il entendre par ces fruits du Saint-
Esprit?
Pourquoi sont-ils ainsi nommés? En
quoi diffèrent-ils des vertus et des dons? Quel
est leur nombre?
Et d'abord, que faut-il entendre par les fruits
du
Saint-Esprit? On entend par là, dit saint
Thomas, « tous les actes de vertu arrivés à une
certaine
perfection et dans lesquels Thomme
se délecte : Suni enim fructus quœcumque virtuosa
opéra in
quïbus homo deleclatur s. » On les
appelle
fruits, dit saint Ambroise, parce qu'ils
remplissent
l'âme d'une délectation pure et
sainte.
I. « Erit tanquam lignum, quod plantatum est secus
decursus
aquarum, quod fructum suum dabit in tempore
suo. » (Ps., 1, 3.)
a. « Fructus autem Spiritus est, . charitas, gaudium, pax,
patientia, benignitas, bonitas, looganimitas, mansuetudo.
fides, modestia, continentia, castitas. » (Gai., v, aa-a3.)
3. S. Th.,
I' II'% q. Lxx, a. a.
LES FRUITS
ET LES BEATITUDES l^2g
Pris dans
son acception naturelle, le fruit
désigne le
produit final et savoureux d'une
plante ou d'un arbre parvenu à la perfection qui
convient à
son espèce i ; c'est le terme régulier
de la végétation, le résultat définitif de ce mer-
veilleux travail auquel s'emploie la vie de la
plante. Aussi variés que les arbres sur lesquels
ils ont été cueillis, les fruits ont cela de com-
mun qu'ils
sont le dernier produit de la plante,
et qu'ils
possèdent tous, une fois arrivés à matu-
rité, une
certaine saveur, différente suivant les
espèces. Fractus sensibilis est id quod ultimum ex
arbore expeclatur, et cam quadam suavitate perci-
pitur^. Lors même qu'elles réjouissent la vue par
l'éclat de leurs couleurs et délectent l'odorat par
la douceur et la finesse de leur parfum, ni les
feuilles ni
les fleurs ne méritent ce beau nom
de fruits ;
car ce n'est pas ce qu'on attend défi-
nitivement de l'arbre : quod ultimum ex arbore
expectatur.
Le fruit
n'est pas seulement l'ornement et la
perfection
de l'arbre, il en est la raison d'être, le
but, la fin; c'est lui qui donne à l'arbre toute sa
valeur et qui dédommage du soin consacré à sa
culture. C'est pourquoi, parlant en parabole d'un
figuier qui avait cessé depuis plusieurs années
de donner des fruits, le Sauveur disait : « Cou-
pez-le ; pourquoi occupe -t- il inutilement la
ï. « Dicitur in corporalibus /rucf «s id quod ex planta
producitur, cum ad perfectionem pervenerit, et quamdam
in se
suavitalem habet. >; (Ibid., a. i.)
a. S. Th.,
MI-, q. xi, a. i.
^3o
DERNIERS EFFETS DE l'hABITATION DIVINE
place? Succide
ergo illam; ut qaid etiam férram
occupât^? »
Grande leçon pour le chrétien, qui,
sous peine
d'être retranché comme un sarment
inutile et
jeté au feu, ne doit point laisser inac-
tives les énergies divines qui lui ont été confé-
rées comme autant de germes destinés à éclore
sous le souffle de l'Esprit de Dieu et à produire
ces œuvres saintes et dignes de la vie éternelle
que l'Ecriture désigne sous le nom de fruits
du
Saint-Esprit.
On donne,
en effet, par analogie, dans l'ordre
spirituel, ce nom de fruits au produit final
de la grâce dans les âmes, c'est-à-dire aux
actes de vertu, sinon à tous indistinctement, au
moins à
ceux qui possèdent un certain degré
de
perfection et de saveur.
Les fruits
du Saint-Esprit ne sont donc pas des
habitudes, des qualités permanentes, mais des
actes ; ils ne sauraient dès lors être confondus
avec les vertus et les dons, mais ils s'en distin-
guent comme l'effet se distingue de sa cause, le
ruisseau de sa source. Et bien que l'apôtre saint
Paul énumère parmi ces fruits la charité, la
patience, la douceur, etc., il ne faut point enten-
dre ces expressions des vertus elles-mêmes, mais
de leurs opérations ; car, si parfaites que puis-
sent être les vertus, elles ne sauraient être con-
sidérées comme le dernier produit de la grâce,
étant ordonnées elles-mêmes, en qualité de prin-
cipes, à des produits ultérieurs, c'est-à-dire à
leurs
actes.
I. Luc,
XIII, 7.
l.E^
FÇIUITS ET LES B^ATÏTUPES 43ï
Toutefois, pour mériter le nom de fruits, 1§8
actes des vertus doivent être accompagnés d'une
certaine suavité. Au commencement, ces actes
ne s'accomplissent qu'avec peine, ils exigent des
efforts, d'aucuns même sont âpres à la natura
comme un
fruit qui n'est pa3 mur. Mais, observa
un pieux auteur, « quand on s'est longtemps
exercé avec ferveur dans la pratique des vertus,
l'on acquiert
la facilité d'en produire les actes.
On ne sent
plus les répugnances qu'on resseiitait
au
commencement. Il ne faut plus comt)attre ni
se faire
violence. On fait avec plaisir ce que l'on
ne faisait
auparavant qu'avec peine, Il arriva
alors aux vertus
ce qui arrive aux arbres. Gomma
ceux-ci
portent des fruits qui, quand ils sont
venus à
leur maturité, n'ont plus d'aigreur, mais
sont doux
et d'une agréable saveur ; de même
quand les
actes de vertu en sont venus à une
certaine
maturité, ils se font avec plaisir, et l'on
y trouve un goût délicieux i. »
Le monde ne comprend rien à ces sortes de
délices ;
car, suivant la remarque de saint Ber-
uard, il
voit la croix, mais non l'onction : Çru-
cem qizidem
vident, sed Jion etiam unctionem^\
les
afflictions de la chair, la mortification des
sens, les
labeurs de la pénitence ne frappent son
regard que par leur côté pénible, et il les a en
horreur,
les consolatious de l'Esprit-Saint lui
échappent.
Les âmes saintes, au contraire, disent
i.Lallemant,
Doctrine spiriL
a. S. Bern., serra, i, de Dedicat.
432
DERNIERS EFFETS DE l'hABITATION DIVINE
volontiers
avec l'épouse des Cantiques : « Je me
suis assise à l'ombre de celui que j'avais désiré,
et son
fruit est doux à mon palais '. »
Les fruits
de l'Esprit-Saint sont-ils nombreux?
Saint Paul
en compte douze, comme nous l'avons
vu plus haut. Pourquoi ce nombre duodénaire ?
Il semble que l'on devrait en admettre autant
que d'actes vertueux. C'est, en effet, la conclu-
sion de
saint Thomas : « Les fruits, dit-il, ce
sont tous
les actes de vertu dans lesquels
l'homme
trouve du plaisir : Sunt fructus quœ-
cumque virtuosa opéra in quibus homo delectatur^. »
L'Apôtre
aurait donc pu en faire entrer un plus
ou moins
grand nombre dans son énumération,
car il n'avait pas la prétention de les énoncer
tous. S'il s'est arrêté au nombre de douze, c'est
d'abord parce que ce nombre, dans le style de
TEcriture, désigne l'universalité ; puis, parce
que tous les actes de vertu peuvent assez conve-
nablement se ramener à ceux que nomme
l'Apôtre,
attendu qu'ils embrassent la vie chré-
tienne tout
entière ^.
Nous
parlons de fruits ; nous pourrions tout
aussi bien les appeler des fleurs, si, au lieu de
considérer nos bonnes œuvres comme le dernier
produit de la grâce ici-bas, nous les envisagions
par rapport
à la vie éternelle, dont ils sont
comme
l'annonce et le gage. Car, de même
1 . « Sub umbra illius quem desideraverarn sedi, et fruc-
tus ejus
dulcis gutturi meo. » (Gant., ii, 3.)
2. S. Th.,
I* II»% q. Lxx, a. a.
3. Ibid..
a. 3, ad 4.
LES FRUITS
ET LES BEATITUDES 433
qu'en
voyant apparaître la fleur, on conçoit
l'espoir de cueillir un fruit, jouer ainsi la pra-
tique des œuvres saintes et méritoires nous
donne l'espérance de parvenir à la vie et à la
béatitude éternelles i.
II
Au sommet de la vie spirituelle, au-dessus par
conséquent des actes de vertu ordinaire, au-
dessus des
fruits du Saint-Esprit, se placent les
béatitudes, couronnement de l'œuvre divine en
nous, le dernier et le plus sublime effet de la
présence de celui que le Père a daigné nous en-
voyer pour
notre sanctification, l'avant-goût du
bonheur céleste.
Que faut-il entendre par les béatitudes? Quel
en est le nombre? Se distinguent-elles des fruits,
des vertus et des dons?
On désigne sous le nom de béatitudes certains
actes de la vie présente qui, par suite de leur
I. « Opéra
nostra, in quantum sunt effectus quidam Spi-
ritus
Sancti in nobis operantis, habent rationem fructus ;
sed in
quantum ordinantur ad finem vitae seternae, sic ma-
gis habent
rationem florum ; unde dicitur (Eccli., xxiv,
23) :
Flores mei fructus honoris et honestatis. » (Ibid., a. i,
ad I.) — Et
iterum : « Opéra virtutum dicuntur fructus...
Dicuntur etiam flores respectu futurse beatitudinis, quia
sicut ex floribus accipitur spes fructus, ita ex operibus
vir-
tutum
habetur spes vitae œternae et beatitudinis. » (S. Th.,
.in Gai, v,
lect6.)
HJLB.SAINT-K8PBIT.
— sS
434 DERMER5
EFFETS DE Ih*HAPITATION DIVINE
perfection
toute particulière, conduisent direc-
tement et sûrement à la félicité éternelle. On les
appelle par métonymie béatitudes, parce qu'ils
sont tout à la fois le gage, la cause méritoire,
et, dans une certaine mesure, les prémices de la
vraie et parfaite béatitude.
La béatitude proprement dite est essentielle-
ment une ; elle consiste dans la possession de
Dieu. Il est clair, en effet, que Dieu étant le
bien souverain, infmi, seul capable de rassasier
tous les désirs, nul n'est heureux que dans la
mesure où il le possède. Dès ce monde, il est
vrai, nous le possédons par la grâce, mais im-
parfaitement
; nous le portons en nous, mais
voilé aux
regards; nous l'aimons, nous jouissons
de lui, mais avec la possibilité de le perdre.
(f Donc, s'il est question de béatitude ici-bas, on
ne le peut entendre évidemment que d'une
béatitude imparfaite, d'une béatitude espérée,
méritée,
tout au plus commencée i. »
Les
béatitudes dont il est fait mention dans le
saint
Évangile et dont nous nous occupons pré-
sentement
ne désignent donc pas le bonheur
absolu, la félicité proprement dite. N'est-il pas
manifeste que la pauvreté, les larmes, la faim
et la soif, fut-ce même de la justice, les persécu-
tions souffertes pour la cause de Dieu, ne sauraient
constituer la béatitude vraie et parfaite? Mais
Notre-Seigneur affirme que ce sont des moyens,
des degrés, des ascensions pour arriver à la
béatitude absolue : moyens si puissants, si efii-
Mk' Gat,
Sermons d'Avent.
i
LES Fruits
et les béatitudes 435
caces, si assurés, que quiconque les emploie per-
sévéramment peut répéter à la suite de TApôtre :
« Je suis sauvé en espérance ^ )> Ne dit-on pas
de quelqu'un qu'il est arrivé au terme de ses
vœux, lorsqu'il a l'espoir fondé d'y parvenir?
Or, comment
ne pas concevoir l'espérance d'ob-
tenir une
fin déterminée, quand on s'y achemine
d'une façon
constante et régulière, qu'on en
approche,
quand surtout on commence déjà à
goûter la
douceur du bien attendu-? Lors donc
qu'un
chrétien, docile aux inspirations de l'Es-
prit-Saint,
avance chaque jour dans le sentier du
bien par les actes des vertus et des dons, lors-
qu'on le voit réaliser, peu à peu, ces ascensions
admirables
dont parle le Psalmiste^, et se rap-
procher de
plus en plus du terme, comment ne
pas éprouver la confiance qu'il parviendra à la
perfection de la voie et à celle de la patrie, et ne
pas le proclamer bienheureux par anticipation^?
1. « Spe salvifacti siimus. » (Rom., vrii, 3^.)
2. « Dicitur enim âliquis jam finem habere propterspem
finis obtinendi. Unde et Apostolus dicit :
Spesalvifacti&umus.
Spes autcm de fine consequendo insurgit ex hoc quod ali-
quid
convenienter movetur ad finem^ et appropinquat ad
Ipsum; quod
quidem fît per aliquam actionem. Ad finem
autem
beatitudinis movetur aliquis, et appropinquat per
operationes
virtutum, et preecipue per operationes dono-
rum, si loquamur de beatitudine aeterna, ad quam ratio
non
sufflcit, sed in eum inducit Spiritus Sanctus. » (S. Th.,
I*
II", q. LXix, a. I.)
3. «.
Ascensiones in corde suo disposuit. » {Ps. lxxxiii, 6.)
4. « Gum
aliquis incipit proficere in actibus virtutum et
doTiOrum,
potes t sperari de eo quod perveniet ad perfec-
tionem viae
et ad perfectionem patriae. » (S. Th., 1* 11"%
q. Lxix, a.
2.)
436
DERNIERS EFFETS DE l'hABITATION DIVINE
Mais quels sont ces moyens qui conduisent si
sûrement au terme du salut éternel, ces actes
si pleins de suavité qu'on peut les considérer
comme un
commencement de béatitude?
Le Sauveur lui-même nous les a fait connaître
dans ce fameux sermon de la montagne qui
ouvre la période de sa vie publique. « Bienheu-
reux, dit-il, les pauvres d'esprit, parce que le
royaume des cieux est à eux. Bienheureux les
doux, parce qu'ils posséderont la terre. Bienheu-
reux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront conso-
lés... » Huit fois de suite il répète, avec des
variantes, la même expression a Bienheureux »,
proclamant ainsi devant le monde étonné ce que
le langage
chrétien a nommé les huit béatitudes.
Elles sont
huit : la pauvreté d'esprit, la douceur,
les larmes, la faim et la soif de la justice, la
miséricorde, la pureté du cœur, l'amour de la
paix, les persécutions souffertes pour la cause
de Dieu; mais la huitième n'est que la confir-
mation et
la manifestation des autres i. En effet,
du moment
où l'homme est affermi dans la
pauvreté spirituelle, la douceur, et les autres
béatitudes, la persécution est impuissante à le
détacher de ces biens.
1. « Octava béatitude est quaedam conflrmatio et mani-
festatio omnium praecedentium. Ex hoc enim quod aliquis
est
confirmatus in paupertate spiritus et mititate, et aliis
sequentibus,
provenit quod ab bis bonis propter aliquam
persecutionem
non recedit. Unde octava beatitudo quo-
dammodo ad
septem prsecedentes pertinet. » (S. Th., I'
II",
q. Lxrx, a. 3, ad 5.)
LES FRUITS
ET LES BEATITUDES 437
Les béatitudes ne sont ni des vertus ni des
dons du Saint-Esprit, mais des actes que ces
habitudes nous amènent à produire ^ Toutefois,
€n raison même de leur excellence et de leur
perfection, ces actes doivent être considérés plu-
tôt comme un produit des dons que comme une
cmanation des vertus. En effet, la vertu de pau-
vreté peut bien inspirer ce détachement qui fait
user avec modération des biens terrestres, mais
c'est le don de crainte qui en inspire le mépris.
La vertu de douceur donne à l'homme l'énergie
nécessaire pour surmonter l'impétuosité de la
colère et se tenir dans les limites de la droite
raison ; mais c'est le don de piété qui lui assure
le calme, la sérénité de l'âme, la parfaite posses-
sion de soi-même et l'entière soumission à la
volonté de Dieu. La tempérance met un frein
aux
passions qui se portent vers le plaisir sen-
sible et
les maintient dans de justes bornes ; le
ion de
science élève l'âme plus haut, et en
l'éclairant sur la fragilité, la vanité, le peu de
durée de ces plaisirs, lui apprend à les rejeter
entièrement, si c'est nécessaire, pour embrasser
volontairement le deuil et les larmes 2.
Les béatitudes se distinguent également des
fruits du
Saint-Esprit ; car, tout en délectant
comme eux,
elles ont de plus l'avantage de per-
1. «
Beatitudines distinguuntur quîdem a virtutibus et
donis, non
sicut habitus ab eis distincti, sed sicut actus
distinguuntur ab habitibus. » (Ibid., a. i.)
2. Ibid.,
a. 3.
438
DERIVIERS EFFETS DE "L'HABITATION DIVINE
fectionner
qui les possède i. Ce sont, si l'on
veut, des
fruits, mais les plus excellents, les plus
beaux, les
plus exquis ; des fruits arrivés par les
dernières
touches du Soleil divin à une maturité
parfaite ;
aussi renferment-ils une suavité et une
perfection
telles, qu'ils font pressentir et goûter
par avance quelque chose de la félicité céleste.
Ainsi se couronne par des œuvres parfaites,
signes précurseurs de la béatitude et de la pleine
possession de Dieu, cette série de merveilles que
l'Esprit-Saint
accomplit dans les âmes où il a
fixé sa demeure.
m
Avant de clore cette étude déjà longue, jetons
un dernier et rapide regard sur les vérités qui
en ont fait l'objet, de même que, avant de fran-
chir le seuil d'un édifice parcouru et examiné en
détail, on
l'embrasse d'un coup d'oeil d'ensem
ble pour en
bien saisir les grandes lignes et en
admirer la savante
harmonie.
I. <c
Plus requiritur ad rationem beatitudinis quam ad
ralionem
fructus. Nam ad rationem fructus suffîcit quod
sit aliquid habens rationem ultimi et delectabilis. Sed ad
ralionem
beatitudinis ulterius requiritur quod sit aiiquid
{>eifectum
et excellens. Unde omnes beatitudines possunt
dici
fructus, sed non convertitur. Sunt enim fructus quae-
cumqiie
virtuosa opéra in quibus homo delectatur ; sed
beatitudines
dicuntur sokun pcrfecta opéra, qufs etiarr.
ratione
suae perfectior^is magis attribuuntur donis quam
■virtutibus. » (S. y^ ja
jl", q- lxx, a. a.)
LES FRUITS
ET LES BÉATITUDES 439
Dieu est
partout, en tout être et en tout lieu,
comme cause immédiate de tout ce qui existe
hors de lui ; mais il n'habite que dans les justes,
auxquels il
s'unit d'une façon singulière, comme
objet de connaissance et d'amour. Et ce n'est pas
seulement
par son image, son souvenir, ou ses
dons, qu'il
est ainsi présent en eux ; il y vient
lui-même
personnellement, inaugurant dès ici-
bas cette vie d'union et de jouissance qui doit se
consommer
au ciel. Sitôt, en effet, qu'une créa-
ture jusque-là pécheresse rentre en grâce avec
son
Créateur, celui qui est en Dieu l'Amour sub-
sistant,
l'Esprit-Saint, lui est envoyé pour sceller
en quelque sorte par sa présence le pacte de la
réconciliation,
travailler au grand œuvre de sa
sanctification,
et devenir en ell^- le principe effi-
cient d'une
vie nouvelle, incomparablement
supérieure
à celle de la nature. Aussi n'est-ce
point une
visite passagère, si précieuse qu'elle
puisse
être, qu'il daigne lui faire, mais il vient
s'établir
dans son âme avec le Père et le Fils, et
y fixer sa
demeure.
En y
entrant, il se donne lui-même, et c'est là
son grand
don. Il s'agit ensuite d'embellir et
d'orner le
temple vivant où il lui plaît de résider.
Dans ce
but, il y verse cette grâce d'un prix infini
qu'on
appelle sanctifiante, et qui a pour effet de
purifier
toute souillure, d'effacer le péché, de
justifier, de transformer, de déifier qui la reçoit,
d'en faire un enfant de Dieu et l'objet de ses com-
plaisances, avec droit à l'héritage céleste. Ce
n'est pas
tout, car la grâce ne va jamais seule ;
toujours
elle a pour cortège une foule de vertus
et de qualités suréminentes qui sont tout à la
k^O
DERNIERS EFFETS DE l'hABITATION DIVINE
fois une
parure pour nos puissances et une
source
d'activité surnaturelle. Ce sont les vertus
théologales, la foi, l'espérance et la charité; les
vertus morales infuses et les dons du Saint-Es-
prit : germes féconds des fruits que Dieu veut
récolter en nous; énergies divines, source de ces
actes excellents qui portent le nom de béatitudes
parce qu'ils sont la cause méritoire et une sorte
d'avant-goût de la félicité que nous espérons.
Ainsi pourvus, nous pouvons aller de l'avant;
et, pour
nous acheminer efficacement et sûre-
ment vers
les rivages éternels, nous n'avons plus
qu'à
recevoir cette impulsion de l'Esprit-Saint qui
est le partage des enfants de Dieu ^ Elle ne se
fait pas
attendre. Du fond de l'âme où il réside,
ce divin
Esprit éclaire notre intelligence, échauffe
notre cœur, nous excite et nous pousse au bien.
Qui comptera toutes les saintes pensées qu'il
suscite, les bons mouvements qu'il provoque,
les
inspirations salutaires dont il est la source?
Pourquoi faut-il que de malheureuses et trop
fréquentes
résistances viennent paralyser plus ou
moins son
action bienfaisante et en entraver les
effets? C'est ce qui explique pourquoi tant de
chrétiens en possession habituelle de la grâce et
des énergies divines qui l'accompagnent, demeu-
rent néanmoins si faibles et si lâches dans le
service de Dieu, si peu zélés pour leur perfec-
tion, si inclinés vers la terre, si oublieux des
1. « Quicumque enim Spiritu Dei aguntur, ii sunt filii
Dei. » (Rom., viii, i4.)
LES FRUITS ET LES BEATITUDES 44 1
choses du ciel, si faciles à entraîner au mal. Aussi
l'Apôtre nous exhorte-t-il « à ne pas contrister
l'Esprit-Saint » par notre infidélité à la grâce :
Nolite contristare Spiritum sancium Dei^, et sur-
tout « à ne pas l'éteindre dans nos cœurs :
Spiritum nolite extinguere^. »
Il est une autre cause qui achève d'expliquer
pourquoi une semence si abondante de grâces ne
produit souvent qu'une si chétive moisson. C'est
que, ne connaissant que très imparfaitement le
trésor dont ils sont les dépositaires, nombre de
gens n'en
ont qu'une faible estime et se mettent
peu en
peine de le faire fructifier. Et pourtant,
quelle
force, quelle générosité, quel respect
d'eux-mêmes,
quelle vigilance, et aussi quelle
consolation
et quelle joie ne leur inspirerait pas
cette
pensée constamment entretenue et pieuse-
ment
méditée : l'Esprit-Saint habite dans mon
cœur! Il
est là, protecteur puissant, toujours
prêt à me défendre contre mes ennemis, à me
soutenir
dans mes combats, à m'assurer la vic-
toire. Ami
fidèle, toujours il est disposé à me
donner
audience, et, « loin d'être une source
d'amertume
et d'ennui, sa conversation apporte
Tallégresse et la joie : Non enim habet amaritu-
dinem conversalio illias, nec iœdium convictus illius,
sed
lœtitiam et gaudium^. » Il est là, témoin tou-
jours
veillant de mes efforts et de mes sacrifices,
comptant,
pour les récompenser un jour, chacun
I. Ephes.,
IV, 3o.
a. I
Thess., v, 19.
3. Sap.,
VIII, 16.
:U2
DERNIERS EFFETS DE l'hABITATION DIVINE
de mes pas,
suivant toutes mes démarches, n'ou-
bliant rien
de ce que je fais pour son amour et
sa gloire.
L'Esprit-Saint
habite dans mon cœur ! Je suis
son temple, le temple de la sainteté par essence ;
il faut
donc que je devienne saint moi-même, car
le premier caractère de la maison de Dieu, c'est
la sainteté. Domam taam, Domine, decet sancii-
tudo^. Je dirai donc avec le Psalmiste, par ma
conduite plus encore que par mes paroles : a O
Seigneur, j'ai aimé la beauté de votre maison et
le lieu oii habite votre gloire : Domine, dilexi
decorem domus iuœ, et locum hahitationis gioriœ
tuœ\ »
Quoi de plus efficace que ces réflexions pour
nous déterminer à vivre, suivant la parole de
saint Paul, « d'une manière digne de Dieu, nous
efforçant de lui plaire en toutes choses et de por-
ter toutes sortes de fruits de bonnes œuvres?
Ut amhuletis digne Deo per omnia placentes, inomni
opère bono Jruciificanies '^. » Travaillons donc à
croître dans la science de Dieu, crescentes in
scientia Dei'^, nous appliquant chaque jour à
mieux connaître, afin de les apprécier davan-
tage, les
dons divins. Aimons, honorons, invo-
quons
souvent l'Esprit-Saint, soyons dociles à ses
inspirations
; et si nous voulons occuper un jour
le trône de gloire qui nous a été préparé dans le
1. Ps., xcii, 5.
2. Ps., XXV, 8.
'6 Col., 1, lo.
k. ïbld.
LES FRUITS
ET LES BEATITUDES 443
€iel,
commençons par glorifier ici-bas et dans
notre âme
et dans notre corps cette Trinité sainte
dont nous
sommes le séjour et le temple. Glori-
Jîcate et porlate Deum in corpore vestro i.
I Cor., Ti, ao.
APPENDICE
APPENDICE
Exposition et
réfutation de l'opinion de Petau
RELATIVE A
L'HABITATION
DU SAINT-ESPRIT
dans les âmes justes
Petau n'a pas été le premier à soutenir que l'habitation
divine par la grâce est propre au Saint-Esprit, et à se
cons-
tituer le
champion d'une union avec les âmes justes parti-
culière à la troisième personne de la sainte Trinité, et
ana-
logue à celle du Verbe avec l'humanité dans la personne de
Jésus-Christ.
Déjà, au XIP siècle, Pierre Lombard, sur-
nommé le Maître des Sentences, croyant lui aussi pouvoir
s'appuyer
sur l'autorité des Pères, avait enseigné une union
spéciale de l'Esprit-Saint avec nos âmes, sous le prétexte
que la charité par laquelle nous aimons Dieu et le pro-
chain n'est pas quelque chose de créé, mais la personne
même de ce divin Esprit habitant au fond de nos cœurs ^
Voici en
quels termes il proposait son opinion sur ce
pbint : «
Nous avons dit plus haut, et montré par l'autorité
des saints,
que le Saint-Esprit est l'amour du Père et du
Fils,
l'amour par lequel ils s'aiment mutuellement, et nous
1. a
Magister poûit qnod chantas non est aliquid creatum in anima, sed
e«t ipse Spiritus sanclns mentem inhabitàns. » (S. Tii.,
II-Il. q \i\i,
a. 2.)
448
APPENDICS
avec eux.
Il faut ajouter que ce même Esprit est aussi
l'amour, ou la charité par laquelle nous aimons Dieu et le
prochain K » Et pour qu'on ne se méprît pas sur sa pensée,
le Maître des Sentences avait soin de déclarer que ce n'est
point par
métonymie, en mettant la cause pour l'effet, que
i'Esprit-Saint
est appelé notre charité, comme lorsque
nous disons de Dieu qu'il est notre patience ou notre espé-
rance, c'est-à-dire l'auteur de ces vertus, mais dans le
sens
propre et réel, en sorte que nous aimons Dieu avec le cœur
même de Dieu.
Il ne prétend pas assurément que l'acte de charité émis
par la créature soit la personne de l'Esprit-Saint ; mais il
soutient que ce di\1n Esprit, habitant au fond de nos
cœurs, nous
fait produire cet acte directement et par lui-
même, sans l'intermédiaire d'aucune habitude créée, tandis
que les actes des autres vertus, de la foi, par exemple, ou
de
l'espérance, s'accomplissent bien aussi sous la motion du
Saint-Esprit, mais par le moyen de ces vertus*. C'est l'ex-
cellence de la charité qui portait le Maître des Sentences à
faire cette
exception en sa faveur ' ; et il ne s'apercevait pas
que sa
doctrine tournait, en réalité, au détriment de la
plus
éminente des vertus théologales ; car, pour produire
un acte
d'amour d'une manière parfaite, promptement, fa-
cilement,
avec plaisir, et d'une façon connaturelle, la vo-
lonté
humaine a besoin, en outre de la motion divine,
d'une vertu surnaturelle et infuse qui perfectionne sa puis-
sance opérative*.
Des disciples de Pierre Lombard, théologiens sans noto-
1. P.
Lomb., 1. 1 Sent., dist. xtii.
2. u Alios
actus atque motus rirtntam operatnr charitas.id est Spiritns tanc-
tas,
medianlibug firtutibas, quaram actes sant, utpote actom fidei, id est cre-
dere, fide média ; et actom spei, id est sperare, média spe.
Per fidem enim et
gpem praedictos operatur actus ; diligendi Tcro actum per se
tantum sine alicu-
jus virtutis mcdio operatur, id est, diligere. Aliter ergc
hune actum operatur
quam alios virlutum actus. » (Ibid.)
3. tt Et
hoc dicebat propter excellentiam charitaiis. » (S. Th., IMI,
q. XXIII,
a. S.)
4. c Nullus autem actus perfecte prodacitur ab aiiqua
poteotia activa, oisi
tit ei conuatoraiis per aliquam formam, qnae sit priocipium
actionis... Unde
maxime necesse est quod ad actum cbaritatis io nobis existât
aiiqua habitualis
forma snperaddita potentiae naturali, inclioans ipsam ad
cbaritatis actum, «t
(aciens eam prompt« et delectabiiiter operari. » (S. Th., ibid.)
EXPOSITION
ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU 449
riété, dont
les théories sont parvenues jusqu'à nous grâce
aux
commentateurs des Sentences, mais dont le nom n'a
point
échappé à l'oubli, voulant mettre en lumière l'opi-
nion
singulière de leur maître sur la nature de la charité,
disaient,
au rapport de saint Bonaventure, que « le Saint-
Esprit peut
être considéré sous un triple aspect : en lui-
même
d'abord, et, à ce point de vue, il est l'amour du Père
et du Fils
; puis en tant qu'il habite en nous, et comme
tel il est désigné sous le nom de grâce ; enfin en tant
qu'il
est uni à notre volonté, et, dans ce cas, il est la charité
par
laquelle
nous aimons Dieu. Ainsi, disaient-ils, l'Esprit- Saint
est notre
charité, non par appropriation, mais par son
union avec notre volonté. Car de même que le Fils seul
s'est
incarné, s'est fait homme, et s'est uni à l'humaine na-
ture,
quoique toute la Trinité ait opéré le mystère de l'In-
carnation ;
ainsi toute la Trinité opère l'union de l'Esprit-
Saint avec
notre volonté, mais ce divin Esprit est seul uni à
elle; et
c'est pourquoi lui seul est charité*. » Ce qui avait
déterminé ces théologiens à proposer cette hypothèse,
c'était la parole de l'Apôtre : Celai qui est uni à Dieu ne
forme qu'an
même esprit avec lui ^
Telle est
bien, en substance, l'opinion ressuscitée par
Petau. Si
le docte jésuite se sépare sur un point du Maître
des
Sentences et de ses partisans, en admettant une grâce
et une
charité créées, il est d'accord avec eux pour recon-
naître une
union spéciale de l'Esprit-Saint avec les justes,
union qui
lui est propre et personnelle, et où la substance
de ce divin
Esprit est directement et sans intermédiaire
non pas la cause efficiente immédiate de nos actes
d'amour,
comme le voulait Pierre Lombard, mais, ce
qui est plus grave, le principe formel de notre sanctifica-
tion.
Dans
l'ordre actuel, dit-il, un double élément intervient
dans
l'œuvre de notre justification : l'Esprit-Saint, qui
nous rend justes et enfants de Dieu par l'application de sa
propre substance ; et la charité ou la grâce, qui est le
lien
par lequel nous sommes unis à lui. Mais, lors même qu'au-
1. S.
Bonav., in Sent., I, dist. xvii, p. 1, a. 1, q. i,
2. 1 Cor.,
Ti, 17.
HAB .
SAINT-««PHIT. — 29
45o A?PÈHï>rCi«
ciine qualité créée ne sei*âH vôtsée dans notre âme, lâ
seule
présence de
rE?prit sanctificateur et son union avec elle
suffiraient
pour la rendre sainte ' . Proposition dangereuse
et
diffîciiemefit conciliable avec la doctrine du Concile de
Trente, lequel a défini contre les novateurs que l'unique
cause formelle de la justification n'est autre que la
justice dfr
Dieu, non pas cette justice substantielle et incréée par
laquelle Dieu est juste, mais une justice accidentelle et
créée, inhérente à notre âme, la grâce sanctifiante en un
mot, qui, en
renouvelant l'homme intérieur et en nous
purifiant
de nos péchés, nous rend vraiment justes et saints,
agtéables à
Dieu et héritiers de la vie éternelle*. Si la
cause
formelle de notre justification consiste dans un don
créé,
comment la confondre avec la personne de l'Esprit-
Saint ? Et
si, au jugement du concile, elle est unique,
de quel droit un simple théologien peut-il se permettre
d'en
assigtier une seconde ? Le Saint-Esprit ne saurait
donc être
considéré, à aucun titre, comme la cause for-
melle de
notre justification et de notre adoption divine, il
en est
simplement, de concert avec le Père et le Fils, la
cause efficiente.
1. « Quamobrem jure Patres eosdem asseverantes andivirnns,
cdfii nullo
inlerjeclo medio sanctos nos fieri per ipsam Spiritus
sobstantiam, tum nullam
id creaturam posse perficere ; tanietsi substanlia Dei, qua
saaclificamur, corne»
sit infusa qualitas, quara vel gratiara, vel charilalem
dicimas... Quamobrem
eatenus ille (Magister Senlentiaram) oobis audieudos est,
quoad Spiritum sanc-
tuin doceat, ipsom pe* sese comraunicari infufidique juglis,
ac veluli formam
esse, qua sancti Deoque grati, et adoptivi ftlii sunt ; quo
tit, ut « Deo nos
Denm diligere, » Fulgenlius affirmet ; quod aulem nullum
praeter (praeterea)
charitalis habitum in^sse putal, vehementer errât, et
communi theologornm,
imo vero fidei decreto nolalur. Utrumqne enim intervenu; et Spiritus ipëe
sanctus, qui filios facit, adeo ut, si nuîla infunderetur
creata qualitas, sua nos
ippe substantia adopkivos filios efDceret; et charitalis
habitas ipse, sive
gratiae, quae est viaculum quoddam, sive nexus, quo cum
anirais nostri»
iila Spiritus sancU substantia copulalur. * (Petav., de
Trin., I. VIII, cap. ri,
n. 3.)
2. c Justifîcationis causse «ont : Snalis quidem, gloria
I>ei, et Cbristi, ae Ttta
aeterna; efficiens vero, misericors Deus; meritoria aulem,
dilectissimus unige-
nitns 8UU8, Dominus noster JesilsChriStns... ; demiMU unica
formalis causa est
jnstitia Dei : non qua ipse justus est, wi qua nos justos
facit; qua videlicet
ab eo donati, renovamur spiritu mentis noslrae ; et non modo
reputamur, sed
Tcre justi nominamur, et sumus, justitiam iu nobis
recipientes, unusquisque
(Dam secundum mensuram, qaam Spiritus sauctus partitur
singulis prout vult,
et secaudum propriam cujusque dispositionem, et
cooperationem. » (Trid., ses».
VI, cap. vil.)
EXPOSITION ET RÉFUTATÏO» DE L'oPINION DE PETAU 45 1
En laissant de côté, dans la théorie de Petau, ce qui est
relatif au principe formel de notre sainteté et de notre fi-
liation
adoptive, ne pourrait-on pas du moin? admettre
avec lui que l'inUabitation di\ine par la grâfce est propre
au
Saint-Esprit, et qu'il existe çonséquemment entre la troi-
sième personne de la Trinité et les âmes justes des rap-
ports
spéciaux, une union particulière, analogue à celle
du Verbe
avec l'humanité dans la personne de Jésus-Christ ?
Le célèbre
jésuite soutient que tel est le sentiment de l'an-
tiquité, et
il en appelle également aux Livres saints pour
établir et
corroborer son opinion. Que faut-il penser de ces
prétentions
?
D'après le
sentiment commun des Docteurs, loin d'être
l'expression fidèle de la vérité révélée, la doctrine de
l'inha
bitation
personnelle de l'Esprit- Saint dans les justes est, au
contraire,
en opposition manifeste avec l'enseignement tra-
ditionnel,
et ne repose que sur une interprétation erronée
de l'Ecriture et des Pères. On ne saurait, en effet, attribuer
à la
personne du Saint-Esprit, dans l'œuvre de notre sanc-
tification,
le rôle du Verbe dans l'Incarnation, sans se
mettre en
contradiction avec les principes théologiques les
plus
incontestables, introduire une nouveauté, et affirmer,
bon gré mal gré, entre l'Esprit-Saint et chacune des
âmes justes, une sorte d'union hypostatique contraire à
toutes les données de la foi, Il suffît, pour s'en
convaincre,
de se rappeler que, en Dieu, tout est commun aux troia
personnes,
la nature, les attributs, les opérations extérieu-
res, les
rapports qui en résultent, tout, hormis les relations
opposées
d'origine qui constituent et distinguent les per-
sonnes, et ce qui au dehors peut être qualifié de fonction
hypostatique K
Aussi, quand les partisans du Maître des Sentences, vou-
1. (( OmwA
saut nnam, obi aon ol^mt r^1iK>ni« oppositio. » (Ex. Cooc.
{Florent.,
D.e*retum pro Jacobitis,)
45a
APPENDICE
lant
expliquer comment, à leur avis, l'Esprit-Saînt était
personnellement,
à l'exclusion du Père et du Fils, notre
charité, ou le principe de nos actes d'amour, en appelaient
au mystère de l'Incarnation, et disaient que l'union de
notre
volonté avec Dieu, quoique effectuée par la Trinité entière,
est néanmoins l'apanage exclusif de la troisième personne,
de même que, en Jésus-Christ, l'union des deux natures,
divine et humaine, quoique accomplie par toute la
Trinité,
s'est faite cependant dans la seule personne du
Verbe,
saint Thomas leur répondait sans hésitation qu'une
pareille
théorie était insoutenable : Sed hoc non potest
stare.
Et il en
administrait immédiatement la preuve. « En
Jésus-Christ,
disait-il, l'union de la nature humaine s'est
terminée en l'unité de la personne divine... Mais la vo-
lonté des justes n'est pas élevée à l'unité de personne avec
le
Saint-Esprit*. ^> C'était dire équivalemment ; Si er.
Notre-Seigneur,
la nat'ir» humaine avec ses puissances, ses
actes, ses
mérites, ses L^wsfactions. appartient uniquemenf
à la seconde personne i e ia Trinité, c'est que le Verbe
seul
s'est
incarné et fait houme- Or. l'Esprit-Saînt n'a point
assumé la
volonté hum^iTie. il ne s est point uni hyposta-
tiquement à
elle ; comment dès lors lui attribuer en propre
les actes
de cette faculté sans \1oler le dogme catholique,
d'après
lequel toutes les œuvres produites en dehors de la
Trinité sont
communes aux trois personnes? On ne peut
donc
admettre une présence spéciale de l'Esprit-Saint, pas
plus qu'on
ne peut regarder comme son œuvre personnelle
la motion divine exercée sur notre volonté en vue de lui
faire produire des actes d'amour ; le même dogme de l'unité
d'opération
ad extra s'oppose à cette double prétention
Tout ce
qu'une saine doctrine autorise ici, c'est l'appropria-
tion faite à la troisième personne d'une œurre qui lui est
commune
avec le Père et le Fils.
1. c Dicant
qnod sicat Filias anivit «ibi n&tarAB hnmanam solas, qnamvis
ibi sit
operatio totius Trinitatis ; ita Spiritussanctassolusunitsibi Toluotateni,
quamTig ibi
sit operatio totio Triaitatit. Sed hoc dod potest stare ; quia enio
humanae
natarae in Christo tenniData ert ad uuam esïc personae divinae... Sed
TûiiiDtas
alicujus sancti non assomitor io unitatem sappositi Spiritas sancti. s
(S. Th.,
lib. I, Sent., dist. xtrii, q. i, a. 1.)
EXPOSITION
ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PFTAU i^SS
Dans un
autre passage, l'angélique Docteur se montre
l'adversaire
sinon plus résolu, du moins plus formel encore,
de
l'habitation personnelle du Saint-Esprit; car il y déclare
en propres termes que la venue ou l'inhabitation divine par
la grâce convient à toute la Trinité : Et ideo adventus vel
inhabitatio convenit toti Trinitati^. Si elle est commune
aux
trois personnes, elle n'est donc pas la propriété, l'apanage
exclusif de l'Esprit-Saint.
Cette conclusion, dont la clarté ne laisse rien à désirer,
est formulée par le saint Docteur à propos de la question
suivante :
Toutes les personnes divines sont-elles suscepti-
bles de mission? Ufrum mlssio conveniat omnibus personis.
La réponse
de saint Thomas est négative, et la raison qu'il
donne
péremptoire. Voici comment nous pouvons proposer
son
raisonnement. La mission d'une personne divine sup-
pose deux
choses : en premier lieu, son origine éternelle
d'-^iï. autre personne ; puis, un nouveau mode de présence
atî V^rme de sa mission, et, comme fondement de cette
Xirestiice, un effet produit, un don conféré à la créature à
1 '.«TOlie
elle est envoyée '. Cet effet n'est autre que la grâce
sanctifiante
; car seule, avec les dons qui l'accompagnent,
elle est
capable de nous unir immédiatement à Dieu comme
à l'objet de notre connaissance et de notre amour.
La mission
d'une personne divine est donc le signe au-
thentique,
la preuve irrécusable que cette personne procède
d'une
autre. Aussi le Fils et le Saint-Esprit peuvent bien
être envoyés, mais non le Père, ni la sainte Trinité ^ Il en
va autrement de l'inhabitation qui convient à toutes et à
chacune des personnes divines, voire à la Trinité elle-même;
1. S. Th.,
lib. I, Sent., dist. xv, q. ii, a. l, ad 4.
2. « In
missiooe non tantum est effectus doni creati creatarae collati, sed
eliam ponitur auctoritas alicujus principii respecta ipsius
missi. »
« In omni missione oportet quod ponatur aliqua auctoritas
alicujus ad
ipsum missura. In divinis aatem personis non est auctoritas
nisi secundum ori-
ginem; et ideo nulli peraonae divinœ convenit mitti, nisi ei
qui est ab alio,
respeclu cujus polest in alio designari auctoritas; et ideo
Spiritus Sanctus et
Filius
dir:untur mitli, et non Pater vel Trinitas ipsa. » (S. Th., lib. I, Sent.,
dist. XV,
q. Il, a. 1.)
3. « Uude
in missione peraonae coguoscitur persona ab alla esse. Et quia
hoc non
convenilr toti Trinitati nec ipsi Patri, ideo non potest dici Pater vel
Trinitas
mitti. » Ibid., ad i.
^54
APPENDICE
car si elle
suppose un nouveau mode de présence, elle n'im-
plique pas
nécessaii'ement mission.
m
Mais,
objecte ici saint Thomas, puisque le Père se trouve
partout où
est le Fils ou le Saint-Esprit, et qu'on dit de
ceux-ci qu'ils sont envoyés à cause du nouveau mode de
présence qu'ils ont dans la créature, il semble que le Père
est envoyé avec eux et comme eux, et que la mission con-
vient ainsi h toute la Trinité.
A. quoi il répond : 11 est très vrai que le Père est partout
où se trouvent le Fils et le Saint-Esprit ; car, à cause de
la
mutuelle existence des personnes divines les unes dans les
autres, chaque fois que le Fils est envoyé, qu'il s'agisse
de
son
avènement dans la chair ou de sa venue spirituelle
dans les
âmes, le Père vient également, ainsi que l'Esprit-
Saint. Et
par conséquent la venue ou l'inhabitation con-
vient à la
Trinité tout entière : Et idso adventas vel inha-
bitaiio
convenu toti Trinitati. Mais comme la mission ajoute à
cette présence particulière quelque chose de plus, savoir la
procession de la personne envoyée, elle ne peut convenir
qu'à celles des personnes divines qui tirent d'une autre
leur
origine. La
mission n'apparti<înt donc qu'au Fils et au
Saint-Esprit
et ne convient point au Père ui à la sainte
Trinité ; l'inhabitation, par contre, est commune aux trois
personnes *.
Et pour qu'on ne soit pas tenté de dire, avec Petau, que
si la grâce nous vaut la présence effective des trois per-
1. « Cum Paler sit ic F ilio, et Filius in Patra, et nterqne
in Spiritn sancto,
quandû
Filius mitlitur, simul et venit Pater et Spiritus sanclus. sive intelliga-
tur de
advenlu Filii in carnem, cum ipse dicat (Joan., yiu, 16) ; Solus non
sum, sed
ego, et qui misil me Pater ; sive intelligalur de adveutu in men-
tem, cum ipse dioat (Joan, xiv, 23) : Ad eum veniemus, et
mansionem apud
eum faciemus. El ideo adventus vel iuliabitatio couvenii
toti ïrinilati... Sed
mifsio
super hoc addit aucloritatem alicujus respectu personae quœ lurtli dici-
lar ; et
ideo non poLest convenire nisi persons quie e«t aL alio principio. »
Ibid., ad
4.
EXPOSITION
ET RÉFUTATION DE L'OPINION DE PETAU 455
sonnes,
seul pourtant le Saint-Esprit est le terme direct et
immédiat de
l'union, le Père et le Fils n'étant en nous que
par concomitance et indirectement, saint Thomas se hâte de
faire observer que la venue et la présence en nous de l'hôte
divin s^
produisent en raison d'un effet qui nous unit non
pas au Saint-Esprit, ou à telle autre personne en parti-
culier, mais à la Trinité elle-même : Et ideo adventus vei
inhabitatio convenit toti Trinitati : quœ non dicuntur nisi
ra
tione ejfectus conjangentis ipsi Trinitati ^ .
Pour bien comprendre le sens de ces paroles, il faut se
rappeler que, d'après la doctrine de saint Thomas, la pré-
sence de
Dieu dans les choses créées est fondée sur son opé-
ration, et
suppose par conséquent dans la créature un effet
qui
requiert pour sa production et sa conservation l'action
immédiate
du Créateur, l'application de son activité, et
partant le contact de sa substance. Et s'il s'agit non pas
simplement de la présence ordinaire de Dieu à titre d'agent,
mais de sa présence spéciale comme objet de connaissance
et d'amour,
en d'autres termes, de son inhabitation dans
une âme,
aucune perfection créée autre que la grâce sanc-
tifiante
avec les dons qui l'accompagnent n'est capable de
produire en
elle un si précieux résultat. Or la grâce, comme
toute œuvre extérieure, procède de la Trinité tout entière,
de Dieu en tant qu'un, et c'est à Dieu un et trine, à Dieu
en tant que
souverain bien et fin dernière de tout être
qu'elle
nous unit : quœ non dicuntar nisi raiione effedus
conjangentis ipsi Trinitati. Que conclure de là, sinon que
l'union de Dieu avec nos âmes, qui est le fruit de la grâce,
l'inhabitation
divine en un mot, appartient indistinctement
aux trois personnes, à la différence de Tunion opérée en
Jésus-Christ entre l'humanité et la divinité, union qui est
propre à la personne du Verbe ?
S'il en est ainsi, pourquoi attribuer à une personne
plutôt qu'à une autre certains effets de la grâce et la pré-
sence de la Divinité qui en est la conséquence ? Pourquoi,
par exemple, attribuer au Fils la collation des dons qui
perfectionnent
l'intelligence et dire qu'il vient en nous
quand nous recevons le don de sagesse ? Pourquoi répéter,
1. Ibid., ad 4.
456 APPENDICE
à la suite de l'Apôtre, que la charité a été répandue dans
nos cœurs par le Saint-Esprit, et que le donateur accom-
pagne lui-même ses dons * ? Saint Thomas nous en donne
la raison. C'est, dit-il, parce que, en vertu de la loi
d'appro-
priation,
ces différents effets sont de nature à nous amener
à la connaissance d'une personne plutôt que d'une autre,
par suite des rapports de similitude qui existent entre tel
don créé et
les propriétés de telle personne : Qaamvis itle
effedus
(conjungens toti Trinitati) ratione appropriationis
possit
dacere magis in unam personam quam in aliam *.
Lors donc que l'Écriture ou les Pères nous représentent
l'Esprit- Saint comme l'auteur de la grâce et de la charité
et l'hôte de nos âmes, au lieu de vouloir trouver dans ces
expressions le signe manifeste d'une causalité particulière
à
ce divin
Esprit, ou l'indice d'une union directe et immé-
diate avec
nos âmes qui lui serait personnelle, il n'y faut
voir qu'une
appropriation fondée sur le rapport d'analogie
qui existe entre les dons de la grâce et la caractéristique
de
l'Esprit-Saint.
il est, en effet, tout naturel d'attrihuer les
effets de
l'amour, comme la grâce, la charité, l'inhabitation
divine, à
celle des personnes divines qui procède en qualité
d'amour.
Tel est
l'enseignement de tous les scolastiques, telle l'in-
terprétation
qu'ils ont constamment donnée aux textes mis
en avant
par les tenants de l'habitation propre au Saint-
Esprit.
Tous enseignent formellement qu'il n'y a pas d'union
plus
réelle, plus immédiate avec la troisième personne de la
sainte
Trinité qu'avec le Père et le Fils.
IV
Cette
considération n'a point arrêté Petau. À l'encontre
de saint Thomas, à l'encontre des représentants les plus
autorisés de l'exégèse scripturaire et de la science théolo-
gique, il
prétend que la loi d'appropriation est insuffisante
i. Rom., y,
5.
2. S. Th.,
/^enr, dist. xt, q. ii, a. i, ad i.
EXPOSITION
ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU 457
à expliquer les paroles de TEcriture et des Pères, et que,
pour
conserver leur enseignement dans toute son intégrité,
il est nécessaire d'admettre un mode de présence divine,
dans les
justes, qui soit vraiment personnel au Saint-Esprit.
Ne lui demandez pas en quoi consiste cette présence par-
ticulière, il vous répondrait que sa pensée sur ce point
n'est pas encore définitivement arrêtée, que la nature de
cette union
n'a pas été suffisamment explorée et mise en
lumière, et
que les saints Pères n'en ont pas déterminé clai-
rement les
conditions ^ Ce n'est pas, en tout cas, une
union
substantielle, ni hypostatique, aboutissant à une unité
de nature ou de personne ^ Mais ce qui lui paraît certain,
c'est que la présence de la Divinité et son habitation dans
les âmes
justes n'appartiennent pas également, et au même
titre, ex œquo, aux trois personnes ; et que l'union se fai-
sant non
pas directement avec la nature divine, mais avec
la personne
du Saint-Esprit, ou, pour employer ses expres-
sions, avec
la nature divine en tant qu'elle subsiste dans
l'Esprit-Saint
\ est en réalité l'apanage de ce divin Esprit,
1. « Patrura illa leslimonia, qnae in antecedenti
capiledescripta8unt... pecu-
liarem esse sancto Spiritui modum illura nescio quem
ostendere videnlur; quo
justificando formatur a Dee j'usti mens, ut loquitur
Augustinus (I. III, de
Trin., cap.
viii), et quo cum illis copulatur in iisque rersatur, alque habilal,
non commun!
illa ratione, qua creata omnia immensitate sua permeat, sed
propria, necdam salis explorata ; qualem esse aliquam tanta
illa sacroruic
Toluminum, ac sanctorum Patrum auctoritas evincit ; non
tamen liquide nobis,
et aperte rim ejus, et condilionem edisseruut. » (Petav., de
Trin., 1. VIII,
cap. VI, n. 6.)
2. « Oslendimus non semel, conjunctionem i!lam Spiritus
sancti, nequ»
(puaixi|v, neque oiioCTaTixfjv esse, hoc est, neque
naturalem, neque
personalem : quasi una fiât ex ambobus natura vel persona. »
{Ibid. cap.
Tiii; n. 12.)
3. Dans le compte renda du présent oarrage, qu'il eut
l'obligeance de pu-
blier dans la Semaine religieuse de Nancy et Toul (n. du 28
janvier, 4,
11 et 18 février 1899), M. le chanoine Mangenol, professeur
d'Ecriture sainte
an grand
séminaire de Nancy, crut devoir prendre la défense de l'opinion de
Pelau —
c'était son droit — et, pour en montrer la parfaite orthodoxie, il
s'efforça d'établir que l'union de la Divinité avec l'âme
juste peut être propre
au
Saint-Esprit sans être hypostatique. Voici ses paroles :
K Cette
union de la Divinité avec l'âme juste n'est pas substantielle, puis-
qu'elle
survient à cette âme déjà constituée dans son essence propre et que
tout ce qui
se surajoute à une essence n'est qu'un accident. Elle est encore
moins
hypoëtatique, car ce n'est pas la personne du Saint-Esprit dans ce
qn'elle a de propre et de distinctif, qui s'unit à l'âme
régénérée. Cependant
458
APPENDICE
auquel elle
appartient en propre, tandis qu'elle ne convient
au Père et au Fils que d'une manière indirecte et par con-
c'est le Saint-Esprit qoi s'onil directement à e«tt« âme,
mais par Vessenee di-
vine,
commune aux trois personnes, en tant qu'elle subsiste en luL Seul, il
nous est
ainsi uni physiquemeal, immédialemenl, quoique accidentellement ;
et les deux
antre» personnes de la sainte Trinité, le Père et le Fils, ne sont
en nos âmes que médiatemenl, par concomitance, en vertu de
leur inséparabi-
lité d'avec
l'Elsp rit-Saint. C'est pourquoi elles ne nous sont pas unies ; elles
habitent seulement en nous. » (Semaine religieuse de Nancy,
a. da 4 fé-
vrier 1899, p. 115.)
M. Mangenot a parfaitement raison de déclarer, à la suite de
Petan, qne
l'union de
la Divinité arec les âmes justes n'est pa» nnc union substantielle,
ni
hypostatique ; on ne pourrait, en effet, soutenir le contraire sans tomber
dans nne grave erreur. Mais quand il prétend que cette union
est propre au
Saint-Esprit,
à l'exclusion d«s antres personnes, sans être néanmoins kypo-
siatigue, U affirme deux choses qui paraissent vraiment
contradictoires. En
eiiet, ou
l'union se fait directement avec l'essence commune, et dans ce cas
elle
appartient indistinctement aux trois personnes ; ou bien elle se fait dans
ce qui est
propre à l'une d'entre elles, dans son hypostase, et alors elle lui
appartient
à un titre particulier, elle lui est personnelle, mais elle est en
même temps bvpostaliqne.
Voilà pourquoi Petau, ne sachant comment expliquer ce mode
particulier de pré-
sence qu'il
disait propre au Saint-Esprit, et non hypotastique, se plaignait que
les Pères
ne l'eussent pas suffisamment exploré et mis en lumière et n'en eussent
pas
clairement déterminé les conditions : Non tamen liquida nobis, et aperte
vim ejus,
et conditionem edisserunL (De Trin., 1. VIII, cap. vi, n. 6.) Voilà
pourquoi il
refusait, dans son embarras, de faire connaître son propre senti-
ment, et
qu'il en remettait à plus tard la manifestation, sa pensée n'étant pas
encore, disait-il, assez fixée sur ce point : Nostram igitur
quœ privatim sit
opinio, vel non dico, quia rem nondum compertam salis habeo
; vel hoc
loco non dico. (îbid.) En même temps, il recommandait d'user
de prudence et
de circonspection, pour ne pas restreindre à l'excès ou
étendre outre mesure
la grandeur de ce bienfait.
M. Mangenot croit posséder la solution qui avait échappé à
calai dont il se
déclare le disciple fidèle. Voici l'explication qu'il nous
donne. L'union de la
Divinité avec l'âme juste est vraiment propre à la troisième
personne ; « car
c'est le Saint-Esprit qni s'unit directement à celte âme par
ressence divine,
commune aux
trois personnes, en tant qu'elle subsiste en lui. « Elle n'est
pas
hypostatique, « car ce n'est pas la personne du Saint-Esprit, dans et
qu'elle a de propre et de distinctif, qui l'rrait à l'âme
regénérée ».
Une simple
observation. Comme en Dieu l'essence on la nature ne se dis-
tingue pas
réellement de la personne, on ne peut employer l'expression rédu-
plicalive
snivante : Vessenee divine, en tant qu'elle subsiste dans le Saint-
Esprit,
sans désigner par le fait même la subsistance on la personne de ce
même Esprit. Par conséquent, dire que l'uoion se fait «
entre l'âme régénérée
et
l'essence divine, commune aux trois personnes, mais en tant qu'elle subsiste
dans le
Saint-Esprit », c'est dire bon gré mal gré qu'elle se fait dans ce que
ce divin
Esprit a de propr* et de distinctif, en on mot dans m personne ei
éans son
hypo»tase.
Péthn
l'avait bien compris. Aassi, aprè« aroir employé la formule reprodait«
EXPOSITION
ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU ^Sg
comitance
*. Et pour doniier une certaine idée de ce qu'est,
à son avis,
ce mode particulier d'union, il déclaTe que TEs-
prit-Saint
informe en quelque sorte les âmes des fidèles, les
par M.
MaBfMiot, après atoir dédnré qae « ronron dn Saint-fîgprit avec les
àmos justes convienl à l'essMic* divine commune ans trois
p*;rî;u^iu«s, mais en
tact
qu'elle subsiste dans l'Esprit-Saint, en sorte qu'il y a entre les justes et
l'Espnit-Saint
une union qui ne convient pas de la même manière aux autres
personnes », (De Trin., 1. VIII, c. n, n. 6) le docte
jésuite s'enipresse-t-il
d'ajouter,
pour bien expliquer sa pensée ; « L'Esprit-Saint est doue uni aux
justes par
un mode d'union vraiment singulier et lui appartenant en pj-opre :
Proprie ergo et singulari modo Spiritus sanetus cum iis quos
sanctos jacil,
conjungitur,
et inest ipsis. Par conséquent, c'est suivant ITiypostase, et non pas
genlement selon la nature que cela lui convient : Proinde
secundum hypo-
stasim, non secundum essentiam dumtaxat hoc illi convenit. n
Et il en
donne immédiatement une preuve péremploire, à savoir que «
tout ce qui est
propre à une personne lui convienl à raison de son hypostase
et non de
l'essence divine : Nam quidquid proprium est personœ
cujuspiam, hoc ra-
tionem hypostAsis, non essentUs sequitur. » (Ibid.)
M. Mangenot uous permettra de lui faire observer
respectueusement qu'en
parlant
comme il l'a fait, en disant que l'union de la DivlDité avec l'àme juste,
quoique
propre au Saint-Esprit, n'est cependant pas hypostalique, « car ce
n'est pas
la personne du Saint-Esprit, dans ee qu'elle a de proprs et de dis-
tinciif,
qui s'unit à l'âme régénérée, c'<€st l'essence divi7ie, commune aux trois
personnes,
en tant qu'elle subsiste en lui » (Semaine religieuse de Naiicy,
du 4
février), il s'est tout à la fois mis en contradiction avec Petau, dont il
interprèle
mal la pensée, et en apposition avec la Térité.
Et p^is,
que peut bien être cette uuion accidentelle de la Divinrié avec nés
imes que l'on attribue en propre à l'Esprit-Saint, et que
l'on oi>pose à la
simple
habitation ? « Seul, dit-on, l'Esprit-Saint nous est ainsi uni physique-
ment,
immédiatement, quoique accidentellement ; et les deux antres personnes
de la sainte Trinité, le Père et le Fi^s, ne sont en nos
imes qne médiatement,
par concomitance, en Terlu de leur iaséparabiliié d'avec
l'Esprit-Saïut, c'est
pourquoi
elles ne nous sont pas unies, elles habitent seulement en nous. »
(ibid.)
Mais dès
lors qu'elles habitent en nous, elles nous sont réellement unies
d'une union
qui peut être, il est vrai, plus ou moins intime, et qui comporte
bien des
degrés, mais enfin d'une union véritable. Aussi l'Ecriture et la Tradi-
tion se
servent-elles indifféremment des termes d'union et d' inhabitation, pour
désigner la présence de Dieu en nous par la grâce. Bien plus, Léon XIII. dans
son
Encyclique Divinum illud munus, va jusqu'à déclarer que « cette admirable
union est
appelée de son vrai nom inhabitation : ffœc autem mira conjunctio,
qucB suo
nomine inhabitatio dicitur... »
1. « Quod
ex antiquorum... testimoniis sequi videtur, id est ejnsmodi : Illam
cum justorum animis conjunctionem Spiritus sancli, sive
statum adoptivorum
filiorum. communi quidem personis tribus convenire
divinitali, sed quatenns in
h^po'stasi, sive persona inest Spiritus sancti adeo, ut
cerla quaedam ratio sit,
qua se Spiritus sancti persoaa sanctorum jastoruraque
mentibus applicat, quœ
céleris personis eodem modo non competit. » (Petav., de
Tinn., 1. VIJil, c. ti,
n. 6.)
460 APPENDICE
rendant justes, saints, enfants de Dieu, par l'application
de
sa substance.
Le docte jésuite n'ignore pas que, en parlant de la sorte,
il s'écarte
du sentiment commun, il en fait même l'aveu
très loyal.
« Les théologiens, dit-il, enseignent généralement
que cette union ou habitation de Dieu dans les justes est
attribuée
au Saint-Esprit par une sorte d'accommodation,
mais qu'elle con\1ent en réalité aux trois personnes, de
même
que la puissance est attribuée au Père, la sagesse au Fils,
la
sainteté et
la charité à l'Esprit-Saint, bien que ces attributs
appartiennent
indistinctement aux trois personnes. Mais,
ajoute-t-il, les témoignages des Pères indiquent quelque
chose de plus, plus aliquid significant, et désignent je ne
sais
quel mode de présence personnel au Saint-Esprit, et distinct
de la présence d'immensité*. »
Qu'est-ce qui a pu entraîner un homme aussi éminent en
dehors des sentiers battus, et lui persuader qu'il ne
faisait
pas fausse
route en abandonnant sur un point de cette im-
portance la
doctrine traditionnelle? Serait-ce une étude plus
approfondie
des divines Écritures, ou une connaissance plus
ample, plus
sérieuse, plus complète des enseignements des
saints
Pères? Nous ne le pensons pas. Saint Thomas avait
étudié et
scruté, lui aussi, nos saints Livres; il avait com-
pulsé les
écrits des Pères. Il suffît de jeter un coup d'œil sur
sa Chaîne
d'or pour se faire une idée de l'immense érudition
qu'il
s'était acquise; et cependant, loin de trouver insuffi-
sante
l'interprétation commune, il l'avait non seulement
adoptée
pour son propre compte, mais encore défendue,
avec les
lumières de son génie, contre les innovations du
Maitre des
Sentences et de ses partisans. Quelle est donc
alors
l'origine véritable, la vraie cause de l'opinion singulière
de Petau? Voici, sauf meilleur avis, ce qui nous paraît res-
sortir de ses propres paroles.
Petau avait doctement établi le fait de la présence subs-
1. (( Vulgo fere theologi qnad&m aeeommodatioDe pntant
illam ivcoçiv, et
babitationem in juslis assignari Spiritai sancto, eom rêvera
in omnes personas
compelat, sicut poteulia Patri, Filio sapientia, Spiritai
sancio saactitas et cha>
ritas allribuitur, cum haec omnia promiscoe ad très persooas
applicealur. Sed
enim Palrum illa teslimouia, quae in anteccdenti capile
descripla sunt, plu»
aliq lid
significant. » (Petar., de Trin., 1. VIII, c. vi, n. 5.)
EXPOSITION
ET RÉFUTATION DE L'OPINIOR DE PETAU 46 1
tantielle
de l'Esprit-Saint dans l'âme juste; il avait prouvé,
avec une
érudition de bonaloi, que ce n'est point seulement
par son
opération et par ses dons que ce divin Esprit réside
en ceux qui
ont la grâce, mais qu'il habite réellement et
substantiellement
en eux, et qu'il y possède un mode de
présence spéciale, absolument distincte de celle par
laquelle
il est en
toutes choses. Il pouvait donc, sans crainte d'être
démenti, déclarer que ceux-là seuls refusent d'admettre
cette vérité qui sont moins versés dans l'étude et la
connais-
sance de l'antiquité. Jusque-là il était dans le vrai.
Mais quand il est question d'expliquer ce mode particulier
de présence, et d'en bien préciser la nature, il hésite, il
se
trouble, e) , ne comprenant pas ce que peut bien être l'inha-
bitation divine par la grâce, si c'est par cette même
substance
qui remplit tout, que Dieu se trouve dans les justes*, il
est
amené, en désespoir de cause, à préconiser une union qui
.se ferait
non plus dans la nature commune aux trois per-
wnnes de l'adorable Trinité, mais dans la subsistance même,
dans
l'hypostase du Saint-Esprit ; une union qui appartien-
drait par conséquent d'une manière spéciale à ce divin
Esprit et
constituerait une propriété personnelle ^ Nous
osons croire que si Petau avait connu et compris l'ensei-
gnement de saint Thomas sur les différents modes de pré-
sence divine, il ne se serait pas jeté, sous le vain
prétexte
de revenir à l'antiquité, dans d'aussi malencontreuses inno-
vations. Mais nous avons eu beau parcourir les différents
chapitres
relatifs à l'habitation du Saint-Esprit dans les justes,
nous n'y
avons pas trouvé la moindre allusion aux doctri-
nes de l'angélique Docteur sur cette question ; partout il
se
contente
d'opposer son opinion personnelle, qu'il attribue
aux anciens Pères, au sentiment commun de l'École.
1. « ExplJcari aon potest, qaae sit illa tandem o\)Çi03hj\ç,
praesentia, vel
«xistentia propna jastornm, et ab natarali, commaniqae
diversa. Namsi jostos
istos eadem jam qui creatas res omaes occapat, snbstantia
sua Deus implet,
quae potest esse nova illa praesentiae altarias accessio? »
(Petav., de Trin.,
l. VIII, c. Y, n. 21.)
2. « Proprie ergo, et singulari modo Spiritas sanctus cum
iis qnos saoctos
faeit,
conjuDgitur, et inest ipsis. Proinde secnndam hypostasim, noD secnndam
essentiam damtaxat hoc illi conrenit. Nam qaidquid proprinm
est persons
«ajQspiam, hoc ratiooem hypostasis, aon essentiae seqoitar.
» (Ibid., c. ti, q. 6.)
kBr 4P^Nmcfi
Abordons
maintenant les raisons sur lesquelles le célèbre
jésuite a basé sa théorie de l'union particulière de
l'Esprit-
Saint avec
les justes, union propre a la troisième personne
et qui ne convient pas de la même manière aux deux au-
tres : qûdê ceteris personis eodem modo non competit^. Après
les avoir
clairement et loyalement exposées, il sera plus
facile d'en montrer l'inanité et l'inconsistance.
Ces raisons peuvent se ramener à trois : à savoir, que
l'Esprit-Saint
est personnellement le don de Dieu, la puis-
sance sanctificatrice,
le lien entre la Trinité et nos âmes.
"Voici
comment raisonne le docte théologien.
C'est une
propriété personnelle du Saint-Esprit d'être
Don,
c'est-à-dire, suivant l'explication de saint Augustin,
de pouvoir être donné. Si lui seul, à l'exclusion des autres
personnes, est susceptible de pouvoir être donné, lui seul
aussi sera effectivement donné. Or, en quoi consiste celte
donation, sinon à venir dans les âmes par suite de la mis-
sion invisible reçue du Père et du Fils, à habiter en elles,
à
les informer en quelque sorte par l'application de sa propre
substance et à les rendre par là justes et saintes? Donc ce
mode de présence est propre à l'Esprit- Saint, et ne saurait
être attribué à une autre personne*.
1. « Certa quaedam ratio est, qua se Spiritas saacti persona
eaDctorum jus-
tornmque mentibas applicat, qn» céleris personis eodem modo
ood compelit. »
(Pelav., de Trin., 1. VIII, c. ti, n. 6.)
2. u DoDum esse, personalis est Spiritas saocti proprietas,
id est, ut Âu^us*
tious explicat, donabile esse... Si dooari posse, singulare
est Spirilui sancio,
neque aîleri personae congruat; erit actu donari propiium
ejusdem. Hocautem
est iaformare veluti fidelium aaimos^ et sanctos justosque
facere. Pro-
prius est ergo saacti Spiritus iste ipse modus ; neque
persouae alteri potest
adscribi. Nam si eodem modo daH potest sâltem Filius, ut
oraittam modo
Patrem, période donabitis est Filins, ac Spiritus sanctiis,
et idciï'co non minus,
qaam hic, erit ille Spiritus sanctus, quoniam idem est
donabile esse, quod est
«ftse Spiritum sanctom. Hoc Tero falsum est, et impium
dicta. Igitur noii est
•olum donabile, sed etiam donum, vel potius daium, eo modo,
qûo non est
Pater, aut Filius. Porro datum esse, nihil aliud est, quam
missum et applica-
tam esse, et in justis habitare. Propfie ergo et singulari
modo Spiritus sanctus
cum iis quos sanctos facit, conjungitur, et inest ipsis.
y> (Petav., de Trin^
1. VIII. c. Tï, n. 6.)
EXPOSITION ET RÉFUTATIQK DE L'OPINION DE PETAU 463
Même concli^ision est tirée des paroles 4e quelques Pères
attribuant
à l'Jîsprit- Saint la vertu sanctificatrice d«s âmes.
Ce qui donne, dit Petau, à nos conjecture^ sur le sentiment
des anciens
uji appui très solide, c'est qu'un certain nombre
de Pèreg
greç«, et les plus recommandables par l'autorité et
le savoir,
saint Basile, saint Cyrille, Kuloge, saint Jean Da-
mascène,
considèrent cpramie une propriété personnelle du
Saint-Espdt la puissance qu'il ^ de sfti>ctiQ£r les
créatures.
Au jugement de saint Basile, cette vertu samctificatrice
serait un des caractères distinçtifs de I4 troisièrjoe
personne
et lui appartiendrait aussi spécialement que la paternité au
Père, et la fili^tiou au Fils. S'il en egt ainsi,
ajoute-t-il, que
conclure, sinon que, d'après la pensée de ces Pères, le
Saint-
Esprit doit
avoir, dans l'oeuvre de notre sanctification, un
rôle
particulier, une part spéciale, que l'on ne saurait attri-
buer aux deux autres personnes? Et comme l'état de gr^ce
et d'union à Dieu est constitué non par up.e simple opéra-
tion, mais par une sorte d'application de la substance même
de l'Esprit-SaJi^t aux âmes justifiées, il est évident que
ce
divin
JEsprit leur est Ufii non seulemcut par La nature
divine qui
lui est commune avec Je Père et le Fils, maisencor*
par ce qui
lui appartient en propre, par sop hypostase • .
Vn dernier argument apporté par Petau, et sur lequel
certains théologiens modernes, Scbeeben entre autres,
insistent de préférence pour étabUr que l'inhabitatio»
divijie
1. « PrsBterea raliiTissiine ex ee nestra d« Teteram seasa
conjectara fulcitar,
quod.., Ç.rseci aliquot Patres, iique auctoritaste
acéactrioa primarii, utBasilina,
Cyrillus, Eulogias, Jpaonçâ D^wa^ceaus, pejrsofl^ilera S^ûus
sancti propjiei^r
tem..., qua videlicet ab duabus rel iquis discernitnr,
constituunt in sancti ficationt,
sive sanctificatrice ac perfectrice vi et virtute...,qn3i
angeli hominesque sancti
fiuntac justi. Basilius enim ibioojia Tf\(; à^\ac,x\'Kr\ç,
bvvàneai<i, proprietatem
virtutis sancti ficatricis, tam peculiarem personae dicit
esse Spirilas wncti,
qaam m p<ittemiUis Patrie, fiU&tas Fiiii... Q»oiù vernm est, quid aliad con-
cludi
potest, juisi id, quod suspicione nostE^ perMrjnxUnus, e^ illorjuai, qui it*
locuti
sunt, meate, Spifitvim sanctppi pwpriag qi^s^sd^jm bfiere partes iû sano
Hficandi,
çt âd<>pt4vi A>rwaodi status pegoti^, qtise «etiquis duaiMis pe^onu
BeaU^uam
triJ>u«Bltor, utpoie quajp illi pftrsonalaip ejsse qatam existimant'?
Clam autem applicatione quadam Spiritas sancti, id est
«abstaotise ipàas, non
aal£(B «fficifiiiti» soiius coo^taw staitue» iïïxm
ja&tiliae, *c propinquitatis com
Deosaoetorum... ; eyidea» est «on naturae sdlufii diri»»
sjijfijlijs sancti, sed
«tiAm pflfsopae, yei nat^içae^ ut «si taU alfecta persouaU
proprietate, conjuuc-
tionem illam impatari ab antiquis Patribus. 9 (Ibid., n. 7.)
464 APPEISDiiVB
par la grâce est propre au Saint-Esprit, c'est que, au
témoi-
gnage d'un certain nombre de Pères, l'union de nos âmes
avec Dieu se fait par l'intermédiaire de ce divin Esprit.
Écoutons saint Cyrille d'Alexandrie, celui de tous les Pères
qui, au dire de Petau, a été le plus particulièrement
suscité
de Dieu
pour développer ce grand mystère : « Jésus-Christ,
dit-il. nous a envoyé du ciel le Paraclet par lequel et dans
lequel il est avec nous et il habite en nous ' . » Et encore :
« Comme le
Sauveur habite en nous par l'Esprit-Saint, le
Père ne
peut manquer d'être lui aussi avec nous ; car l'Es-
prit du
Christ est en même temps celui du Père... .Te poserai
donc à ceux qui après avoir, dans leur profonde ignorance»
embrassé
l'hérésie, aiguisent leurs langues contre l'Esprit-
Saint, la
question suivante : Si le Saint-Esprit est une créa-
ture, comment se fait-il que ce soit par lui que Dieu habite
en nous? Quomodo habitat in nobis per ipsum Deus *? »
Ces paroles, et une multitude d'autres semblables qu'il
serait facile d'apporter, n'indiquent-elles pas clairement
que
l'Esprit-Saint est, suivant une expression significative
employée par l'antiquité, le lien qui relie nos âmes à la
Tri-
nité sainte, et que notre union à Dieu s'opère directement
et
immédiatement avec la troisième personne et, par elle,
en vertu de l'identité de nature, avec les deux autres?
Toute la Trinité habite donc en nous, grâce à la présence
de
l'Esprit-Saint, de même qu'en Jésus-Christ habitent le
Père et le
Saint-Esprit. Mais de même que, dans le mys-
tère de l'Incarnation, il y a une union propre au Verbe qui
seul s'est incarné; ainsi, dans l'œuvre de notre
sanctification,
il y a une
union exclusivement propre au Saint-Esprit, car
c'est lui
qui est la cause prochaine et pour ainsi dire for-
melle de
l'habitation des deux autres personnes '.
1. S.
Cyrill., Dialog., tii.
2. «
Habitante in nobis Seryatore nostro Christo per Spiritnm laactnm, erir
qnoque
oranino nobiscum et Genitor ; nam SpiritasChristi idem est et Palris...
Libenter autem interrogaverim eos, qui prae multa inscitia
hôeresim complexi
adversus
glomm Spiritus lingnam armant... : Si creatus est Spiritus et a Dei
•ubstantia, ut Tuilis, aliénas, quomodo habitat in nobis per
ipsum Deus? »
(S. Cynl., inJoan., xiv, 23.)
3. « Releganiur omnia veterum Patnum testimonia, qnae
sopenns exposit»
funt..., invcniemns eorum pleraqne teslari, per Spintura
sanctum hoc fieri,
telut proximam causam, et ut ita dixerim, formalem. »
(Petar., de Trin.y
l VIII, cap. Ti, n. 8.)
EXPOSITION ET RÉFUTATION DE L'OPINION DE PETAU ^65
Voilà, brièvement mais fidèlement résumées, les preuves
sur lesquelles les tenants de l'inhabitation personnelle du
Saint-Esprit
ont tenté d'étayer leur opinion. Voyons quelle
en OBt la
valeur.
Yl
Et d'abord,
de ce que le Saint-Esprit est, en vertu même
de son mode de procession, le don de Dieu — Altissimi
donam Dei, comme chante l'Eglise, — faut-il conclure avec
Petau qu'il soit seul donné et qu'il ait avec nos âmes un
mode d'union, de présence, d'habitation qui lui soit vrai-
ment
personnel? ISullement.
Ce nom de
don est du genre de ceux qui ont une double
signification
: l'une, absolue et essentielle, par laquelle il
convient
aux trois personnes ; l'autre, relative et notionnelle,
par
laquelle il désigne une personne en particulier comme
ayant un
titre spécial à cette dénomination. Pris dans son
acception
absolue, il convient à Dieu considéré dans sa
nature et
sans distinction de personnes ; car, suivant la
remarque de saint Thomas : « le don est, à proprement par-
ler, une donation faite par pure libéralité et sans
espérance
de retour, par conséquent une donation gratuite. Et comme
la raison d'une donation gratuite n'est autre que l'amour,
car, si nous donnons quelque chose à quelqu'un, c'est que
nous lui voulons du bien, il en résulte que l'amour par
lequel nous voulons du bien est la première chose que nous
donnons *.
» Don et amour sont donc deux expressions cor-
rélatives et en quelque sorte synonymes. Or, Dieu est
amour, Deus charitas est^, c'est le fond de sa nature ;
est-il
étonnant qu'il nous aime et que, non content de déverser
en nous, comme autant de témoignages de dilection, des
1. « Sciendum est qnod donnm proprie estdatio irredibilis,
id est, qaod non
datur intentione retribntionis, et sic importât gratuitam
donationem. Ratio
autem gratuitae donationis est amor ; ideo enim damus gratis
alicui aliquid,
/^nia volumus ei bonum. Primum ergo qnod damus ei, est amor
quo volumuf-
«i bonum. »
(S. Th., Summa theolog., 1, q. ixxyiii, a. 2.)
%. I Joaa.,
iT, 16.
HAB.
SAINT-BSPRIT. — 3o
4fi6
APPENPICB
bienfaits
sans nombre, il veuille être lui-niême notre bien,
le don p^v
excellence, dont la pleine possession doit faire un
jour notre béatitude, ego meroes tua magna nimis ^ et dont
la communication réelle, quoique imparfaite, constitue
dès ici-bas comme un avant-goùt de la félicité future?
Le Père, lui aussi, est amour, et, comme tel, suscep-
tible
d'être donné ; et, de fait, en venant dans les âmes jus-
tes, il se donne à elles comme objet de connaissance et de
fruition
commencée. Le Fils est amour comme le Père, et,
après avoir
été donné aux hommes dans l'incarnation, sui-
vant cette
parole de saint Jean : « Dieu a tant aimé le
monde qu'il
lui adonné son Fils unique' », il leur est
donné
encore chaque jour dans la mission inAi^ible qui a
pour but
l'illumination et la sanctification des âmes. Le
Saint-Esprit,
ayant une seule et même nature avec le Père
et le Fils,
est conjointement avec eux amour et don : il est
donné et il se donne aux justes.
Mais, en outre de cet amour essentiel et de cette aptitude
à être donné, qui lui sont communs avec les deux autres
personnes,
l'Esprit-Saint est don â un titre spécial, qu'il ne
partage ni
avec le Père ni avec le Fils. La raison en est que
procédant
par amour, il procède en qualité de premier
don : Cum
Spiritas Sondas procédât ut amor, procedit in
ratione
primi dont ^; c'est là son caractère personnel et dis-
tinctif. Si le Père peut être donné, non par un autre, il
est
vrai, car il ne procède de personne, mais par lui-même, ce
n'est point
parce qu'il est don à un titre personnel, mais
parce qu'il
s'appartient et peut, en conséquence, librement
disposer de soi. Quant au Fils, il peut être donné par le
Père,
parce qu'il
tire de lui son origine, et il est effectivement
donné aussi
réellement que l'Esprit- Saint ; mais, comme il
procède non par amour, à l'instar de la troisième personne,
mais par voie d'intelligence et de génération, il est, en
vertu
de son mode
d'origine, "Y^ibe et Fils, et non amour ou
don.
1. Gen.,
XT, 1.
t. « Sic
Dons dilexit mosdam,^t flthun sonm ntAieûiivm dar(>U > ^0)n.
m. iB.
3. S, Th.,
I, q. ixmn, a. 1
EXPOSITION
ET RÉFUTATlOÏT DÉ l'oPINION DE PETAU ^Qj'
Sèiilé là
troisième personne, procédant des deux autres
par voie de volonté et comme terme de leur amour, procède
en qualité de don, c*est-à-dire comme apte à être donnée.
De là cette
parole de saint Atigustin : (( L'Esprit-Saint pro-
cède non
comme né, mais comme donné, c'est pourquoi il
n'est pas Fils : Exiilnon quomodo natus, sed qnomodo datas:
et ideo non
est Filins ^ . » Cette aptitude à être donné constitue
la propriété particulière de l'Esprit-Saint, sa note
caractéris-
tique. Mais, si cette propriété est une raison qui autorise
les représentants de la science théologiqne à lui attribuer,
par une
sorte d'accommodation, le grand don de Dieu aux
hommes et
le principal effet de son amour, c'est-à-dire le
don de lui-même qui accompagne la grâce et qui en est
comme le
couronnement, elle n'est point un motif suffisant
pour
affirmer l'existence d'une union spéciale de ce divin
Esprit avec
les justes, laquelle n'appartiendrait ni au Père ni
au Fils; car, si la donabilité implique un mode de proces-
sion qui
est l'apanage exclusif delà troisième personne, elle
n'entraîne
aucune relation spéciale, aucun rapport de par-
ticulière
appartenance de TEsprit-Saint aux créatures. Quand
ce divin
Esprit nous est donné avec la grâce et la charité, le
Fils nous
est également donné, et le Père se donne lui-
même; les
trois personnes viennent en nous, habitent en
nous et
nous appartiennent au même titre.
VU
Cen*est
pareillement que par appropriation que les Pères
donnent à
l'Esprit-Saint le nom de vertu sanctificatrice, et
l'Eglise
celui d'Esprit viviflcateur : Credo in Spiritum sanc-
tum, Dominum et vivificantem 'K Vouloir faire de la
puissance
de sanctifier et de vivifier les âmes une propriété person-
nelle de
l'Esprit-Saint, ce serait s'écarter manifestement de
l'enseignement
catholique, qui ne reconnaît dans les trois
1. S. Aug.,
de Trin., 1. V, cap. xiT.
2. Êx Symb.
Nicaeno-Conslant.
468
APPEXDICE
personnes
de l'adorable Trinité qu'une seule nature, une
seule
puissance, une seule opération *.
En vain,
pour échapper à cette conséquence, Petau a-t-il
soin de
déclarer que le Saint-Esprit est en nous non pas la
cause efficiente, mais la cause formelle de notre sainteté
et
de notre
filiation adoptive ' ; en vain pour donner une idée
de ce
qu'est, suivant lui, l'union particulière de ce divin
Esprit avec
les justes, tente- t-il de l'assimilera celle du Verbe
avec
l'humanité en Jésus-Christ ^ ; en vain fait-il appel à
l'antiquité
pour établir que, si l'Esprit-Saint ne vient pas
seul dans
nos cœurs, seul du moins il est le terme direct et
immédiat de l'union*; l'antiquité lui répond, par l'organe
du Concile de Trente, que la cause formelle de notre justice
et de notre
sainteté n'est point le Saint-Esprit, mais la
grâce sanctifiante ' ; elle lui déclare par la voix de saint
1. « Si qnis secundam sanctos Patres non eonfitetur... unam
Denm in tribus
subsistentiis consubstantialibus et aequalis gloriae, unam
eamdeoique trium dei-
tatem, naturam, substanliam, virtutem, potentiam...,
operationem, condemna-
tus sit. »
(Es Conc Later., an. 649, sub Martino I, can. 1.)
2. « Persa=pe Deus cnm in nobis manere, et habitare dicitur,
peculiaris intel-
ligenda est persona Spiritus sancti, tanquam citima, ut sic
loquar, adoptionis
causa, et forma sanciificans. » (Petav., de Trin., i. VIII,
cap. vi, n. 9.)
3. « Pater
ecce, atque Spiritus sanctus in horaine Christo non minus manel,
qaam Verbum ; sed dissimilis est Tt\(; èvuTiàp^ecoç modns.
Verbum enim,
pr<eter commuoem ilîum, qnem cum reliquis eumdem habet,
peculiarem alte-
rum obtinel, ut sit forma iustar, divinum, vel Deum potius
facientii, et hune
Filiura.
Sic in homine justo très utique person» habitant, sed solus Spiritus
sanctus
quasi forma est sanciificans, et adoplivum reddens sui communicatione
filium. »
(Ibid., n. 8.)
4. « Quod
ex antiquornm... testimoniis sequi yidetur, id est ejusmodi : Illam
^nm
justorum animis conjunctionem Spiritus sancti... communi quidem per-
•sonis
tribus convenire divinitati, sed qnatenus in hypostasi, sire persona inest
Spiritus
sancti adeo, ut certa quaedam ratio sit, qua se Spiritus sancti per-
sona
sanctorum justorumqne mentibns applicat, qnae ceteris personis eodem
modo non
convenit. » (Ibid., n. 6.)
5. u
Justifîcationis causse snnt : Qnalis quidem, gloria Dei, et Christi, ac
vita seterna; effldens vero misericors Dens... Demum unica
causa formalis
«st jostitia Dei, non qua ipsejustus est. sed qua nos
j'ustos facit\ qna ride-
licet ab eo donati, renovamur spiritu mentis nostrae ; et
non modo reputamur
sed Tere josti nominamur, et sumns, jastitiam in nobis
recipientes, nnns-
qnisqne suam secundum mensnram, qnam Spiritus sanctus
parlitur singnlis
proot valt, et secundum propriam cujusqne dispositionem, et
cooperationem. »
{Conc. Trid.,sesi. VI, cap. vu. — Cf. etiam can.xi.)
Trois siècles avant le Concile de Trente, saint Thomas arait
formulé cette
même doctrine arec sa netteté ordinaire. A l'objection tirée
des saints Pères,
EXPOSITION
ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU ^69
Thomas que, contrairement à ce qui se passe dans le mystère
de l'Incarnation, où le rapprochement des deux natures,
divine et humaine, quoique effectué par la Trinité entière,
se termine à la seule personne du Verbe, l'union établie par
la grâce
entre Dieu et l'homme est commune aux trois per-
sonnes, non
seulement dans son principe effectif, mais
encore dans
son terme' ; et l'Ecole tout entière ajoute, par
la bouche
de ses plus grands docteurs, qu'aucune union
réelle de
la Divinité avec les créatures ne saurait appartenir
en propre à
une personne divine sans être par le fait une
union
hypostatique.
Car de deux
choses l'une : ou l'union se fait directement
avec
l'essence commune, et dans ce cas elle appartient éga-
lement aux trois personnes ; ou elle se fait dans ce qui est
propre à
l'une d'entre elles, dans son hypostase, et alors
elle est
hypostatique. Or, la doctrine catholique ne connaît,
en fait,
d'autre union hypostatique entre Dieu et la créa-
ture que
celle du Verbe avec l'humanité dans la personne
de
Jésus-Christ. Sans doute, TEsprit-Saint aurait pu s'in-
carner, lui aussi, il aurait pu s'unir personnellement à
toutes les âmes ornées de la grâce, mais alors les justes ne
seraient
pas seulement des hommes spiritualisés et divinisés,
ils
seraient Dieu, ils seraient le Saint-Esprit. Concluons
donc que l'usage adopté par les Pères d'attribuer à la troi-
sième personne de la Trinité la vertu sanctificatrice est
uniquement
basé sur la loi d'appropriation et ne suppose
ni
propriété d'opération, ni propriété d'habitation, appar-
tenant
exclusivement à l'Esprit-Saint.
d'après un certain nombre desquels Dieu sera il
spuiiueiiement la vie de notre
âme, comme
l'âme elle-même est la vie du corps, le saint Doctear répondait
que Dieu
est, en effet, le principe de notre vie surnaturelle, la source de
notre
perfection, comme l'âme est la source de la rie naturelle du corps, avec
cette différence toutefois, que l'âme est directement et par
elle-même la vie du
corps en qualité de cause formelle, tandis que Dieu est la
cause efficiente de la
rie
surnaturelle dont la grâce et la charité sont le principe formel : « Dens est
vita
effective et anime per charitatem, et corporis per animam ; sed formali-
ter charitas est vita animœ, sicutet anima vita corporis. Unde per hoc potest
concludi
quod sicut anima immédiate nnitur corpori, Ua charitas anime. »
(II»
n", q. XXIII, a. 2, ad 2.)
1. «
Assumptio quae fit per gratiam adoptionis..., commonis est tribus per-
sonis et ex parte principii, et ex parte termini. Sed assumptio quae est per gra-
tiam unionis (hypostaticse), est communis ex parte principii,
non autem ex
parte termini. » (III, q. m, a. 4, ad 3.)
470
APPENDICE
Le Père
Ramière n*est pourtant pas de cet avis. A l'en-
tendre, le
Saint-Esprit aurait une part spéciale dans l'œuvre
de notre
sanctification, il posséderait avec notre âme un
mode
d'union qui serait son apanage exclusif. « Il n'est,
dit*il,
dans cette grande question qu'un seul point sur
lequel plane encore quelque obscurité. C'est la part spé-
ciale du
Saint-Esprit dans cette œuvre de sanctification qui
lui est partout
attribuée dans les saintes Ecritures.... Ce
n'est
certainement pas sans motif que la mission qui a pour
objet la
sanctification des âmes est attribuée au Saint-
Esprit et
non au Fils. Si, dans cette mission, il n'y avait
rien de
propre au Saint-Esprit, s'il ne faisait rien que le
Père et le
Fils ne fissent également, il ne serait donc pa»
réellement
envoyé par le Père et le Fils, et les assurances si
positives
que Jésus-Christ nous donne dans le discours après
la Gène, qu'il nous enverra ce divin Esprit..., ne seraient
que de vaines paroles. Il faut donc admettre nécessairement
qu'il y a
entre l'âme juste et ITisprit-Saint une union qui
ne s'étend pas de la même manière aux autres personnes ^ »
Ce n'est
effectivement pas sans motif que la mission invi -
sible qui a
pour objet la sanctification des âmes et l'union
à Dieu par
la charité est attribuée au Saint-Esprit. La rai-
son de
cette attribution, c'est de nous faire connaître ce
qu'on pourrait appeler la caractéristique de la troisième
personne, sa notion distinctive, au moyen de l'analogie qui
existe entre ses propriétés personnelles et les noms, les
effets-
ou les œuvres qui lui sont appropriés. Or la sanctification
étant par
excellence l'œuvre de Tamour et une émanation
de la sainteté
substantielle, comment s'étonner de la voir
attribuée à
celle des personnes divines qui, procédant par
mode
d'amour, est, en vertu même de son origine, la cha-
rité subsistante ; à celle que l'usage de l'Ecriture et de
la
Tradition
désigne sous le nom d'Esprit-Saint?
Mais partir de là pour affirmer une union stpéciale entre
ce divin
Esprit et nos âmes, et surtout pour lui attribuer en
propre la
production d'un effet quelconque dans les créa-
tures, c'est se méprendre étrangement sur le sens et la
portée des paroles de l'Ecriture et des Pères, c'est scinder
Ramibre, Les espérances de l'Église, Append., n. xih
EXPOSITION
ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU ^71
l'unité
d'opération en Dieu, contrairement au dogme catho-
lique qui attribue toutes les œuvres extérieures à la
Trinité
entière ' .
En subordonnant la mission du Saint-Esprit à la
production
d'un effet dont il serait personnellement la
cause, en
prétendant que, « s'il ne faisait rien que le Père
et le Fils
ne fissent également, il ne serait pas réellement
■envoyé », le Père Ramière s'est laissé entraîner, à son insu,
au delà des limites de l'orthodoxie. On ne peut, en effet,
sans
s'écarter de la vérité catholique et sans aller contre les
définitions
des Conciles, attribuer une action extérieure
quelconque
à l'une des personnes divines, sinon par appro-
priation ;
car, suivant l'expression du Xle Concile de
Tolède, dans son symbole de la foi, les œuvres de la Trinité
«ont inséparables : Qaia inseparabilia sunt opéra
Trimtatis*.
Quoique
réellement distincts, le Père, le Fils et le Saint-
Esprit ne constituent pas trois principes différents, mais
un
seul et unique principe de toutes choses, unum universorum
principiam^, à cause de l'unité de leur nature*. Et, de
même qu'ils n'ont qu'une seule déité et une seule sub-
stance, ils
n'ont également qu'une seule vertu, une seule
puissance,
une seule volonté, une seule opération : Unam
eamdemque trium deitatem, nataram, sabstaniiam, virtutenif
potentiam.,.
voluntatem, operationem^.
4. f Cam
eadem Tirtus sit Patris et Filii et SpiritHS «ancti, sicnt et eadem
essenîia,
oportet quod omne id quod Dexis in nobis efficit sit, sieut a causa
efficiente,
simul a Pâtre et Filio et Spiritu sancio. i> (S. Th., Contr. Gent.,
I. IV, c,
XXI.) — El iterum : « Facere quemcumque effecfum in creaturis est com-
mmie toti Trinilati propter unitatem naturae, quia ubi est
nna natura, oportet
qaod sit
una virtus et uaa operatio. Unde Dominus dicit (Joaa., t, 19) : Qua-
^■omque Pater facit, baee et Filins
simiiiter facit. » (S. Th., III, q, xxiii, a. 2.)
2. « IttcamatioDem quoque hujas Filii Dei tota Trinitas
opérasse credenda
, st, quia inseparabilia sunt opéra Trinilatis. Solus tamen Filius formara lerTÎ
ccepit in
singularitate personae, non ia nnitate dirinae naturae, in id quod est
ropriam
Filii, non quod commune Trinitati. » (Ex symbolo fldei Conc. Tolet.,
I, an. 675.)
3. « Firmiter credimui et simpliciter confitemur, quod unus
solus est verui
Deus... Patei et Filius et Spiritus sanctus : très quidem
personae, sed una
«sentia... unum universorum principium. » (Conc. Later., it, cap. Firmiter.)
4. a Hsd
très personae sunt unus Deos et non très dii, quia triam est uoa
substantia, una essentia... Omniague sunt unum, ubi non
obviât relationis
oppositio.
Propter banc anitatem... Pater et Filius et Spiritus sanctus non
tria principia creaturae, sed unum principium. n (Conc. Florent., Ex décret*
pro
Jacobitis.)
5. Ex Conc.
Later., an, 649, sub Martino I, can. i.
473
APPENDICE
Ce qui a
sans doute trompé le Père Ramière et induit en
erreur les
autres partisans de l'habitation personnelle du
Saint-Esprit,
c'est qu'ils n'ont pas pris en son véritable sens
la loi de
l'appropriation. Ils se sont imaginé qu'elle est
opposée à
la présence vraie, réelle, substantielle de Dieu en
nous, telle
que l'enseignent l'Ecriture et la Tradition ;
qu'elle
réduit l'effet de la mission invisible à des dons créés,
et détruit
par conséquent le principal titre de gloire du
chrétien
justifié, la possession véritable et la fruition com-
mencée du
bien souverain. Or rien n'est moins exact, comme
il est
facile au lecteur de s'en convaincre en se reportant aux
preuves que
nous avons données plus haut ' pour établir la
présence substantielle de Dieu dans les justes.
Vin
Il est un
dernier argument, tiré de certaines locutions
employées par les Pères, sur lequel quelques théologiens
modernes
paraissent faire grand fonds pour étayer leur
système
d'une union propre à la troisième personne de la
sainte
Trinité.
11 n'est
pas rare, nous dit-on, de rencontrer dans les écrits
des anciens
les expressions suivantes : C'est par l'Esprit-
Saint que
le Père et le Fils habitent en nous ; ce divin Esprit
est le lien
qui nous unit aux deux autres personnes. Or, de
telles expressions n'indiquent-elles pas ouvertement que
l'habitation de Dieu en nous se fait par l'intermédiaire du
Saint-Esprit, en qui et par qui nous possédons le Père et le
Fils? Si l'on refuse de voir dans ces paroles la preuve
d'une
union
contractée directement avec la troisième personne,
et, par elle, avec les deux autres, quel autre sens peut-on
légitimement leur donner ?
Le sens que tout le monde s'accorde à attribuer à des
formules analogues employées fréquemment par l'Ecriture
1. Cf t* partie, c. n.
EXPOSITION ET RÉFUTATION DE L'OPINION DE PETAU 478
OU les Pères. Ainsi, quand saint Jean nous dit, dans son
Evangile, que tout a été fait par le Verbe, Omnia per ipswn
fada sunt\ nul ne songe à voir dans cette expression
l'indice
d'une opération ou d'un mode d'agir exclusivement propre
au Verbe; nul ne prétend que le Verbe soit ou l'instrument
du Père
dans la production du monde, ou la cause for-
melle par
laquelle il agit, ou le principe direct et immédiat
des choses
à l'exclusion des autres personnes ; chacun com-
prend que
la préposition dont se sert l'apôtre désigne sim-
plement
l'ordre des personnes divines et la procession du
Fils ;
chacun se rend facilement compte que cette façon de
parler a été employée pour nous faire entendre que la
puissance active par laquelle tout a été fait, quoique com-
mune aux
trois personnes, leur appartient cependant,
comme la
nature divine elle-même, dans un certain ordre :
au Père, comme à sa source primordiale, au Fils par com-
munication
du Père, au Saint-Esprit comme à celui qui la
tient des
deux autres personnes. L'unité d'opération n'est
donc pas détruite par cette formule qui semble rattacher le
monde à Dieu par l'intermédiaire du Verbe; il n'y a là
qu'une appropriation fondée sur la procession de la seconde
personne et sur la propriété qui lui appartient, en qualité
de Verbe, d'être l'expression, la cause, et, d'une manière
spéciale, le type et l'exemplaire de toutes choses * .
De même, quand nous lisons, dans les écrits des docteurs,
-que le Père et le Fils aiment par l'Esprit-Saint, nous nous
écarterions manifestement de la vérité en faisant du Saint-
Esprit le principe formel de l'amour du Père et du Fils, et
en lui attribuant en propre un acte qui est en réalité com-
mun aux
trois personnes. A parler rigoureusement, le Père
et le Fils
aiment formellement par la nature divine, ou
par la
volonté qui s'identifie avec cette nature ; on peut dire
néanmoins
qu'ils aiment par l'Esprit-Saint, comme par le
terme intrinsèque de leur amour, parce que, en s'aimant
i. Joan., 1, 3.
2. c Verbum Dei, ejus quod in Deo Pâtre est, est expressimm
lantom, crea-
tnrarnm vero est expressivum et operativum ». (S. Th., I, q. xxxiv, a. 3.) —
« Verbam Dei comparatnr ad rea alias intellectas a Deo sicut
exemplar, (et)
ad ipsam
Deam, cujns est Verbum, sicut ejus imago. » S. Th., 1. IV, Contra
■Gentes,
cap. h.)
474
APPENDICE
l'un
l'autre, ils produisent le Saint-Esprit, et que, de leur
mutuelle
dilection, jaillit la charité personnelle, comme la
fleur de sa tige. Pater et Filius dicuntar diligentes
Spiritu
sancto, vel amore procedente, et se, et nosK
C'est dans
le même sens qu'ils habitent en nous par
l'Esprit-Saint.
Sans doute, l'inhabitation par la grâce appar-
tient proprement à la Trinité entière : Inhabilatio convenit
loti Trinitati - : mais parce que, en nous aimant, en nous
voulant ce bien infiniment précieux qui est la possession
de Dieu même, le Père et le Fils produisent l'Esprit-Saint,
on peut
dire qu'ils habitent en nous par le Saint-Esprit,
comme par le terme intrinsèque de leur dilection : Recte
Pater et Filais dicantar inhabitare nos Spirita sancto^.
Mais,
ajoute-t-on, FEsprit-Saint est encore appelé le lien
qui nous
unit au Père et au Fils; n'est-ce pas une preuve
manifeste que, dans la pensée de ceux qui parlent ainsi,
notre union à Dieu se fait d'abord avec la personne du
Saint-Esprit, et, par elle, avec les deux autres? Nullement.
Car il est
appelé aussi le nœud qui rapproche le Père et le
Fils, nexus
Patris et Filii*, leur baiser mutuel, leur indivi-
1. c
Sciendum est quod cnm res communiter denorainetnr a suis formis...,
iitiid a
quo aliquid deacminatur, q>jiantDm ad hoc habet habiladinem
formae...
Conlingil antem aliquid denominari per id quod ab ipso procedit, noo
«oloin
siciil agens actione, sed eliara sicot ipso leriaino actionis, qui est effec-
lus, quando
ipse effectus in inlellectu actionis includitur.DicImaseDim quodigni»
est
calcfaciens calefactione, quaniTis calefactio non sit calor, qni est forma
ignis,
led actio
ab igné proceden» ; et dicimus quod arbor est florens floribus, qnamvia
flores non sint forma arboris, sed quidam efTectus ab ipsa
procedentes. S«cuudum
hoc ergo dicendum quod cum diligere in divinis dnpiiciter
sumatur, esseniialiter
scilicet,
et notionaliter : secundnm quod esseniialiter sumitur, sic Pater et
Pilius non diligunt se Spiritu Sancto, sed est^eutia sua...;
secnndum TCro quod
oetionaliter
sumitur, sic diligere nibil est aliud quam spirare amorem, sicut
dicere est
producere verbum et florere est producere ûores. Sicut ergo dicitur
arbor florens floribus, ita dicitur Pater dicens Verbo vel
Filio, se et creatu-
ram; et Pater el Filius dicoiilur diligentes Spiritu sancto,
vel amore proce-
deute, el se, et nos. » (S. Th., I, q. xxxvii, a. 2.)
•2. S. Th.
iû i Sent., dist. xv, q. ii, a. 1, ad 4.
3. « Pater et Filius... diligendo necessario producnnl
Spiritnm sanctom. Recte
igilur dicuntar... diligere Spirilu sancto. Cum aulem
inhabilatio sit opus dilec-
lionii, ergo recte Pater et Filius dicuntur inhabitare nos
Spiritu sancto...
Hoc lamen non sigiiiûcat Spiritom sanctum speciali modo nos
inhabitare pra&
ceteris personis. » (E. P. Pesch, S. J. Prœleet.dogwiat., de
Deo trioo, sect. t,
û. 689.)
4. S. Th.,
I, q. ixxvii, a. 1, ad 3.
EXPOSITION
ET RÉFUTATION DE l'oPINION DE PETAU ^75
«ible unité*; ce qui semblerait, à première vue, indiquer
qu'il tient
le milieu entre le Père et le Fils; et cependant,
nul ne 83
base sur ces expressions pour soutenir que le
Saint-Esprit
est la seconde personne de la sainte Trinité,
mais chacun comprend qu'il est ainsi nommé parce que,
«tant le terme de la dilection mutuelle du Père et du Fils,
il procède des deux comme d'un seul principe et d'un spi-
rateur unique,
et qu'il les unit par l'amour-. De même,
quand les Pères le représentent comme le lien entre les deux
premières
personnes et les âmes justes, leur but n'est autre
que d'indiquer sa subordination d'origine vis-à-vis du Père
et du Fils
et son mode de procession par voie d'amour.
Tel est
l'enseignement de toute la scolastique, telle l'in-
terprétation
qu'elle a toujours donnée des textes de l'Ecri-
ture et des
Pères mis en avant par les tenants de l'habita-
tion
personnelle du Saint-Esprit. La conséquence qui en
découle, c'est que la grâce n'établit pas de rapports
spéciaux,
d'union
particulière avec ce divin Esprit, et que l'habita-
tion, dont
parlent si fréquemment les Livres saints, appar-
tient à
toute la Trinité et n'est attribuée à la troisième per-
sonne que
par appropriation.
1. a
Insufaavit Jésus apostolis>et dixit(Joan., xx, 22) : Accipite Spiritum
sanctum...
qui propterea in illo doininico flatu datus est, ut per hoc iuteliige-
retur et ab i{>so î)anter lanquam a Paire procedere,
tanquam vere osculum,
quod osculauli osculaloque commune est... Si recte Pater
osculans, Filins
osculatus, non erit abs re osculum Spiritum sanctura
iuleiligi, utpotoqui Patris
Filiique iraperlurbabilis pax sit, gluten firmum, incUviduus
amor, indivisibilis
unitas. »
(S. BfiaN., in Caiit. serm. viii, n. 3.)
2. « Spirilus sanctus dicitur esse nexus Patris et Filii, in
quantum est amor,
quia cum Pater amet unica dilectione se, et Fiiium, et e
converso; importatur
in Spiritu sancto, prout est amor, habitudo Patris ad
Filium, et e converso, al
amantis ad amatum. Sed ex hoc ipso quod Pater et Filius se
mutuo amant,
oportet quod mutuus amor, qui est Spiritus sanctus, ab
utroque procédât.
Secundura igitur originem Spiritus sanctus non est médius,
sed terlia in Trini-
tate persona; secuudum vero praediclam habitudinem est
médius nexus ab
ntroque
procedens. » (S. Th., I, q. xixvu, a. i, ad 3.)
FIN
TABLE ANALYTIQUE
PREMIÈRE PARTIE
DE LA PRÉSENCE COMMUNE ET ORDINAIRE DE DIEU
EN TOUTE CRÉATURE.
CHAPITRE PREMIER
DE LA PRÉSENCE DE DIEU EN TOUTES CHOSES
EN QUALITÉ d'aGENT OU DE CAUSE EFFICIENTE.
Dieu est
partout, en toutes choses et en tous lieux, par
puissance, par présence et par essence. — Gomment faut-il
entendre cette omniprésence ? — Ne pas la concevoir sous
forme de
diffusion actuelle et d'expansion infinie de la
substance
divine, comme un océan sans rivages. — Un con-
cept de l'immensité di%ine improuvé par saint Augustin. —
Vraie notion de l'immensité donnée par saint Thomas. —
D'après l'angélique Docteur, la raison fondamentale de la
présence substantielle de Dieu dans ses créatures n'est au-
tre que l'action immédiate qu'il exerce en toutes et cha-
cune d'elles pour produire et conserver leur être et les
mouvoir à leurs opérations. — Et de vrai, Dieu étant un
pur esprit, ne saurait être présent dans le lieu à la façon
des corps, per qaantitatem dimensivam, mais bien suivant le
mode propre
aux esprits, c'est-à-dire en y exerçant son
activité,
per contactum virtutis, comme disent les scolasti-
ques. — Pour bien caractériser ce premier mode de pré-
sence,
saint Thomas l'appelle : présence à titre d'agent ou
par mode de cause efficiente, per modum causas agentis. 7
47^ TABLE ANALYTIQUE
CHAPITRE n
COMBIEN CBTTB PRÉSENCE EST ESTIME» PROFONDE, UNIVERSELLE.
— SES DIFFÉRENTS DEGRÉS.
Combien cette présence est intime, profonde, univer-
selle. —
Quoique substantiellement la même partout, elle
comporte néanmoins bien des degrés, suivant que les
choses participent plus ou moins à la bonté divine. — Com-
ment concevoir ces divers degrés de présence? — Saint
Thomas donne la solution de ce problème quand il dit que
Dieu est en
toutes choses comme la cause est dans les effets
qui participent à sa bonté. — En quoi consiste cette parti-
cipation des créatures à la bonté divine ? — Quoique Dieu
soit
partout, et tout entier partout, il n'est cependant pas
également partout, mais il est plus ici que là. — Analogie
tirée de notre âme. — Il y a certains lieux où Dieu réside
d'une manière si particulière, qu'on peut les appeler la
demeure de Dieu. — Quels sont ces lieux? — Ceux où
l'opération divine est plus manifeste 3o
DEUXIÈME PARTIE
DE LA PRÉSENCE SPÉCIALE DE DIEU OU DE
l'habitation
du saint-esprit dans les AMES JUSTES.
CHAPITRE PREMIER
'LE FAIT DE LA PRÉSENCE SPÉCIALE DE DIEU DANS LES JUSTES.
MISSION,
DONATION, HABITATION DU SAINT-ESPRIT.
Réalité de cette présence spéciale ou de rhai>itation du
Saint-Esprit
dans les âmes justes. — L'Ecriture déclare
fréquemment
que l'Esprit-Saint est envoyé, donné aux
'àmcs av^
la grâce, qu'il habite en elles, conjointement avec
TABLÉ
AKALtTIQUÊ 479'
le Père et
le Fils. — Or les concepts de mission, de donation^
d'habitation,
impliquent un mode particulier de présence,
distinct de
la présence commune. — Aussi, d'après saint
Augustin,
Dieu, qui est partout, n'habite cependant pas dans
tous les
hommes, notamment dans les pécheurs. — Seuls,
les justes
sont le temple de l'Esprit-Saint. — Ce nouveau
mode de présence divine n'exclut pas celui dont il a été
question au
chapitre précédent, mais il s'y surajoute. —
11
n'emporte aucun changement en Dieu, mais il suppose
dans la
créature un effet nouveau, la grâce sanctifiante, qui
devient le
principe de rapports nouveaux entre elle et Dieu .
— Au lieu d'une vulgaire relation de causalité qu'il avait
auparavant avec sa créature. Dieu entre avec elle dans un
rapport
d'appartenance et de possession ; il devient son
bien, l'objet de sa connaissance et de son amour . . 53-
CHAPITRE II
NATURE DE CETTE PRÉSENCE.
C'est une
présence vraie, réelle, substantielle. — Ce n'est
donc pas seulement par ses effets et par ses dons que l'Es-
prit-Saint
est dans les justes, il y vient en personne, en
sorte que nous possédons à la fois le don et le donateur. —
Témoignages de l'Ecriture et des Pères sur ce point. —
Belle réponse de sainte Lucie. — Il n'y a pourtant pas
union
substantielle entre l'âme et le Saint-Esprit, mais une
union
purement accidentelle 79.
CHAPITRE m
MODE DE
CETTE PRÉSENCE.
Ce n'est
plus seulement en qualité d'agent que Dieu est dans
l'âme juste, c'est à titre d'hôte et d'ami, comme objet de
con-
naissance et d'amoar.
L'Esprit-Saint, âvons-nous dit, habite dans les justes. —
Reîiè3 à expliquer le mode de cette présence spéciale. -«
/i8o TABLE ANALTTTQUB
Critérium pour discerner, entre les difFcrentes opinions
qui ont été émises sur ce point, celle qui est la plus plau-
sible. — Explications défectueuses ou insuffisantes appor-
tées par divers auteurs : le docteur Oberdoerffer, Verani,
Petau et Ramière, S. J. — Explication donnée par saint
Thomas. — D'après l'angélique Docteur, Dieu peut être
substantiellement présent à une créature de trois manières
différentes : i'* à titre d'agent ou de cause efficiente ;
c'est le
mode
ordinaire commun à tous les êtres sans exception ;
3" comme objet de connaissance et d'amour; c'est la
présence
spéciale aux justes de la terre et aux saints du ciel ;
3" en
vertu d'une union hypostatique ; c'est ainsi que le Verbe
s'est
uni à notre humanité en N.-S. — Entre ces divers modes
de présence il n'y a pas une simple différence de degré, de
plus et de moins, mais une différence essentielle et vrai-
ment spécifique. — Ces trois sortes de présence se trouvent
réunies en
N.-S. — Que faut-il pour qu'il y ait \Taiment
habitation
du Saint-Esprit dans une âme? . . . . io4
CHAPITRE IV
EXPLICATION
DU MODE DE PRÉSENCE DONT DIEU HONORE
LES JUSTES
DE LA TERRE ET LES SAINTS DU CIEL.
Si. — Comment Dieu est présent par sa substance à l'intel-
ligence et à la volonté des bienheureux en tant que vérité
première et
bien souverain.
L'admirable
union de Dieu avec les justes, appelée inha-
bitation,
ne diffère que par la condition ou l'état de celle
qui fait le
bonheur des saints dans le ciel. — Pour avoir
une idée nette et précise de ce genre de présence et
d'union,
il faut la considérer non pas telle qu'elle s'offre à nous
dans
la personne des justes de la terre, où elle n'est encore qu'à
l'état
rudimentaire, mais telle qu'elle existe dans les élus,
en qui elle
est parvenue à son plein épanouissement. —
Or, dans le
ciel, l'essence divine s'unit directement et im-
médiatement à l'intelligence des bienheureux, pour être,
avec elle, co-principe de la vision béatifique, de même
TABLE ANALYTIQUE 48 1
qu'elle en est l'objet et le terme. — Possibilité de cette
union. — Sa nécessité pour qu'une créature intelligente
soit capable de voir Dieu tel qu'il est en lui-même. — Con-
dition préalablement requise : la lumière de gloire.
Présent par sa substance à l'intelligence des bienheureux,
Dieu ne
peut être absent de leur volonté. — Car la vision
de Dieu ne
va pas sans l'amour, et l'amour est plus unitif
que la
connaissance. — Et suivant que l'union est réelle
ou
seulement affective, il y a deux manières d'aimer : l'une
de
jouissance, l'autre de désir. r~ Or, c'est l'amour de jouis-
sance qui règne au ciel. — 11 faut donc que Dieu soit pré-
sent par sa substance et uni effectivement à leur volonté,
pour que les élus puissent jouir pleinement de lui, en
tant que bien souverain, de même qu'il est uni à leur
intelligence comme vérité première et objet de leur
vision 187
CHAPITRE V
EXPLICATION DU MODE DE PRÉSENCE DONT DIEU HONORE
LES JUSTES DE LA TERRE ET LES SAINTS DU CIEL (sUITE).
S II. — Comment la grâce produit dans les justes de la terre
une présence de Dieu analogue à celle dont jouissent les
saints
du ciel.
Pouvons-nous en dire autant des saints d'ici-bas, et affir-
mer légitimement que la grâce produit en eux une pré-
sence, à la fois réelle et spéciale, de Dieu comme objet de
connaissance
et d'amour ? — Assurément, l'essence divine
n'est point
unie à leur intelligence en qualité de forme in-
telligible
pour être le principe et le terme d'une connais-
sance intuitive ; car nous n'avons pas en ce monde la vue
de Dieu. — Mais pourtant, dès cette vie, le juste atteint,
par son
opération, la substance divine, il entre en contact
avec elle
par la connaissance et l'amour, et commence vrai-
ment à jouir de Dieu. — Comment cela ? — Par la con-
naissance expérimentale et savoureuse qui est le fruit du
don de sagesse, et surtout par l'amour de charité : connais-
<
BAB. SAIMT-BSPRIT. — 3l
48a iable
analytique
«ance et
amour qui supposent non pas la vue et la pleine
Jouissance, mais la présence réelle et sentie de l'objet
aimé.
Et d'abord, la charité demande la présence effective de
Dieu dans
l'âme et une union de jouissance. — Car la cha-
rité réalise
toutes les conditions d'une vraie et parfaite ami-
tié entre Dieu et l'homme. — Or, ce que l'amitié désire,
convoite,,
et effectue quand elle le peut, c'est l'union réelle
et intime,
c'est la vie en commun, c'est la jouissance réci-
proque des deux êtres qui s'aiment. Puis donc que rien n'est
impossible à Dieu, ne pouvons-nous pas légitimement
conclure que la dilection qu'il porte à l'âme juste lui ira-
pose une sorte de nécessité de venir personnellement en
elle, et de ne pas la priver de la consolation de sa
présence ?
— Au reste, la charité de la voie étant la même que celle
de la patrie, quoi d'étonnant qu'elle exige la présence du
bien-aimé, afin de commencer à jouir de lui ? — Dieu est
donc
réellement présent dans les justes comme objet de
leur amour,
sicut amatum in amante.
Il leur est
aussi uni effectivement en tant qu'objet de
leur
connaissance, sicat cognitum in cognoscente. — La con-
naissance de Dieu dont la nature est le principe, celle
même que donne la foi informe, ne suffisent pas pour le
faire
habiter dans une âme. — Il faut pour cela une con-
naissance expérimentale, qui ne s'acquiert que par une
intime
union avec Dieu. — Ce qu'est cette connaissance
expérimentale. — Analogie empruntée à la manière dont
nous
connaissons notre âme. — A quels signes reconnaître
la présence
de l'Esprit-Saint en nous ?
Dieu habite donc véritablemeni dans tonte àme qui a la
grâce ; il
lui est uni non point d'une simple union objec-
tive et
morale, mais d'une union effective et réelle. — Di-
vers degrés
de cette union. — Toujours actuelle dans les
bienheureux,
purement habitaelle dans les enfants baptisés
dont
l'intelligence n'est point encore éveillée, elle tient
dans les adultes justifiés le milieu entre la perfection de
celle des
premiers et l'imperfection de celle des seconds. —
L'union à Dieu, l'union actuelle par la contemplation et
l'amour, tel doit être l'objet de nos vœux, le but de nos
efforts ;
car c'est en elle que consiste la perfection de la
voie et
celle de la patrie, i5&
TABLE
ANALYTIQUE 5SS
TROISIÈME
PARTIE
l'iNHABITATION
divine par la GRACE n'eST PAS LA
PROPRIÉTÉ
PERSONNELLE DU SAINT-ESPRIT, MAIS LE
PATRIMOINE
COMMUN DE TOUTE LA SAINTE TRINITÉ.
ELLE EST
l'apanage DE TOUS LES JUSTES,
TANT DE
l'ancien QUE DU NOUVEAU TESTAMENT.
CHAPITRE
PREMIER
QUOIQUE
ATTRIBUÉE ORDINAIREMENT A l'ESPRIT-SAINT, l'iNHA-
BITATION
DIVINE PAR LA GRACE NE LUI EST PAS EXCLUSI-
VEMENT
PROPRE, MAIS COMMUNE AUX TROIS PERSONNES.
L'habitation
de Dieu dans les âmes justes est ordinaire-
ment
attribuée à l'Esprit- Saint. — Pourquoi cela ? —
Serait-ce
un signe que ce divin Esprit possède avec elles un
m.ode
d'union qu'il ne partagerait pas avec les autres per-
sonnes ? — Quelques théologiens, Petau entre autres, l'ont
pensé. — D'après eux, la Trinité entière habite, il est
vrai,
dans le
juste ; mais c'est le Saint-Esprit qui est le terme
direct et
immédiat de l'union ; le Père et le Fils ne rési-
dent en lui que d'une manière indirecte, par concomitance,
en vertu de la communauté de nature qui les rend insépa-
rables. —
L'union du Saint-Esprit avec nos âmes serait
donc
analogue à celle du Verbe avec la nature humaine en
Jésus-Christ.
Suivant le
sentiment commun de l'Ecole, il n'en est
point
ainsi. Au lieu d'être une propriété personnelle du
Saint-Esprit,
l'habitation divine par la grâce est le patri-
moine
commun de toute la Trinité. — Si l'Ecriture et les
Pères
l'attribuent fréquemment à la troisième i)ersonne,
c'«st
uniquement en vertu de la loi d'appropriation. — Ce
que c'est que l'appropriation. — Pourquoi attribuer à une
personne en
particulier ce qui appartient en commun
Si\i3L trois personnes ? — Réponse de saint Thomas : Pour
484 TABLE ANALYTIQUE
la manifestation de la foi, c'est-à-dire pour faire mieux
connaître le caractère propre de chaque personne. — Et
parce que
le Saint-Esprit est en Dieu l'amour subsistant, il
est tout naturel de lui attribuer les œuvres de l'amour,
comme la grâce sanctifiante, les autres dons gratuits, et en
particulier l'habitation de Dieu en nous igS
CHAPITRE II
l'habitation de DIBU dans les AMES PAR LA «RACE H'BST
PAS l'apanage exclusif des saints de la nouvelle
ALLIANCE, MAIS LA DOT COMMUNE DES JUSTES DE TOUS LSI
TEMPS.
Non content de regarder l'habitation divine par la grâce
comme une propriété de l'Esprit-Saint, Petau prétendait
encore que la présence spéciale de Dieu dans les cœurs est
non pas la dot commune de tous les justes, mais Tapanage
exclusif des saints de la nouvelle Alliance. — A l'en
croire,
l'Esprit-Saint
n'était dans les anciens justes que par son
opération
et ses dons, et nullement par sa substance. — Ici
encore, tout en faisant appel à l'antiquité et à l'autorité
des
Ecritures,
il se met en opposition manifeste avec elles. — Il
est, en
effet, hors de doute que le Saint-Esprit habitait réelle-
ment dans
les justes qui ont précédé Jésus-Christ. — S'il y
eut,
relativement à l'inhabitation divine par la grâce, une
différence
entre les saints de l'Ancien et du ^ouveau Testa-
ment, ce
fut une simple différence de degré, de mesure et
de manifestation extérieure. — Les patriarches de l'anti-
quité possédaient le même genre de sainteté que nous ; la
grâce qui les justifiait les rendait comme nous enfants
de Dieu, héritiers de la vie éternelle, et les temples de
l'Es-
prit-Saint,
— Ils ne vivaient cependant pas dans la condi-
tion de fils, mais plutôt dans celle de serviteurs ; et la
grâce ne leur était pas accordée par la vertu même de la
loi, vi legis, mais par la foi au Messie k venir. —
Etaient-ils
inférieurs en sainteté aux justes de la Loi nouvelle? — A
parler en général, il semble qu'il en ait été ainsi ; car
les
moyens de sanctification mis à leur disposition étaient
TABLE ANALYTIQUE 4S5
incomparablement moins puissants que les nôtres. — Rien
n'empêche cependant de croire que certains personnages
antiques se soient élevés à une perfection supérieure à
celle
d'un grand nombre de chrétiens de nos jours . • . aai
QUATRIÈME
PARTIE
BUT ET
EFFETS DE LA MISSION INVISIBLE DE LESPRIT-
SAINT ET DE
SON HABITATION DANS LES AMES.
CHAPITRE
PREMIER
BUT DE LA
MISSION INVISIBLE DE l'ESPRIT-SAINT ET DE SA
VENUE DANS
LES AMES : LA SANCTIFICATION DE LA CRÉATURE.
— PARDON
DES PÉCHÉS, JUSTIFICATION.
Pourquoi le
Saint-Esprit nous est envoyé et vient fixer en
nous sa
demeure. — Importance d'une telle mission. —
Conséquences
de cette habitation. — Loin d'être stérile et
infructueuse,
la présence en nous de l'Esprit sanctificateur
est
souverainement féconde. — Multiples effets de cette
présence. —
Tous tendent à la sanctification de la créature.
Le pardon
des péchés. Le premier fruit de la venue de
l'Esprit-Saint
dans une âme où il ne résidait pas enccre.
c'est un
entier et généreux pardon. — Grandeur de ce
bienfait. —
En perdant la grâce, le pécheur avait tout
perdu et il
avait encouru la cclè;e divine. — En recevant
le
Saint-Esprit, il rentre en possession des biens dont il
avait été dépouillé ; Dieu lui rend ses bonnes grâces, lui
pardonne ses offenses, lui fait remise de la dette contrac-
tée envers la justice divine.
La justification. Là ne se bornent pas les largesses de
l'Hôte
divin. — Non content d'apporter à l'âme qu'il dai-
gne honorer de sa visite une grâce de pardon, il s'empresse
de la purifier de ses fautes, de la guérir de ses plaies, de
la
revêtir d'une robe d'innocence, de lui accorder un don
souverainement précieux qui, en la justifiant, la rend toute
486 TABI^ ANALYTIQUE
beile, toute sainte, l'objet des divines complaisances, la
fîille adoptive de Dieu et l'héritière de ses promesses .
a45
CHAPITRE II
ROTRE
JUSTIFICATION PAR LA GRACE EST UNE VÉRITABLE DÉI-
FICATION. —
COMMENT LA. (JRA.CE SANCTIFIANTE EST UNB
PARTICIPATION PHYSIQUE ET FORMELLE DE LA NATURE DI-
VINE.
La déification de l'âme par la grâce. C'est là le chef-
d'œu^Te de la puissance di>ine. — Comment s'opère cette
déification.
— En quoi consiste l'élément divin qui fait de
nous des êtres déiformes? Et puisque ce don n'est autre
que la grâce qui nous justifie, qu'est-ce que la grâce ? —
Kotre-Seigneur
lui-même daigna s'en expliqiier un jowp
en faveur d'une pécheresse : « Si vous connaissiez, lui
dit-il, le don de Dieu !» — Et pour se mettre à sa portée,
il lui parle de la grâce sous l'emblème d'une eau vive qui
rejaillit
jusqu'à la vie éternelle. — La grâce, en effet, pro-
duit
spirituelLeraent tous les effets de l'eau ; elle purifie,
rafraîchit, désaltère et féconde. — Grâce médicinale, grâce
élevante.
Nature intrinsèque de la grâce. — Elle est un don surna-
turel permanent, une qualité d'ordre divin inhérente à
notre âme, une participation créée, physique et formelle
de la nature divine. Sens précis de cette formule. — Elle
est une disposition à une autre participation de la nature
divine, terme et but de la première, et qui consiste dans
une intime
union de notre âme avec Dieu, union com-
parée dans rÉcriture à celle de l'époux et de l'épouse. 268
CHAPITRE m
NOTRE
FILIATION DIVINE ADOPTIVE. — ANALOGIES ET DISSEM-
BLANCES
ENTRE l'adoption DTVTNE ET LES ADOPTION!
HUMAINES. — INCOMPARABLE GRANDEUR ET DIGNITÉ DO
CHRÉTIEN.
L'adoption divine. — Devenus par la grâce participants
de la nature divine, novia sommes, par le fait même, élô-
TABLE ANALYTIQUE 4^7
vés à l« dignité de fils adoptifs de Dieu avec droit à
l'héri-
tage
paternel. — Et il ne s'agit point ici d'une dénomina-
tion
extrinsèque, d'un titre purement honorifique, mais
d'une
filiation très réelle. — Les saints Pères célèbrent à
ren\i ce glorieux titre d'enfants de Dieu. Analogies et dis-
semblances
entre l'adoption divine et les adoptions humai-
nes. —
Triple condition de l'adoption réalisée par la grâce.
—
Incomparable grandeur et dignité du chrétien . . 3oo
CHAPITRE rv
DROIT A L'HéftITAGB CÉLESTE, COMSÉQUEIfCE DE NOTBB
ADOPTION. —
QfïBL EST CET HÉRITAGE?
Le droit à l'héritage céleste. Fils adoptifs de Dieu, nou»
sommes dès lors ses héritiers ; car le droit à l'héritage de
qui nous adopte est la conséquence nécessaire de notre
adoption. —
Quel est cet héritage? Ce sont les biens noé-
mes de Dieu, biens infinis dont la possession et la jouis-
sance constituent sa propre béatitude. — Bref, c'est Dieu
lui-même vu face à face et aimé d'un amour béatifique. —
Richesses
de cet héritage, c'est le plein rassasiement de tous
les désirs.
— Pour en donner une idée précise, il faudrait
dire ce
qu'est le ciel. Mais qui oserait tenter une pareille
entreprise, pour laquelle saint Paul lui-même se déclare
impuissant?
— Heureusement pour nous, l'Esprit- Saint &
daigné nous
fournir sur ce point des données précieuses
qu'il importe de ne pas laisser dans l'ombre. — Afin' de
nous aider à concevoir quelque peu les ineffables délices du
ciel, il nous Ta représenté sous des noms multiples et des
figures
variées. — Tantôt c'est un royaume, le royaume de
Dieu promis à ceux qui l'aiment. — Tantôt c'est la patrie^
la maison dti père de famille, le rendez -vous de tous le»
enfknts de Dieu. — Ici c'est un banquet, un festin donné
par le Père céleste à l'innombrable multitude de ses enfants
réunis autour de lui ; c'est le festin des noces de
l'Agneau.
— Là c'est
un torrent de délices, où les élus s'abreuvent jus-
qu'à Tivresse. — Qu'est-ce encore que le ciel? — C'est le
repos, la paix, la vie : le repos après le travail, la paix
suc-
cédant à la guerre, la vie sans limites et sans fin, la vie
éternelle
3.ia
488 TABLE
ANALYTIQUE
CHAPITRE V
EFFETS DE L
HABITATION DU SAINT-ESPRIT :
LES VERTUS INFUSES THÉOLOGALES ET MORALES.
La béatitude nous étant proposée à la fois comme un
héritage et comme la récompense de nos mérites, nous
devons travailler à nous en assurer la possession par nos
bonnes œuvres. — De là, la nécessité de forces, de puis-
sances, de principes d'activité surnaturelle, de tout un
ensemble de facultés nouvelles nous rendant capables de
poser des actes supérieurs aux forces de la nature et pro-
portionnés à la fin très sublime qu'il s'agit d'atteindre.
— Quadruple
élément constituant la vie surnaturelle
du juste : i* la grâce sanctifiante; 2° les vertus théolo-
gales ; 3» les vertus morales infuses ; 4° les dons du
Saint-
Esprit.
1° La grâce sanctifiante. Pour mettre l'homme en état
d'exercer les actes qui doivent le conduire à la béatitude
suprême, Dieu verse d'abord en lui la grâce sanctifiante,
qui joue dans l'ordre surnaturel le rôle de l'âme dans celui
de la nature. — C'est elle qui donne l'être spirituel et la
vie di\1ne. — Reçue dans l'essence même de l'âme, la grâce
est comme
celle-ci un principe de vie et d'opérations sur-
naturelles, mais un principe radical et éloigné, non un
principe immédiat et prochain. — De même que l'âme
agit non par sa substance, mais par ses facultés, ainsi la
grâce opère par l'entremise des vertus et des dons.
2° Les vertus théologales. Les vertus qui correspondent à
la grâce, devant être de même ordre qu'elle, c'est-à-dire
surnaturelles,
ont aussi la même origine, et proviennent
immédiatement de Dieu, qui les cause en nous sans nous.
— Au nombre de ces vertus viennent en première ligne les
vertus théologales : la foi, l'espérance et la charité. —
Leur
existence prouvée par l'Écriture. — Leur nécessité pour
ordonner
l'homme vers sa fin dernière.
3° Les
vertus morales infuses. Pour excellentes que soient
les vertu:
théologales, elles ne suffisent cependant pas pour
régler, à
elles seules, la vie du chrétien ; d'autres vertus
TABLE
ANALYTIQUE ^89
doivent
prêter leur concours à cette œuvre complexe. Ce
sont les
vertus morales infuses. Existence et nécessité de
ces vertus. — Sentiment de l'Église et des théologiens sco-
lastiques sur ce point. Opinion contraire de quelques théo-
logiens médiévistes s'appuyant sur les répugnances qu'é-
prouvent les néo-convertis dans la pratique du bien, pour
nier l'existence des vertus morales infuses. — Explication
de ce phénomène. — Le chrétien peut donc posséder deux
sortes de vertus morales spécifiquement différentes : les
unes
naturelles et acquises, les autres surnaturelles et
infuses 354
CHAPITRE VI
EFFETS DE
l'hABITATION DU SAINT-ESPRIT (sUITE)
LES DONS DU
SAINT-ESPRIT.
4° Les dons
du Saint-Esprit. Avec la grâce et les vertus
infuses, le
juste reçoit encore les dons du Saint-Esprit. —
Nature de
ces dons. — Leur distinction d'avec les vertus.
— Ils en diffèrent à un double chef : i° par leur mode
d'agir ; 2® par la règle de leurs actes. — Rôle des dons :
mettre notre âme en état de recevoir avec promptitude et
docilité la
motion spéciale et extraordinaire de l'Esprit-
Saint. —
Leur nécessité 878
CHAPITRE
VII
DERNIERS
EFFETS DE l'HABITATION DU SAINT-ESPRIT :
LES FRUITS
DU SAINT-ESPRIT ET LES BÉATITUDES.
Les fruits
et les béatitudes. Après avoir ainsi doté l'âme
de ce magnifique et complexe organisme de sainteté qui
fait de l'homme un instrument de musique admirable-
ment disposé pour chanter la gloire et la puissance divines,
i'Esprit-Saint lui-même se met au clavier et tire de cet
ins-
trument
vivant et docile de merveilleux accords. — Le
490 TABLE
ANALYTIQUE
juste
comparé encore à un arbre planté sur le bord des
eaux et qui
donne des fruits en son temps. C'est ce que
l'apôtre
saint Paul appelle les fruits da Saint-Esprit. — Leur
nature. —
Leur nombre.
Au-dessus
des fruits se placent les béatitudes, couronne-
ment de
l'œuvre di\ine en nous, le dernier et le plus
sublime
effet de la présence de l'Esprit-Saint dans nos
âmes,
l'avant-goût du bonheur céleste. — Nature des béati-
tudes. —
Leur nombre. — Leur distinction d'avec les ver-
tus
infuses, les dons et les fruits du Saint-Esprit. — Pour-
quoi tant de chrétiens, en possession habituelle de la grâce
et des énergies divines qui l'accompagnent, se montrent si
faibles et font si peu de progrès dans le bien. — Travailler
à mieux
connaître l'Esprit-Saint, pour l'aimer davantage.
— Le prier
souvent, se montrer docile à ses inspirations,
c'est le
moyen infaillible pour arriver àu ciel. . . . 425
APPENDICE
EXPOSÏTIOM ET RÉFUTATICW
DE l'OPIUION de PETAU RELATIVE A l'haBITATION DO
BALST-ESPRrr DANS LES AMES JUSTES.
L'inhabitation divine par la grâce, au dire de Petau,
serait propre à la troisième personne de la sainte Trmité.
— Par
conséquent l'union du Saint-Esprit avec les âmes
justes serait analogue à celle du Verbe avec la nature hu-
maine en
Jésus-Christ. — Au Xll" siècle, le Maître des Sen-
tences
avait déjà enseigné, lui aussi, une union spéciale
de l'Esprit-Saint avec nos âmes, sous le prétexte que la
charité par laquelle nous aimons I>i€u et le prochain
n'est pas une vertu créée, mais la personne même dn Saint-
Esprit 447
TABLB
ÀNALTEIQUE igi
11
D'après le
sentiment commun des Docteurs, au lieu
d'être une
propriété personnelle de l'Esprit- Saint, Tinhabi-
tation divine par la grâce est le patrimoine commun de
tonte la Trinité. — Preuve de cette vérité donnée par saint
Thomas 45i
III
Comment, d'après l'angélique Docteur, l'inhabitatioii
divine convient au même titre aux trois personnes de la
sainte Trinité. — Si l'Écriture et les Pères l'attribuent
fré-
quemment au
Saint-Esprit, c'est uniquement en vertu de
la loi d'appropriation 454
rv
A rencontre des représentants les plus autorisés de la
science théologique, Petau prétend que la loi d'appropria-
tion est insuffisante pour expliquer les paroles de
l'Ecriture
et des Pères, et que l'on ne peut, sans amoindrir leur en-
seignement, refuser d'admettre un mode de présence dans
les justes, qui soit >Taiment propre au Saint-Esprit. —
En quoi
consisterait alors cette présence particulière ? Petau
répond
que la question n'a pas été suffisamment élucidée par les
Pères. — Ce
qui est certain, ajoute-t-il, c'est que l'union du
Saint-Esprit et de l'âme juste n'aboutit ni à l'unité de
nature, ni à l'unité de personne. — Défense de la théorie
de Petau par M. Mangenot. — Réfutation de ce dernier. —
Origine de l'opinion singulière de Petau 456
Raisons sur lesquelles; se fonde Petau pour établir sa
théorie de
l'habitation propre au Saint-Esprit. — Elles
492 TABLE
ANALYTIQUE
peuvent se
ramener à trois : l'Esprit-Saint est personnelle-
ment le don de Dieu, la puissance sanctificatrice, le lien
entre la Trinité et nos âmes.
Premier
argument. L'Esprit-Saint est le don de Dieu,
c'est-à-dire que seul parmi les personnes divines, il est
sus-
ceptible
d'être donné. — Or cette donation n'est autre
chose
qu'une mission, une habitation dans les âmes aux-
quelles il
est donné, et partant un mode de présence en
elles qui
lui est propre.
a* Arg. De
plus, la vertu sanctificatrice est, au jugement
des Pères
grecs, un des caractères distinctifs de l'Esprit-
Saint ;
elle lui appartient aussi spécialement que la pater-
nité à la
première personne^ et la filiation à la seconde. —
Gomment dès
lors ne pas conclure que le Saint-Esprit doit
avoir, dans
l'œuvre de notre sanctification, une part spé-
ciale que Ton ne saurait attribuer ni au Père ni au Fils ?
— Et puisque l'état de grâce et d'union est constitué par
une sorte
d'application de la substance divine aux âmes
justifiées,
il faut en conclure que l'Esprit-Saint leur est uni
non seulement par la nature divine qui lui est commune
avec le Père et le Fils, mais encore par ce qui lui est
propre,
par son hypostase.
3' Arg. Suivant une expression significative employée par
l'antiquité, l'Esprit-Saint est le lien qui relie nos âmes à
la
sainte Trinité. — N'est-ce pas dire clairement que notre
union à Dieu s'opère par l'intermédiaire de l'Esprit-Saint,
qu'elle se
fait directement et immédiatement avec la troi-
sième personne, et, par elle, en vertu de l'identité ae na-
ture, avec les deux autres ? 462
VI
Réponse. Ad i". Il n'est pas exact de dire que le
Saint-
Esprit seul est donné, et qu'il a partant avec nos âmes un
mode d'union, de présence et d'habitation qui lui soit
vraiment personnel. — Le Fils est donné, lui aussi, par le
Père, et celui-ci se donne lui-même. — Toutefois, parce
que le Saint-Esprit procède comme amour, et en qualité de
premier
don, on peut légitimement lui attribuer, par ap-
TABLE
ANALYTIQUE ^gS
proprîation,
le grand don de Dieu aux hommes, le don de
lui-même
qui accompagne la grâce, et l'habitation di\ine
qui en est
la suite 465
VII
Réponse Ad
2". C'est aussi uniquement par appropria-
tion que
l'Esprit-Saint est appelé la vertu sanctificatrice. —
On ne
saurait, en effet, considérer la puissance de sancti-
fier et de
vivifier les âmes comme une propriété de l'Esprit-
Saint, sans
s'écarter de l'enseignement catholique» qui ne
reconnaît
dans les trois personnes divines qu'une seule
nature, une
seule puissance, une seule opération. . . 467
VIII
Réponse Ad
3". En appelant l'Esprit-Saînt le lien qui
relie nos âmes à la sainte Trinité, en disant que c'est par
lui que les deux autres personnes habitent en nous, les
Pères ne
prétendaient nullement faire du Saint-Esprit l'in-
termédiaire de notre union avec les autres personnes, mais
simplement indiquer sa subordination d'origine vis-à-vis
du Père et du Fils et son mode de procession en tant
qu'amour. Ce
n'était encore qu'une appropriation. . 472
Société
Nouvelle d Impressions, 9 et H, rue des Ursulines — PARIS- V'
11)26
p.
LETHIELLEUX. Éditeur, lo, rue Cassette. PARIS
LA GRACE ET
LA GLOIRE, ou la Filiation adoptive
des enfants de Dieu étudiée dans sa réalité, ses
principes,
son perfectionnement et son couron-
nement final, par le R. P. J.-B. Terrien, S. J., ancien
professeur de dogme à l'Institut Catholique de Paris. —
Deux volumes in-8° écu.
C'est tout plaisir pour nous de présenter aujourd'hui à nos
lecteurs dans un compte rendu détaillé le nouvel ouvrage du
Père Terrien : La Grâce et la Gloire.
Disons tout de suite que, s'il s'agit de la grâce, ce n'est
point,
Dieu merci 1 de la grâce actuelle 1 Qu'on nous pardonne ce
(( Dieu
merci I » : il échappe instinctivement à la plume du
critique qui a
tremblé, un
instant, devant le spectre terrifiant des éternelles
disputes
sur la prédétermination physique et la science moyenne,
la grâce efficace ab intrinseco des uns et la grâce plus ou
moins
« congrue »
de leurs adversaires.
Le Père
Terrien ne nous parle dans son œuvre x— car c'est là
une œuvre théologique nouvelle et de haute importance — que
de la grâce habituelle ou sanctifiante, ainsi que de son
prolon-
gement,
disons de sa con«ommation céleste future, dans la
lumière de gloire.
Toute la théorie fondamentale du surnaturel est là, et
combien
ignorée ou superficiellement connue de nos catholiques
contem-
porains, voire même des prêtres 1
Méditations pieuses, rêveries ascétiques sur la
transcendance de
l'union mystique de l'âme avec Dieu?.,. Point! C'est de
bonne et
forte théologie, tout simplement, et delà meilleure, de la
mieux
fouillée, de la plus solidement établie et développée. Le
sujet était
difficile, et, en plus d'un point, malaisé à aborder, à
traiter surtout
en langage clair, tel que l'exige le tempérament de l'esprit
français.
Le Père Terrien a triomphé de toutes les difficultés. Il
fallait
jadis, pour les curieux de métaphysique surnaturelle,
chercher
loin dans nos bons vieux théologiens scolastiques, plus ou moins
zélés et fidèles commentateurs de la Somme théologique, pour
arriver à pénétrer un peu les mystères de la sublime
participatio
naturx
divinse, qui est proprement la source, la profonde et der-
nière
raison d'être actuelle, comme la consommation future et
étemelle,
de tout l'ordre surnaturel. Et encore ne réussissaient-ils
qu'à
soulever péniblement les premiers voiles, quand ils soule-
vaient quelque chose, dans cette chasse à la lumière en
sujet si
profond.
Grâce au
Père Terrien, nous avons, en bonne langue française,
un traité
suffisamment complet, très détaillé, subtil à l'occasion
là où il
doit l'être, toujours clair cependant et facile à suivre,
fortement
nourri dje bons textes et de solides arguments, sur tout
ce que la théologie peut nous apprendre de la nature et des
propriétés de la grâce sanctifiante et de la gloire.
Concluons que ceux qui étudieront les deux volumes du Père
Terrien
sauront certainement y trouver des sujets d'excellentes
instructions.
(Ami du
Clergé,)
p.
LETHIELLEUX. Éditeur, 10, Rue Cassette, PARIS (6-)
TRAITÉ DE LA VÉRITABLE ORAISON
D'APRÈS LES PRINCIPES DE SAINT-THOMAS
Par le R. P. A. MASSOULIÉ, 0. P.
Suivi des ÉTA TS DE L'ORAISOX
Par le R. P. ROUSSEAU, 0. P.
Nouvelle édition revue et complétée
Par le R P. ROUSSET, 0. P.
2 vol. in-18 de xxiv-252 et 330 pages
LA DOCTRINE
SPIRITUELLE
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TRADITION ET L'ESPRIT DES SAINTS
1. La vie
spirituelle. - II. L'union à Dieu ou la perfection spirituelle
Par le R.
P. ROUSSET, 0. P.
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in-18 de xvi-350 et xii-436 pages
DIRECTIONS
PRATIQUES
Dans les
différents ÉTATS de L'ORAISONetdela VIE INTÉRIEURE
Par le R.
P. J.-B. ROUSSEAU, 0. P.
Nouvelle
édition revue et complétée par le R. P. ROUSSET, 0. P.
In-18 de
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TRAITÉS DE
LA VIE et PERFECTION SPIRITUELLE
DE SAINT
VINCENT FERRIER ET DU B. ALBERT LEGRAIfD
TRADUITS ET
EXPLIQUÉS D'aPKKS LA DOCTRINE DE SAINT-THOMAS
EN RÉPONSE
AUX ERR.EURS MODERNES
Par le R.
P. M.-J. ROUSSET, 0. P.
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spirituelle. - II. La perfection spirituelle.
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in-18 de xvi-2G0 et 290 pages
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et MYSTIQUE
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L'ESPRIT ET LES PRINCIPES DE St-THOMAS D'AQUIN
Par le R. P. F. MEYKARÛ, 0. P.
Nouvelle édition, par le R. P. Régis G. GEREST, du même
ordre
!'• partie : THÉOLOGIE ASCÉTIQUE
In-8 cour, de xvi-584 pages et 6 tableaux dépliants.
2« partie :
THÉOLOGIE MYSTIQUE
In-8 cour,
de xxi-572 pages et 4 tableaux dépliants
n du
Saint-Esprit
justes # 1023
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1H£
INSTITUTE OF WEDIAFVAL T
10 ELMSLEY
PLACE
; JRONTO 5, CANADA.
. 1023 '
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